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en râclant & rognant un bâton blanc avec fon coûteau.

Il ne laiffoit pas de donner audience aux Etrangers, & de répondre jufte & de fort bon fens aux propofitions qu'on lui faisoit ; mais il faloit prendre fon tems pour cela, fes Courtifans le laiffoient rêver, & s'entretenoient entre eux jusqu'à ce que l'Emir leur donnât lieu de lui parler. Il avoit l'ame belle & genereufe, & les inclinations portées au bien : fon humeur étoit douce & liberale. Il vivoit moralement bien, & il regnoit dans le cœur de fes Sujets par la douceur, abhorrant le fang & toute forte de violence ; & quoique le plus rude châtiment n'aboutît chés lui qu'à faire mettre les entraves d'un cheval à celui qui auroit merité une punition plus rigoureuse, il étoit fort craint, promptement obéï, & fervi avec tout le refpect & toute la foumiffion poffible. Il vivoit bien avec les Pachas de fon voifinage, & ils ne lui envoïoient jamais des gens par ci

vilité, ou pour affaires, qu'il ne les renvoïât avec des prefens d'habits, & des chevaux, outre la bonne chere & les careffes qu'il leur faifoit dans le camp. Hétoit d'un accés facile, homme de parole, & brave dans les occafions. Il étoit marié à une tres belle femme, fille d'un autre Emir de grande confideration, de laquelle il n'avoit point d'enfans; il auroit pû la repudier, & en prendre une autre ; mais il l'aimoit trop pour cela : elle étoit fort vertueufe, & avoit tant de complaifance pour le Prince fon époux, que fans lui rien demander, elle s'attiroit tous les jours de nouveaux presens, en or, en argent, & en pierreries, dont elle faifoit part aux femmes qui la fervoient, & à fes autres domestiques, ainsi qu'à ceux de fon mari.

Ce Prince demeure ordinairement campé dans le Mont Carmel fous fes tentes, environnées de celles de fes Sujets, & toûjours au milieu des autres Emirs, qui en

font éloignés d'une ou de deux lieuës à l'entour.

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Il tire le revenu des villages, & de tout ce qui aborde dans les ports de fa dépendance, dont le Grand Seigneur ne lui demande rien, à condition qu'il tiendra les chemins libres, & fera escorter les Courriers & les Caravanes des Marchands qui paffent dans fon païs. Autrefois les Arabes dépoüilloient les Courriers du Grand Seigneur, qui alloient dans les Provinces de fon Empire, & ils déchiroient leurs dépêches; mais cela n'arrive plus, depuis que le Sultan a donné ou confirmé ce gouvernement à l'Emir Turabeye, & qu'il l'a honoré de la qualité de Sanjak Beghi; c'est-à-dire qu'il a le droit de faire combattre fes Troupes fous les étendarts du Grand Seigneur, d'arborer un Toug, ou queue de cheval, & d'avoir un certain nombre de hautbois, des tambours,

a Sangiak en Turc fignifie banniere & étendart. Sangian beghi, Seigneur de banniere; &c.

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des trompettes & des tymballes à la maniere des Pachas, qui en ont une plus grande quantité. Quoique l'Emir Turabeye ne foit obligé à aucune redevance envers le Grand Segneur, à cause de fon gouvernement, qui lui eft en quelque façon héreditaire, la Cour Othomane n'ofant pas refufer fon agrément aux fucceffeurs de cet Emir ; il ne laiffe pas d'envoïer de tems en tems quelque prefent confiderable en chevaux, & en chameaux, lorsqu'il en a d'une beauté & d'un prix extraordinaire mais il n'envoiïe aucun Arabe pour les prefenter, parce que cette nation ne fe fie point aux Turcs, & ne veut pas fe mêler avec eux pour quelque raison que ce foit. Ainfi ces Princes font remettre leurs prefens à quelque Pacha de leurs amis, qui prend le foin de les faire paffer à Conftantinople. Les autres Emirs de cette famille campent à une ou à deux lieuës éloignés les uns des autres, avec une quan

tité d'Arabes dévoués au service de chaque maison particuliere, dont ils s'appellent ferviteurs, pour se distinguer entr'eux; & ce font proprement les Troupes que chacun de ces Emirs commande quand ils combattent.

Celui des Emirs qui eft pourvû de la dignité de Sanjaк Beghi, s'appelle parmi eux l'Emir tout court, les autres à qui on donne la même qualité d'Emir, font diftingués par leurs noms; ils obéïffent au premier, & fe rendent auprés de fa perfonne avec leurs Maifons, au premier ordre, lorfqu'il s'agit de quelque expedition: de forte que quand ils font tous ramaffés & joints enfemble, ils font un corps quatre à cinq mille combattans; ce qui n'eft pas peu de chofe un païs, d'environ quarante lieuës

de

de circuit.

pour

Outre les Arabes, qui compofent la milice de l'Emir, il y a des Chrétiens & des Maures, qui habitent les villages du Carmel, qui

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