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fe plaignit d'avoir été abandonné de fon Pere; mais il ne murmuroit pas de cette extrême rigueur, il nous marquoit feulement combien il y étoit fenfible. Les Philofophes prétendoient à une impaffibilité, qui dans l'état où nous fommes, ne peut s'accorder avec la nature humaine, & Jefus-Chrift ne voulut pas joüir de celle qu'il eût pû recevoir de fa Divinité. Il fouffrit les plus cruels fupplices pour laiffer un exemple qui convînt à des hommes neceffairement sujets à la douleur. Il prit toute notre fenfibilité pour nous porter avec plus de force à l'imitation de sa patience.

Infpirez-nous, Verbe incarné, cette vertu heroïque fi éloignée de la corruption qui nous eft devenuë naturelle, & de la faffe perfection à laquelle la Philofophie afpiroit. Daignez-nous inftruire dans la fcience de fouffrir, fcience toute celefte, & qui n'appartient qu'à vos Difciples.

Tout le cours de votre vie nous en donne d'admirables leçons; mais comment les mettre en pratique fans le fecours de votre grace ? C'est vous feul fur qui nous pouvons prendre une veritable idée des vertus ; & c'est yous feul encore de qui nous pouvons recevoir la force de les fuivre. Vous qui êtes la Raifon & la Sageffe de votre adorable Pere, devenez auffi la nôtre pour regler les emportemens aufquels la nature s'abandonne dans les afflictions;ne permettez,Seigneur, à votre Juftice, de les faire tomber fur nous, que quand vous aurez mis dans notre ame les difpofitions neceffaires pour en profiter, & ne nous envoyez tous les maux dont nous fommes dignes, qu'en nous donnant en même temps un courage vrayment Chrétien.

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Monfieur de FONTENELLE ayant été élû par Meffieurs de l'Academie Françoise à la place de feu Monfieur DE VILLAYER, Doyen du Confeil d'Etat, y vint prendre féance le Samedy cinquiéme May 1691. & fit le Remerciement qui fuit.

MESSIEURS,

Si je ne fongeois aujourd'hui à me défendre des mouvemens flateurs de la vanité, quelle occafion n'auroit-elle pas de me feduire, & de me jetter dans la plus agréable erreur où je fois jamais tombé? En entrant dans votre illuftre Compagnie, je croirois entrer en partage de toute fa gloire; je me croirois affocié à l'immortelle Renommée qui vous

attend; & comme la vanité est également hardie dans fes idées, & ingenieufe à les autorifer, je me croirois digne du choix que vous avez fait de moi, pour ne vous pas croire capables d'un mauvais choix.

Mais, MESSIEURS, j'ofe affurer que je me garantis d'une fi douce illufion, je fçai trop ce qui m'a donné vos fuffrages. J'ai prouvé par ma conduite que je connoiffois tout ce que vaut l'honneur d'avoir place dans l'Academie Françoife, & vous m'avez compté cette connoiffance pour un merite; mais le merite d'autrui vous a encore plus fortement follicités en ma faveur. Je tiens par le bonheur de ma naiffance à un grand Nom, qui dans la plus noble espece des productions de l'efprit efface tous les autres noms, à un nom que vous respectez vous-mêmes. Quelle ample matiere m'offriroit l'illuftre Mort qui l'a annobli le premier ! Je ne doute pas que le Public, penetré

de la verité de fon éloge, ne me difpensât de cette fcrupuleufe bienféance qui nous défend de publier des loüanges où le fang nous donne quelque part, mais je me veux épargner la honte de ne pouvoir, avec tout le zele du fang, parler de ce grand homme, que comme en parlent ceux que fa gloire intereffe le moins.

Vous, MESSIEURS, à qui fà mémoire fera toûjours chere, daignez travailler pour elle en me mettant en état de ne la pas deshonorer. Empechez que l'on ne reproche à la nature de m'avoir uni à lui par des liens trop étroits, Vous le pouvez, MESSIEURS, j'ofe croire même que vous vous y engagés aujourd'hui. Sûrs que vos lumieres fe communiquent, vous m'accordez l'entrée de l'Academie, & pouriez-vous me recevoir parmi vous, si vous n'aviez formé le deffein de m'élever jufqu'à vous? Oferois-je moi-même,

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