ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

nous reffembler beaucoup, & qu'enfin on les connoîtra quand onyoudra fe donner la peine de les aller voir; ils demeureront toûjours-là, & ne nous échaperont pas ; mais ces Gens de la Lune, on ne les connoîtra jamais, cela eft defefperant. Si je vous répondois ferieusement, repliquai-je,qu'on ne fçait ce qui arrivera, vous vous moqueriez de moi, & je le meriterois fans doute. Cependant je me défendrois affez bien, fi je voulois. J'ai une penfée très-ridicule, qui a un air de vrai-femblance qui me furprend ; je ne fçai où elle peut l'avoir pris, étant auffi impertinente qu'elle eft. Je gage que je vais vous réduire à avoüer contre toute raison, qu'il pourra y avoir un jour du commerce entre la Terre & la Lune. Remettez-vous dans l'efprit l'état où étoit l'Amerique avant qu'elle eûr été découverte par Chriftophle Colomb. Ses Habitans vivoient dans une ignorance extrême. Loin de con

noître les Sciences, ils ne connoiffoient pas les Arts les plus fimples & les plus neceffaires. Ils alloient nuds, ils n'avoient point d'autres armes que l'Arc, ils n'avoient jamais conçu que des hommes pûffent être portez par des animaux ; ils regardoient la Mer comme un grand efpace défendu aux hommes qui fe joignoit au Ciel, & au-delà duquel il n'y avoit rien. Il est vrai qu'après avoir paffé des années entieres à creufer le tronc d'un gros arbre avec des pierres tranchantes, ils fe mettoient fur la Mer dans ce tronc, & alloient terre à terre portez par le vent & par les flots. Mais comme ce Vaiffeau étoit fujet à être fouvent renversé, il falloit qu'ils fe miffent auffi-tôt à la nâge pour le ratraper, & à proprement parler, ils nâgeoient toûjours, hormis le tems qu'ils s'y délaffoient. Qui leur eût dit qu'il y avoit une forte de Navigation incomparablement plusparfaite; qu'on pouvoit traverfer cette éten

duë

due infinie d'eaux de tel côté & de tel fens qu'on vouloit, qu'on s'y pouvoit arrêter fans mouvement au milieu des Flots émus, qu'on étoit maître de la viteffe avec laquelle on a alloit; qu'enfin ce cette Mer,quelque vafte qu'elle fût, n'étoit point un obftacle à la communication des Peuples, pourvû feulement qu'il y eût des Peuples aude-là, vous pouvez compter qu'ils ne l'euffent jamais cru. Cependant, voilà un beau jour le Spectacle du monde le plus étrange & le moins attendu qui fe prefente à eux. De grands Corps énormes qui paroiffent avoir des ailes blanches, qui volent fur la Mer, qui vomiffent du feu de toutes parts, & qui viennent jetter fur le rivage des Gens inconnus, tout écaillez de fer difpofant comme ils veulent de Monftres qui courent fous eux, & tenant en leur main des Foudres dont ils terraffent tout ce qui leur refifte. D'où font-ils venus? Qui a pû les amener par-deffus les Mers?

[ocr errors]

H

Qui a mis le feu en leur difpofition Sont-ce des Dieux Sont-ce les enfans du Soleil? car affurément ce nefont pas des Hommes. Je ne fçai, Madame, fi vous entrez comme moi dans la fuprise des Amériquains; mais jamais il ne peut y en avoir eu une pareille dans le monde: Aprés cela je ne veux plus jurer qu'il ne puiffe y avoir commerce quelque jour entre la Lune & la Terre. Les Amériquains euffent-ils crû qu'il eût dû y en avoir entre l'Amerique & l'Europe qu'ils ne connoiffoient feulement pas ? Il eft vrai qu'il faudra traverser ce grand efpace d'Air & de Ciel qui eft entre la Terre & la Lune; mais ces grandes Mers paroiffoient - elles aux Amériquains plus propres à être traversées? En verité, dit la Marquife, en me regardant, vous êtes fou. Qui vous dit le contraire, répondis-je? Mais je veux vous le prouver, répondit-elle, je ne me contente pas de l'aveu que vous en faites. Les Amériquains

étoient fi ignorans, qu'ils n'avoient garde de foupçonner qu'on pût fe faire des chemins au travers des Mers fi vastes; mais nous qui avons tant de connoiffances, nous nous figurerions bien qu'on pût aller par les Airs, fi l'on pouvoit effectivement y aller. On fait plus que fe figurer la chose poffible, repliquai-je, on commence déja à voler un peu; plufieurs perfonnes differentes ont trouvé le fecret de s'ajufter des aîles qui les foûtinssent en l'air, de leur donner du mouvement, & de paffer pardeffus des Rivieres. A la verité, ce n'a pas été un vol d'Aigle, & il en a quelquefois coûté à ces nouveaux Oiseaux un bras ou une jambe; mais enfin cela ne reprefente encore que les premieres planches que l'on a mises fur l'eau, & qui ont été le commencement de la: Navigation. De ces planches-là, il y avoit bien-loin jufqu'à de gros Navi-res qui puffent faire le tour du Mon de. Cependant peu-à-peu font venus< Ho

« ÀÌÀü°è¼Ó »