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te & ignoré, dont l'étalage n'infultera perfonne ; fes plaisirs comme ceux des Amants difcrets, feront affaisonnez du myftere.

Après tout cela, ce Sage, ce Ver tueux, cet Heureux eft toûjours un homme, il n'est point arrivé à un état inébranlable que la condition humaine ne comporte point, il peut tout perdre, & même par fa faute. Il confervera d'autant mieux fa fageffe ou fa vertu, qu'il s'y fiera moins, & fon bonheur qu'il s'en affurera moins.

DISCOURS

QUI A REMPORTE

LE

PRIX D'ELOQUENCE

PAR LE JUGEMENT

DE

L'ACADEMIE FRANÇOISE.

En l'Année 1689.

UELQUE peu d'ufage que l'homme faffe de fes lumie

res pour s'étudier foi-même, il découvre les foibleffes & les déreglements dont il eft rempli: aufsitôt fa raison cherche à y remedier, touchée naturellement d'un defir de perfection qui lui refte de l'ancienne grandeur où elle s'eft vûë élevée.

Mais que peut-elle maintenant, incertaine, aveugle, pleine d'erreurs, digne elle-même, d'être comptée pour une des miferes de l'homme ? Elle ne fçait que combattre des deffauts par des deffauts, ou guerir des passions par des paffions; & les vains remedes qu'elle fournit font des maux d'autant plus grands & plus incurables, qu'elle eft intereffée à ne les plus reconnoître pour des maux, & qu'elle s'eft feduite elle même en leur faveur.

En vain plufieurs fiecles la Grece fi fertile en efprits fubtils, curieux, & inquiets, produifit ces Sages, qui faifoient une profeffion temeraire d'enfeigner à leurs Disciples l'art de vivre heureux, & de fe rendre plus parfaits: envain la diverfité infinie de leurs fentimens, qui fera à jamais la honte des foibles lumieres naturelles, épuifa tout ce que la raifon humaine pouvoit pour les hommes: l'effet des plus grands efforts de la Philofophic

ne fut que de changer les vices que produit la nature corrompue en de fauffes vertus, qui étoient, s'il fe peut, des marques encore plus certaines de corruption. Un homme du commun ou ignore, ou reconnoît fes deffauts avec affez de fimplicité, pour les rendre en quelque forte excufables; au lieu qu'un Philofophe Payen, fier d'avoir acquis les fiens à force de meditation & d'étu de, leur donnoit tous fes applaudisfements.

Ces defordres que la raison humaine caufoit dans la Grece, où elle regnoit avec toute la hauteur dont elle eft capable, quand elle vient à fe méconnoître, les leçons trompeuses qu'elle envoyoit de là chez tous les Peuples du monde, qui ne les recevoient qu'avec trop de docilité, ne furent pas fans doute les moindres motifs qui inviterent la Raison éternelle à defcendre fur la terre. Si d'un côté chez les Juifs les fameufes fe

maines de Daniel, qui expiroient, & le Sceptre de Juda qui avoit passé dans des mains étrangeres, preffoient le Liberateur filong-tems promis & attendu, il eft certain que d'un autre côté les Grecs livrez jufques-là à des erreurs orgueilleufes, & à une ignorance contente d'elle-même, demandoient également le Meffie par leurs befoins, quoi qu'ils ne fuffent pas en droit de l'attendre. Dieu le devoit aux uns pour dégager fa parole tant de fois donnée par la bouche de fes Prophetes; & il le devoit aux autres pour fatisfaire à fa bonté, qui ne les pouvoit fouffrir plus long-temps dans les égaremens de leur fageffe. Il falloit aux uns un Monarque qui s'établît un empire tout divin fur les Nations, un grand Prêtre qui leur enfeignât les veritables Sacrifices ; & il falloit aux autres un Sage, dont ils receuffent des préceptes folides, un Maître qui leur apportât toutes les connoiffances, après lefquelles

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