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Quels font ces prodiges, devoient dire les Payens? Quel eft ce renverfement les biens & les maux ont-ils changé de nature? les hommes en ont-ils changé eux-mêmes? Cet étonnement fut fans doute d'autant plus grand, que l'on voyoit les Philofophes, qui jufques-là avoient paru être en poffeffion de toutes les vertus & des veritez, confondus & dans leur fpeculation, & dans leurs pratiques, par de nouveaux Philofophes incomparablement plus parfaits. Ce furent ces derniers Sages, ou plûtôt ce fut leur Maître celefte qui détruifit les fauffes efpeces de patience établies par des Sages trompeurs, & plus vicieufes peut-être que l'impatience naturelle aux hommes qui n'ont que leurs paffions pour guides.

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II. POINT.

'AMAIS la raifon humaine n'a

fait éclater tant d'orgueil, & n'a Taiffé voir tant d'impuiffance, que dans la Secte des Stoïciens. Ces Philofophes entreprirent de perfuader aux hommes que leur propre corps étoit pour eux quelque chofe d'étranger, dont les interefts leur devoient être indifferents, & que les douleurs qui affligeoient ce corps étoient ignorées par le Sage, qui fe retranchoit entierement dans la partie fpirituelle de lui-même. Ainfi le Stoïcien regardoit les maux avec dédain, comme des ennemis incapables de lui nuire, & il fe paroit d'une patience faftueuse, fondée fur l'impaffibilité dont fa Secte le flattoit. Souffrir. avec conftance, eût été quelque chofe de trop humain, il ne fouffroit point, femblable à Jupiter même, dont il n'avoit lieu d'envier ni les perfections, ni le bonheur.

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Jufqu'où vous égarez-vous, foibles efprits des hommes, quand vous êtes abandonnez à vous-mêmes ? Quoi ! il s'agit de foulager les bleffures que nous recevons, nous en gemiffons, & on n'y trouve point d'autre remede que de nous foûtenir que nous fommes invulnerables? Trop heureux encore, fi nous pouvions entrer dans cette illufion & en profiter; mais fi ces vaines idées élevent pour quelques momens, & enflent l'imagination feduite, on eft auffi-tôt rappellé au fentiment de fes maux par la nature plus forte & plus puiffante, & fi l'opiniâtreté du parti dont on a fait choix maintient encore dans l'efprit cette fuperbe fpeculation, le cœur qui fouffre la dément & la condamne. Quand ce Stoïcien preffé par la douleur d'une maladie violente s'écrioit en s'adref fant à elle; Je n'avouerai pourtant pas que tu fois un mal; cet effort qu'il faifoit pour ne le pas avouer, ce dé

faveu même apparent, n'étoit-ce pas un aven & le plus fort & le plus fincere qui pût jamais être ?

Loin du Chriftianifme une erreur fi contraire aux fentimens naturels, & un orgueil fi indigne d'une raifon éclairée. La patience des Chrétiens n'eft point fondée fur ce qu'ils s'imaginent être au-deffus des douleurs ; ils fouffrent, ils avoüent qu'ils fouffrent; mais la foûmiffion qu'ils ont pour celui qui les fait juftement fouffrir, mais le prix qui est propofé à leurs fouffrances, produit cette conftance, ce calme, cette joye qui ont fi fouvent arraché à leurs perfecu teurs de l'admiration & du refpect. Ils ne retiennent point leurs plaintes & leurs gemiffemens par la crainte de deshonorer le parti qu'ils font profeffion de fuivre; mais la divine Religion qu'ils fuivent prévient en eux les plaintes & les gemiffemens par les faintes penfées dont elle les remplit. Ils font tels au dedans d'eux

mêmes que les Stoïciens avoient beaucoup de peine à paroître au dehors, tranquilles & vainqueurs de la douleur qu'ils endurent. Ils font ce que toute la Philofophie ellemême ne sçauroit affez admirer, auffi fenfibles que tous les autres hommes à toutes les miferes humaines, plus fatisfaits au milieu des plus grandes miferes, que s'ils étoient les plus heureux des hommes.

Il n'y a rien où la patience éclate avec plus d'avantage que dans les injures. Un Stoïcien offensé ne confervoit un exterieur paifible, que parce qu'il s'élevoit auffi-tôt dans fon cœur au-deffus de celui qui l'avoit offenfé, & quelquefois même par un fuperbe jugement ofoit le dégrader de la qualité d'homme: infulte qu'on fait fans danger à fon ennemi, vengeance impuiffante, qui ne laiffe pas de confoler l'orgueil, Un Chrétien fe met dans fon cœur au-deffous de tous les hommes, &

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