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<< lieu d'entonner ton De profundis, chante« moi plutôt le Domine salvum fac regem, « car je fais les rois. »

LE KAIN.

Le Kain répétait un jour chez Voltaire le rôle de Séide, celui de Palmire était en même temps répété par une demoiselle fort jeune et fort jolie. Jusqu'au cinquième acte Voltaire avait été très content du rôle de Séide et il avait trouvé que si Palmire n'était pas bien excellente, au moins pouvait-elle inspirer de l'intérêt. Au moment de l'imprécation, la jeune actrice lui parut sì faible, si dénuée d'énergie, si éloignée de la situation, qu'il s'avança vers elle et lui dit, avec `une chaleur qu'il cherchait en vain à modėrer: « Figurez-vous, mademoiselle, que Ma<< homet est un fourbe, un imposteur, un « scélérat, qui a fait poignarder votre père,

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qui vient d'empoisonner votre frère, et qui, « pour couronner ses bonnes œuvres, veut

<< absolument vous faire la cour. Si tout ce << petit manège-là vous fait un certain plai<< sir, vous avez raison de ménager Mahomet «< comme vous le faites; mais si cela vous « répugne à un certain point, voici comment «< il faut vous y prendre pour lui dire tout «< ce que vous avez sur le cœur. » Alors il reprend la tirade, la répète, et son âme, électrisant peu à peu celle de la jeune actrice, y fait passer le sentiment de la situation si bien qu'elle y excita l'enthousiasme à la représentation.

Voltaire adressa les vers suivants à l'acteur de Lanoue, lorsqu'il fut question de représenter Mahomet:

Mon cher Lanoue, illustre père

De l'invincible Mahomet,

Soyez le parrain d'un cadet,

Qui sans vous n'est point fait pour plaire...

Votre fils fut un conquérant;

Le mien a l'honneur d'étre apótre,

Prétre, filou, dévot, brigand:

Faites-en l'aumônier du vôtre.

:

Cirano de Bergerac, dont l'humeur que

relleuse et spadassine fut célèbre dans son temps, disait de M. Monfleury l'acteur, avec lequel il eut une dispute un jour : « A cause «< que ce coquin est si gras qu'on ne peut le « bâtonner tout entier en un jour, il fait le « fier. >>

Lors de la première représentation de Marianne et au moment où l'actrice chargée de ce rôle portait à sa bouche la coupe empoisonnée, quelqu'un du parterre s'avisa de crier: « La reine boit! » et cette mauvaise plaisanterie, par les ris qu'elle occasionna, pensa faire tomber la pièce. Voltaire substitua à la coupe un autre dénouement, et la pièce eut quarante représentations. La même chose était arrivée à une représentation de Mithridate, qui fut donnée le jour des Rois.

A la représentation d'une tragédie, dans les deux premiers actes on n'avait vu paraître aucun personnage de femme; mais au

commencement du troisième, deux princesses, chacune avec sa confidente, se présentèrent sur la scène. On entendit aussitôt au milieu du parterre une voix aigre et perçante qui cria: « Quatorze de dames sontils bons?» Il n'en fallut pas davantage pour exciter une risée générale et empêcher que la pièce ne fût achevée.

Un acteur débuta un jour au Théâtre-Français par le rôle de Mithridate; il n'était point dépourvu de talent, il avait même beaucoup d'intelligence et de feu, mais son extérieur n'était rien moins qu'héroïque. Dans la scène où Monime dit à Mithridate : « Seigneur, vous changez de visage? » un plaisant cria à l'actrice : « Laissez-le-faire.»

Mme .. débuta à la Comédie-Française, au mois d'août 1780, par le rôle de Phèdre. Les mauvaises dispositions d'une cabale animée contre elle la firent échouer dans son entreprise. On lui trouva cependant de l'intelligence, des entrailles, et le don des pleurs dans les moments où il en faut répandre. Malgré le tumulte elle ne perdit pas la tête, et dans la sixième scène du quatrième acte où se trouve cette apostrophe à Minos :

Pardonne, un Dieu cruel a perdu ta famille; Reconnais sa vengeance aux fureurs de sa fille, elle osa dire :

Reconnais sa vengeance aux fureurs du parterre.

Ce témoignage de sensibilité (disent les mémoires du temps), qui aurait pu passer pour une imprudence punisable, était un coup de partie. Il réussit, et de nombreux applaudissements encouragèrent l'actrice et humilièrent ses détracteurs.

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