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d'un Émailleur eft, pour ainfi dire, une fuite plus ou moins considérable d'effais numérotés fur des inventaires auxquelles il a recours felon le befoin. Il est évident que plus il a de ces effais d'une même couleur, & de couleurs diverses, plus il complette fa palette; & ces effais font ou de couleurs pures & primitives, ou de couleurs réfultantes du mêlange de plufieurs autres; celles-ci fe forment pour l'Émail comme pour tout autre genre de Peinture : avec cette différence que dans les autres genres de Peinture, les teintes reftent telles que l'Artiste les aura appliquées; au lieu que dans la Peinture en Émail le feu les altérant plus ou moins d'une infinité de manieres différentes, il faut que l'Emailleur,en peignant,ait la mémoire préfente de tous ces effets, fans cela il lui arrivera de faire une teinte pour une autre, & quelquefois de ne pouvoir plus retrouver la teinte qu'il aura faite. Le Peintre en Émail a, pour ainsi dire, deux palettes, l'une fous les yeux, & l'autre dans l'ef

prit; il faut qu'il foit attentif à chaque coup de pinceau de les accorder entr'elles; ce qui lui feroit trèsdifficile, ou peut-être impoffible, fi, quand il a commencé un ouvrage, il interrompoit fon travail pendant quelque temps confidérable. Il ne fe fouviendroit plus de la maniere dont il auroit compofé fes teintes, & il feroit expofé à placer à chaque instant ou les unes fur les autres ou les unes à côté des autres, des couleurs qui ne font point faites pour aller ensemble. Qu'on juge par-là combien il eft difficile de mettre d'accord un morceau de Peinture en Émail, pour peu qu'il foit confidérable. Le mérite de l'accord dans un morceau, peut-être senti prefque par tout le monde ; mais il n'y a que ceux qui font initiés dans l'art, qui puiffent apprécier tout le mérite de l'Artiste.

Quand on a fes couleurs, il faut fe procurer de l'huile effentielle de Lavande, & tâcher de l'avoir non adultérée; quand on l'a, on la fait engraiffer pour cet effet, on

en

en met dans un gobelet dont le fond foit large, à la hauteur de deux doigts; on le couvre d'une gaze en double, & on l'expofe au foleil jufqu'à ce qu'en inclinant le gobelet, on s'apperçoive qu'elle coule avec moins de facilité, & qu'elle n'ait plus que la fluidité naturelle de l'huile d'olive; le temps qu'il lui faut pour s'engraifser, eft plus ou moins long felon la faison.

On aura un gros pinceau à l'ordinaire qui ne ferve qu'à prendre de cette huile. Pour peindre, on en fera faire avec du poil de queues d'hermines, ce font les meilleurs, en ce qu'ils fe vuident facilement de la couleur & de l'huile dont ils font chargés quand on a peint.

Il faut avoir un morceau de cryftal de roche ou d'agate; que ce crystal foit un peu arrondi par les bords, c'eft là-deffus qu'on broyera & délayera fes couleurs. On les broyera & délayera jufqu'à ce qu'elles faffent, fous la molette, la même fenfation douce que l'huile même. Il faut avoir pour palette un verre

Partie I.

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ou cryftal qu'on tient pofé fur un papier blanc; on portera les couleurs broyées fur ce morceau de verre ou de cryftal; & le papier blanc fervira à les faire paroître à T'oeil telles qu'elles font.

Si l'on vouloit faire fervir des couleurs broyées du jour au lendemain, on auroit une boîte de la la forme de la palette; on collereroit un papier fur le haut de la boîte; ee papier foutiendroit la palette qu'on couvriroit du couvercle de la même boîte car la palette ne portant que fur les bords de la boîte, elle n'empêcheroit point que le couvercle ne fe pût mettre. Mais il arrivera que le lendemain les couleurs demanderont à être humectées avec de l'huile nouvelle, celle de la veille s'étant engraiffée par l'éva poration.

On commencera par tracer fon deffein pour cela on fe fervira du rouge de mars: on donne alors la préférence à cette couleur, parce qu'elle eft légere, & qu'elle n'empêche point les couleurs qu'on ap

plique deffus, de produire l'effet qu'on en attend. On deffinera fon morceau en entier avec le rouge de mars; il faut que ce premier trait foit de la plus grande correction poffible, parce qu'il n'y a plus à y revenir. Le feu peut détruire ce que l'Artifte aura bien ou mal fait; mais s'il ne détruit pas, il fixe les défauts & les beautés. Il en eft de cette Peinture à peu près ainfi que de la Frefque; il n'y en a point qui demande plus de fermeté dans le Deffinateur, & il n'y a point de Peintres qui foient moins sûrs de leur deffein que les Peintres en Émail: il ne feroit point difficile d'en trouver la raifon dans la nature même de la Peinture en Émail ; fes incon, ; vénients doivent rebuter les grands talents.

L'Artiste a à côté de lui uné poële où l'on entretient un. feu doux & modéré fous la cendre ; à mesure qu'il travaille, il met fon ouvrage fur une plaque de tôle percée de trous, & le fait fécher fur cette poële fi on l'interrompt, il le ga :

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