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dent toûjours les maîtres de la campagne, & la vîteffe dont ils décampent, quand le poste ne leur est pas avantageux, fait qu'il est mal-aisé d'en venir à bout. On les a battus quelquefois, mais on n'a jamais pû les détruire. Le Grand Seigneur les laiffe vivre dans fon Empire comme il leur plaît ; & quand il en a befoin pour châtier quelques rebelles de leur voifinage, il les prie honnêtement de marcher ; il leur fait même des prefens pour cela, fans quoi ils mépriferoient fes ordres. Ces Emirs envoïent auffi quelques prefens au Grand Seigneur des plus beaux chevaux qui fe rencontrent chés eux, & des autres raretés de leur païs ; leurs voifins n'aiment pas à les avoir pour ennemis, & ils les ménagent par toutes les marques d'honnêteté & d'amitié qu'ils peuvent leur donner, afin d'entretenir la liberté du commerce, & la feureté des chemins.

Il y a une infinité de Princes, & de familles Arabes, qui font dif

perfées dans la Syrie, la Mefopotamie, la Palestine, les Arabies l'Egypte, & la côte d'Afrique. On jugera par ce que je dirai de celles que j'ai connues, que celles dont je ne parlerai pas, vivent à peu prés de la même maniere.

Outre les Arabes Bedouins, qui demeurent dans les deferts d'Egypte, & qui font de la même race & de la même qualité de ceux dont je viens de parler, il y a une autre race de Bedouins, qui fe font habitués dans la ville d'Alexandrie d'Egypte, qui vivent à peu prés comme ces Bohemiens, qu'on appelle en France Egyptiens. Ils campent entre le rivage de la mer & les murailles de la ville fous des tentes, où les hommes, les femmes, les enfans, & leurs bêtails logent ensemble, comme s'ils étoient en pleine campagne. Les femmes n'ont qu'une grande chemife bleuë pour tout habillement les hommes & les garçons un peu avancés, s'en font une d'une longue piece de

bouracan blanc, & les petits enfans vont tout nuds dans quelque faifon que ce foit.

Ces Bedouins d'Alexandrie n'ont prefque point d'autre mêtier pour gagner leur vie que le louage de leurs bourriques : c'eft la feule voiture dont les Marchands Etrangers peuvent fe fervir dans les villes d'Egypte, pour aller à leurs affaires un peu éloignées ;. ils menent toûjours ces ânes au galop, & le Bedouin qui court. aprés, ne quitte prefque jamais la croupe, qu'il pique de tems en tems d'un aiguillon de bois. Il tres peu de Marchands en ce païslà, qui n'aïent de ces jeunes Bedoüins pour fervir dans leurs maifons, ils font fidelles, & parlent la langue franque; c'eft pour eux une grande commodité d'avoir ainfi des Truchemens en la perfonne de leurs domeftiques, dont la plupart parlent fort bien encore le Provençal.

y a

Les Arabes qui font dans l'Afri

que

que, n'ont pas le même avantage que ceux d'Afie, ils font mêlés entre les Maures, & les peuples de la Numidie, du Biledulgerid, & des autres païs Meridionaux, dont ils prennent les habitudes & la maniere de vivre. Ceux qui font dans le voifinage d'Alger, de Tunis, & de Tripoli, font traités par les Turcs de la même façon qu'ils ont accoûtumé de traiter les Maures, c'està-dire avec beaucoup d'inhumanité l'éloignement de leur centre affoiblit extrémement l'autorité qu'ils auroient par tout ailleurs. Il n'y a que leur langage qu'ils confervent dans toute la pureté, & qui eft le même que celui des Arabes Orientaux.

Il y a encore une autre nation dans la Syrie & dans la Palestine, qui vit à peu prés comme celle des Árabes Bedouins (excepté que leurs tentes font faites de toile blanche). On les appelle aTurkmans : ils demeurent à la campaa Turkmans ou Turcomans, c'est à-dire fem.

L

gne, obeïffent au Grand Seigneur, & font un trafic de toute forte de bêtail, dont ils s'enrichiffent. Ils font propres dans leur Camp, couchent fur de bons lits, mais ils font plus fobres & plus ménagers pour la bouche que les Arabes,

& mieux habillés auffi. Ils ne volent point fur les grands chemins, au contraire ils reçoivent agréablement tous ceux qui s'arrêtent chés eux, les logent & les nouriffent fans qu'il leur en coûte rien; & ils font d'un grand fecours aux Etrangers qui voïagent dans leur païs, où il n'y a ni cabaret, ni hôtellerie. Les Orientaux difent qu'il faut manger chés les Arabes, & coucher chés les Tur Kmans, pour marquer la bonne chere des

blables aux Turcs, ce qui fe doit entendre par rapport à leur origine, qui eft à peu prés la même que celle des Turcs, felon les Auteurs Orientaux. En Syrie on les appelle Amediens, parce que dès l'onziéme fiecle un Calife arrêta les conquêtes des Turcomans, les chaffa de la Mefopotamie, & les obligea de fe retirer dans la Medie. Je parlerai plus particulierement des Amediens dans mon Voiage du Mont Liban.

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