fi je ne comptois fur votre fecours, fucceder à un grand Magiftrat, dont le genie, quelque diftance qu'il y ait entre les caracteres de Confeiller d'Etat & d'Academicien, embrasfoit toute cette étendue ?

Je fens que mon cœur me follicite de m'étendre fur ce que je vous dois, & je refifte à un mouvement fi legitime, non par l'impuissance où je fuis de trouver des expreffions dignes du bienfait, je n'en chercherois pas, mais parce que je vous marquerai mieux ma reconnoiffance lorfque j'entrerai avec une ardeur égale à la vôtre dans tout ce qui vous intereffe le plus vivement. Un grand fpectacle eft devant vos yeux, une grande idée vous occupe, & vous rendroit indifferens à d'autres dif cours; je fufpens mes fentimens particuliers, je cours au feul fujet qui vous touche.

Mons vient d'être foûmis. Tandis qu'un Prince, qui tire tout fon éclat

d'être jaloux de la gloire de Louis LE GRAND, assemble avec fafte des Confeils compofez de Souverains, & que fon ambition s'y laiffe flatter par des hommages qu'il ne doit qu'à la terreur que l'on a conçuë de la France, tandis qu'il propofe des projets d'une Campagne plus heureuse que les précedentes, projets qu'a enfantés avec peine une fombre & lente méditation; c'est aux portes de ce Confeil, c'eft dans le fort des déliberations, que Louis entreprend de fe rendre maître de la plus confiderable de toutes les places ennemies.

A ce coup de foudre l'Affemblée fe diffipe; le Chef court, vole où il fe croit neceffaire, remuë tout, fait les derniers efforts, affemble enfin une affez grande Armée pour ne pas être témoin de la prise de Mons fans en rehauffer l'éclat. La fortune du Roy avoit appellé ce Spectateur d'audelà des Mers. Conquête auffi heureufe

reufe que glorieufe, fi au milieu du bonheur dont elle a été accompagnée, elle ne nous avoit pas coûté des craintes mortelles. Il n'eft pas besoin d'en exprimer le fujet; sous le Regne de Louis, nous ne pouvons craindre que quand il s'expofe.

Dans le même tems Nice, qui dans les Etats d'un autre Ennemi décide prefque de leur feureté, Nice eft forcé de fe rendre à nos armes, & la Campagne n'eft pas encore commencée. Quelle grandeur, quelle nobleffe dans les entreprises du Roi! Rien ne peut nuire à leur gloire que la promptitude du fuccès, qui peut-être aux yeux de l'avenir cachera les difficultez du deffein, & fera difparoître tous les obftacles qui ont été ou prevenus ou furmontés. Il manque à des entreprises fi vaftes & fi hardies la lenteur de l'execution.

Quand nous vifimes, il y a quel ques années, s'élever l'orage que for moit contre nous un efprit né

pour

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en exciter, ambitieux fans mesure; & cependant ambitieux avec conduite, en orgueilli par des crimes heureux ; quand nous vîmes entrer dans la Ligue jufqu'à des Princes qui malgré leur foibleffe pouvoient être à redouter, parce qu'ils augmentoient un nombre déja redoutable; nous efperâmes, il eft vray, que tant d'ennemis viendroient se brifer contre la puiffance de Louis; mais ne diffimulons pas que l'idée que nous en avions, quelque élevée qu'elle fût, ne nous promettoit rien au-delà d'une glorieuse résistance. Apprenons que la réfiftance de Louis, ce font de nouvelles Conqueftes, il ne fçait point affeurer fes Frontieres fans les étendre, il ne défend fes Etats qu'en les aggrandissant.

Il avoit renoncé par la Paix à fe rendre maître de l'Europe, & l'Europe entiere rallume une Guerre qui le rétablit dans fes droits, & l'invite à réparer les pertes volontaires

de fa moderation. Il tenoit fa valeur captive, fes Ennemis eux-mêmes l'ont dégagée, & l'Univers lui est

ouvert.

Que ne pouvons-nous rappeller du tombeau, & rendre fpectateur de tant de merveilles, le grand Miniftre à qui l'Academie Françoife doit fa naiffance! Lui qui fous les ordres du plus jufte des Rois, a commencé l'élevation de la France, avec quel étonnement verroit-il fes propres deffeins pouffez fi loin au-delà de fon idée & de fon attente ! Lui qui nous fut donné pour préparer le chemin à LoUIS LE GRAND, auroit-il cru ouvrir une fi belle & fi éclatante carriere?

Surpris de tant de gloire, il pardonneroit à cette Compagnie, fi elle ne remplit pas fous fon Regne le devoir qu'il lui avoit impofé de celebrer dignement les Heros que la France produiroit. Il verroit avec un plaifir égal, & notre zele & no