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les ouvrages font perdus, & dont nous ne connoiffons plus que les noms, avoient employé cette façon de peindre! Ils nous auroient tranfmis des modeles excellents dont nous n'avons que de foibles idées. Ne feroit-il pas à fouhaiter que les tableaux que nous avons confervés euffent encore la même fraîcheur, le même accord de couleurs & le même éclat qu'ils avoient lorfqu'ils font fortis de deffus le chevalet des célebres Artiftes qui les ont faits? Il n'est pas douteux que nous jouirions de cet avantage s'ils s'étoient fervi de la Peinture en Émail. Nous ne manquons point d'habiles Peintres ; nous avons de bons Deffinateurs & de grands Coloristes; mais les matériaux pour la Peinture en Émail leur ont manqué. Parmi tous ceux qui fe font appliqués à ce genre de Peinture, on ne connoît que le célebre Petitot, qui paroît avoir eu un affez grand nombre de bonnes couleurs ; on prétend qu'elles lui étoient fournies par un Médecin Chymifte,de fes amis. Mais foit que ce Chymifte fe foit contenté de fournir des couleurs fans en donner la compofition, foit que Petitot n'ait

pas voulu révéler fon fecret, ceux qui ont travaillé après lui en ont ignoré la plus grande partie; il y a même des effets qu'ils n'ont jamais pu imiter. Il s'eft établi parmi ces Peintres une jalousie & une rivalité qui les a engagés de garder le filence fur le peu qu'ils favoient, & ils font morts fans nous rien apprendre. Les jeunes Peintres qui ont voulu courir cette carriere fe font donc trouvés dénués de tout fecours; en commençant,ils ont été réduits à acheter une ou deux couleurs de ces Etrangers, que l'on nomme Paffe-volants, qui les leur vendoient fort cher, & qui fe gardoient bien de leur en révéler la compofition. Chacun de ces vendeurs de couleurs ayant fa manoeuvre particuliere. & nos Peintres fe trouvant obligés d'en acheter de plusieurs, il ne faut pas s'étonner des difficultés que ces derniers ont rencontrées toutes les fois qu'ils ont voulu en faire des mélanges pour produire différents tons de couleur. En effet, il y avoit de ces couleurs qui fe détruifoient les unes les autres, ou qui n'entroient point en fonte en même-temps. Les Peintres ne

connoiffant point les matieres dont les couleurs qu'on leur avoit vendues,étoient compofées, ont toujours été hors d'état de remédier à ces inconvénients.

La difficulté de l'emploi de ces couleurs ne fut pas la moindre que les Peintres eurent à furmonter. Elles. avoient été prefque toutes vitrifiées ; c'eft-à-dire, qu'elles ne confiftoient que dans des verres colorés que l'on mettoit en poudre & que l'on employoit enfuite au pinceau, après les avoir broyés longtemps avec l'huile effentielle de Lavande. Le peu d'ouvrages que nous avons fur la Peinture en Émail, font remplis de ces fortes de procédés. De la compofition que l'on y donne de différentes couleurs, il réfulte toujours un verre coloré que l'on broye & avec lequel il faut peindre: mais il est bien démontré que, quelque foin que l'on prenne & quelque temps que l'on mette à broyer du verre pilé avec de l'huile, on ne parviendra jamais à rendre. le verre affez miffible avec cette huile. pour qu'ils puiffent couler également enfemble fous le pinceau. Les petites parties du verre, quelque fines qu'elles

foient, confervent toujours des angles qui les attachent aux poils du pinceau & en rendent la pointe bourbeufe. Comment pouvoir former de cette façon des traits fins & délicats dans une peinture qui ne pouvant être appliquée que fur des petits sujets, paroît n'en point admettre d'autres ? C'eft pour remédier à cet inconvénient que les Peintres avoient imaginé de fe fervir de petites pointes de bois, aiguifées & rendues très-fines, pour ranger la couleur & diminuer les maffes & les traits d'une trop grande étendue que le pinceau auroit faits contre leur gré.

Les pains d'Émail de différentes couleurs, parmi lefquels ceux que l'on fait à Venife ont le plus de réputation, préfentent la même difficulté pour l'emploi que les verres colorés ; & quoique beau coup de Peintres s'en fervent aujourd'hui pour mêler avec leurs couleurs, on ne peut en espérer aucun bon fuccès. Ils font autant & quelquefois plus diffi ciles à mettre en fonte que l'Émail blanc fur lequel on les applique, ce qui les empêche d'y pénétrer, & fait qu'ils y forment une épaiffeur qui rend la pein

taines couleurs dont le mêlange se détruisoit dans la fusion, ou qui bouillonnoient lorsqu'on les couchoit les unes fur les autres. Toutes celles dont on va donner la compofition, n'ont aucune antipathie entr'elles, fe mêlent parfaitement,& ne font point fujettes à bouil lonner.

Les mêmes Peintres avoient deux efpeces de couleurs; les unes qu'ils appelloient dures, & les autres tendres. Ils couchoient les couleurs dures dès le premier feu, & quelquefois à peine avoient-elles pris le luifant au dernier feu les bleues étoient de ce nombre. Les couleurs tendres s'employoient aux derniers feux, fans cela elles fe trouvoient altérées & quelquefois tout-à-fait emportées. Cette diftinction de couleurs dures & de couleurs tendres n'aura point lieu dans celles que nous donnons ici ; on peut les employer toutes également au premier feu, fans craindre qu'elles foient ni altérées ni détruites.

Lorfqu'une couleur n'avoit pas réuffi ou lorsqu'une nuance fe trouvoit défectueuse, le Peintre n'avoit d'autre moyen que celui d'effacer fon ouvrage en em

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