페이지 이미지
PDF
ePub

RÉFLEXIONS

CRITIQUES

SUR LA POËSIE

E T

SUR LA PEINTURE.

TROISIÈME PARTIE, Qui contient une Dissertation fur les Représentations Théatrales des Anciens.

AVANT-PROPOS.

LA Mufique des Anciens étoit une Science bien plus étendue que ne l'eft notre Musique. Aujourd'hui la Mufique n'enseigne que deux

Tome III.

A

chofes, la compofition des chants muficaux, ou des chants proprement dits, & l'exécution de ces chants, foit avec la voix, foit fur les inftrumens. La fcience de la Mufique avoit parmi les Grecs & parmi les Romains, un objet bien plus vafte. Non-feulement elle montroit tout ce que la nôtre montre; mais elle enfeignoit beaucoup de chofes que la nôtre n'enseigne point, foit parce que l'on n'étudie plus aujourd'hui unepartie de ces chofes-là, foit parce que l'art qui enfeigne les autres, n'eft point réputé faire une partie de la Mufique, de maniere que l'on ne donne plus le nom de Muficien à celui qui le profeffe. Dans l'antiquité, l'art poëtique étoit un des arts fubordonnés à la Mufique, & par conféquent c'étoit la Mufique qui enfeignoit la conftruction des vers de toute figure. L'art de la Saltation, ou l'art du gefte étoit auffi l'un des arts muficaux. Ainfi ceux qui enfeignoient les pas & les attitudes de notre danse, ou de la danse proprement dite, laquelle faifoit une partie de l'art du gefte, étoient appellés Muficiens. Enfin la Mufique des Anciens enfeignoit à compofer comme à écrire en notes la fimple déclamation, ce qu'on ne fçait plus faire aujourd'hui. Ariftides Quintilianus nous a laiffé

[ocr errors]

un excellent livre fur la Mufique, écrit en langue Grecque; & cet Auteur vivoit fous le regne de Domitien, ou fous celui de Trajan, comme le conjecture fur de bonnes raifons Monfieur Meibomius, qui a fait imprimer avec une traduction Latine l'ouvrage dont je parle. Suivant cet Ariftides, la plupart des Auteurs qui l'avoient précedé, définiffoient la Mufique: un art qui enfeigne à fe fervir de la voix, & à faire tous les mouvemens du corps avec grace. Ars decoris in vocibus & motibus (a).

Comme l'on n'a point communément de la mufique des Grecs & des Romains l'idée que je viens d'en donner, & comme on croit qu'elle étoit renfermée dans les mêmes bornes que la nôtre, l'on fe trouve embarraffé, quand on veut expliquer tout ce que les Auteurs anciens ont dit de leur Mufique, & de l'ufage qui s'en faifoit de leur tems. Il est donc arrivé que les paffages de la Poëtique d'Ariftote, que ceux de Ciceron, de Quintilien & des meilleurs Ecriyains de l'antiquité, où il eft fait mention de leur Mufique, ont été mal entendus par les Commentateurs, qui s'imaginant que dans ces endroits-là il étoit queftion de notre danfe &

(a) Ariftid. lib. prim.

de notre chant; c'eft-à-dire, de la danfe & du chant proprement dits, n'ont jamais pu comprendre le véritable fens de leurs paffages. L'ex`plication qu'ils en donnent, n'eft propre qu'à les rendre plus obfcurs. Elle n'eft propre qu'à nous empêcher de concevoir jamais la maniere dont les piéces dramatiques étoient exécutées fur le théatre des Anciens.

J'ofe entreprendre d'expliquer intelligiblement tous ces paffages, & principalement ceux qui parlent des représentations théatrales. Voici le plan de mon Ouvrage.

En premier lieu, je donnerai une idée générale de la Mufique fpéculative & des arts musicaux ; c'est-à-dire, des arts qui parmi les Anciens étoient fubordonnés à la fcience de la Mufique. Si je ne dis rien, ou très-peu de chofes, fur la fcience qui enfeignoit les principes de toute forte d'accords & de toute forte d'harmonie, c'est qu'il ne m'appartient pas de changer quelque chofe, ou d'ajouter rien aux explications que M. Meibomius, M. Broffard, M. Burette & d'autres Ecrivains modernes ont faites des ouvrages que les Anciens ont compofés fur l'harmonie, & qui nous font demeurés.

Je ferai voir en fecond lieu, que les Anciens

compofoient & qu'ils écrivoient en notes leur déclamation théatrale, de maniere que ceux qui la récitoient, pouvoient être, comme ils l'étoient en effet, foutenus par un accompagne

ment.

Je montrerai en troifiéme lieu, que les Anciens avoient fi bien réduit l'art du gefte ou la Saltation, qui étoit un des arts fubordonnés à la fcience de la Mufique en méthode réglée, que dans l'exécution de plufieurs fcènes ils pouvoient partager, & qu'ils partageoient en effet la déclamation théatrale entre deux Acteurs, dont le premier récitoit, tandis que le fecond faifoit les geftes convenables au fens des vers récités, & que même il se forma des troupes de Pantomimes, ou de Comédiens muets qui jouoient, fans parler, des piéces fuivies.

Je finirai mon ouvrage par quelques obfervations fur les avantages & fur les inconvéniens qui pouvoient réfulter de l'ufage des Anciens.

« 이전계속 »