une adhérence indifpenfable de la vente à l'étranger; que fi les Gouvernements ont affez de temps de refte pour spéculer en ce genre, & fe fatiguer du foin de faire mieux les affaires de leurs fujers que les fujers ne les feront eux-mêmes., ils ne fauroient avoir de thermometre la conviction

fur cela, que que le commerce des denrées eft plus avantageux que celui des marchandifes; que l'avantage est toujours à vendre le plus poffible de matieres premieres, d'où fuie qu'entre les marchandifes les plus précieuses à vendre, ce font les moins ou vrées, & par conféquent que les plus ou vrées font les plus utiles à acheter ou recevoir en échange, &c. Il fuit de ces vérités démontrées en tant d'endroits, qu'attirer dans un pays agricole des manufactures, dans la vue d'en vendre les ouvrages à l'étranger, c'eft chercher le mauvais lot dans le commerce récipro

toujours un argent le commerce national, (puisqu'on veut parler commerce en corps de nation), & que ce dommage ira toujours croissant en raison de ce que la main d'œuvre & fes ouvrages feront & deviendront d'un travail plus précieux. Si, au contraire, c'eft feulement pour fournir la Nation elle-même que vous voulez fixer à grands frais ou d'établiffement, ou de privileges, ces manufactures chez vous, voici ce qui arrivera. Le luxe d'oftentation confifte à faire pa rade de chofes rares, & qui nous diftinguent du grand nombre. Toutes ces chofes, tant recherchées quand elles venoient de loin & qu'elles étoient rares, deviendront communes, & feront l'objet de l'oftentation des petits, bien aussi dangereuse au moins que celle des grands, des petits, dis je, qui n'en avoient pas d'idée. Les riches, ou, pour mieux dire, les pauvres ambitieux, ces homines atteints d'une maladie épidémique fi con

tagieufe, pleins de baffefle & de cupidité, ces riches dédaigneront les idoles de leur culte paflé, & iront chercher au loin des chofes rares, fouvent moins belles, mais plus prifées par la difficulté d'y atteindre, & tout votre argent bien aimé ira là.

Ce n'eft en effet que depuis que l'Europe eft manufacturiere, qu'elle envoie de par tout aux Indes porter fon argent en barre & rapporter des vernis, de la terre & du coton. Voilà l'influence que vos manufactures auront fur l'économie nationale & fur les mœurs; jngez fi c'est là de retenir l'argent.

le moyen

Mais vous allez précisément parer à cet objet par des loix fomptuaires, vous nous forcerez à faire un bon emploi de notre fortune, en nous empêchant d'en faire un mauvais. Cela reflemble aflez à la politique de certains Magifter, qui forcent les enfants dans leur claffe à de

tifs. Mais les Bambins ne pouvant frauder l'ordonnance, en efcamotent l'effet, & tout naturellement ils pafferoient plutôt un an à voir voler les mouches, que d'écouter une minute dans cet état contraint. Le démon de la vanité n'eft

pas moins malin que celui de l'indépendance; il fe plaît au contraire, ainfi que tous ceux de fa noble lignée, à la contradiction. En défendant telle ou telle autre attitude du luxe, que faites vous? Rien autre chofe que lui donner le ragoût de l'infraction. Il fe retourne, il reparoft fous toutes les faces. Un Roi fage le fit confifter à avoir cent colonnes à fon palais, & comme de fon temps on ne faifoit pas de ftatues, il mit douze cents femmes deffous ces colonnes. Defendrezvous ce luxe-là ou celui de Cléopatre qui but cette belle perte fondue?

Mais RosNY n'en faifoit pas à deux fois, il vouloit ordonner qu'on vécût co.nme du temps de fes peres. Une pa

reille ordonnance nous embarrasseroit un peu aujourd'hui; car avec nos petites têtes, les grandes perruques de nos peres nous abforberoient; plus nous remonterions, plus nous nous trouverions gênés, & la simple mascarade d'une obéif. fance exacte à un tel décret, feroit l'exorcifme de la loi.

Concluons, 1°. que les loix fomptuaires ne peuvent faire aucun bien, mais feront au moins nécessairement le mal de couper une artere de communication entre les hommes: 2°. que les manufactures, toutes utiles en foi, puifqu'elles multiplient les travaux & les jouiffances, s'établiffent d'elles mêmes auprès de l'a bondance, fe perfectionnent auprès de la richeffe, & parviendront au plus haut degré auprès de l'opulence; mais que l'abondance, la richeffe & l'opulence ne peuvent provenir que de la liberté la plus abfolue des ventes, des achats & des dé