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confolation à en juger felon les premieres idées qui fe prefentent! Quoi! nous ne ferons pas feulement malheureux, nous ferons encore obligez de nous croire coupables? Nous perdons jufqu'au droit de nous plaindre, nos foupirs ne pourront plus être innocents? Encore un coup, quelle étrange confolation!

C'en eft une cependant & folide & efficace, quelque triftes que paroiffent quelquefois les veritez qui nous viennent du Ciel, elles n'en viennent que pour notre bonheur & notre repos. Un Chretien vivement perfuadé qu'il merite les maux qu'il fouffre, eft bien éloigné de les redoubler par des mouvements d'impatience. Il eft jufte que la revolte de notre ame contre des douleurs deuës à nos pechez, foit punie par l'augmentation de ces douleurs mêmes mais on fe l'épargne, en se foûmettant fans murmure au châtiment que l'on reçoit. Ce n'eft pas

que les Chrétiens cherchent à souffrir moins, c'eft que d'ordinaire les actions de vertu ont des récompenfes naturelles qui en font infeparables. On ne peut être dans une fainte difpofition à fouffrir que l'on ne diminuë la rigueur des fouffrances. On ne peut y confentir fans les foulager, & lors que nous nous rangeons contre nous mêmes du parti de la justice divine, on peut dire que nous affoibliffons en quelque forte le pouvoir qu'elle auroit contre nous.

Faut-il que je mette auffi au nombre des motifs de patience que la Religion nous enfeigne, les biens éternels qu'elle nous apprend à meriter par le bon ufage de nos maux ? Sont-ce veritablement des maux, que les moyens d'acquerir ces biens céleftes qui ne pourront jamais nous être ravis? Souffre-t-on encore quand on les envisage, & leur idée laiffe-t-elle dans notre ame quelque place à des douleurs & foibles & paffageres? Ah!

il femble qu'ils nous empêchent bien plûtôt de les fentir, qu'ils ne nous aident à les endurer.

Tel a été l'art de la bonté de Dieu,' que dans les punitions même que fa colere nous envoye, elle a trouvé moyen de nous y ménager une fource d'un bonheur infini: recevons avec une foumiffion fincere de fi juftes punitions, & elles deviendront auffi-tôt des fujets de récompenfe. Nous n'aurons pas feulement effacé nos crimes, nous aurons acquis un droit à la fouveraine felicité.Aveuglement de la nature, Lumieres céleftes de la Religion, que vous êtes contraires! La nature par fes mouvemens defordonnez augmente nos douleurs, & la Religion les met, pour ainfi dire, à profit par la patience qu'elle nous infpire. Si nous en croyons l'une, nous ajoûtons à des maux neceffaires un mal volontaire; & fi nous fuivons les inftructions de l'autre, nous tirons de ces maux

neceffaires les plus grands de tous les

biens.

Auffi la patience chrétienne n'eftelle pas une fimple patience, c'est un veritable amour des douleurs. Si

on ne portoit pas fa vûë dans cette éternité de bonheur dont elles nous affurent la joüiffance, on se borneroit à les recevoir fans murmure, comme des châtimens dont on eft digne par les pechez; mais dès que l'on regarde le prix infini dont elles font payées, on ne peut plus que les recevoir avec joye comme des graces dont on eft indigne. De-là naiffoient ces merveilles dont les Annales des Chrétiens font remplies ; cette tranquillité dont les Saints ont joüi au milieu même des plus âpres tourments; cette égalité parfaite qu'ils ont toûjours vûë entre les biens & les maux ; que dis-je, égalité? cette préference qu'ils ont toûjours donnée aux maux fur les biens; ces heureux excès de patience qu'ils ont

pouffez jufqu'à ofer appeller fur eux les maux que la main de Dieu leur refufoit.

Quel fpectacle fut-ce pour le monde corrompu que la naiffance du Chriftianifme! On voit paroître tout à coup & se répandre dans l'Univers des hommes qui difconviennent d'avec tous les autres fur les principes les plus communs ; des hommes qui rejettent tout ce qui eft recherché avec le plus d'ardeur, & qui ont un amour fincere pour tout ce que les autres fuyent. Les plaintes font un langage qui leur eft inconnu, fi ce n'eft dans la profperité. Ils ne fe contentent pas d'avoir au milieu des malheurs une conftance inébranla ble, ils ont une joye qui va fouvent jufqu'à des transports;s'ils ne s'offrent pas d'eux mêmes aux tourmens & à la mort, ils fe contraignent; la cruauté de leurs ennemis fe méprend éternellement, on ne leur donne pour fupplices que ce qu'ils fouhaitent.

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