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Arabes en general: il y a quantité d'honnêtes gens dans leur païs, comme par tout ailleurs; je m'arrêterai en particulier à celles des Arabes du Defert, pour ne pas fortir de mon fujet, & je décrirai naïvement tout ce que j'en ai vû. Les Arabes font naturellement graves, ferieux & moderés ; ils affectent tant de fageffe dans leurs actions & dans leur contenance, que tout ce qu'il y a au monde de plus plaifant, ne fçauroit prefque les faire rire, quand ils font parvenus à l'âge d'être mariés, & qu'ils ont la barbe affez longue pour ne paroître plus des jeunes garçons. Ils tiennent que ceux qui rient aifément pour la moindre chofe, ont l'efprit foible & mal tourné, & que cet air gracieux, riant & enjoüé n'eft agreable que fur le vifage des filles & des jeunes femmes. Ils par lent fort peu & jamais fans neceffité, toûjours l'un aprés l'autre, fans s'interrompre par aucune forte d'empreffement, ce qui eft bien

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oppofé à la maniere de certaines gens qui parlent tous à la fois, & chez qui on paffe fouvent pour avoir de l'efprit, quand on caufe beaucoup. Si les Arabes voïoient cette affluence de paroles que nous emploïons dans nos complimens, & dans nos converfations, ce mouvement perpetuel de nôtre corps, ces pretendus agrémens exterieurs que nous appellons le bon air, & les geftes qui accompagnent ordinairement nos actions; ils ne manqueroient pas de dire, qu'il ya de la folie dans nôtre tête. Ils font accoûtumés à ne faire non plus de mouvement que des ftatues, & s'ils pouvoient parler, pour ainfi dire, fans remuer les lévres, ils croiroient être parvenus au plus haut degré de la fageffe: ils écoutent patiemment le babil des femmes, des enfans, & des grands caufeurs, fans les interrompre, ni leur répondre, quand même il dureroit depuis le matin jusqu'au foir, ils voient avec plaifir les gens qui par

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lent vîte, d'un ton doux, égal, & qui n'eft point précipité, qui s'énoncent aisément, qui difent beaucoup en peu de mots, qui ne choquent perfonne par des paroles piquantes, qui n'emploïent ni raillerie, ni dérifion, ni médisance dans les fujers de leurs entretiens. Ils pretent beaucoup d'attention à cequ'on leur dit, & quand quelqu'un parle dans une compagnie, ils ne l'interrompent jamais, & ne répondent que long-temps aprés qu'il a achevé tout ce qu'il avoità dire.

Les converfations des Arabes font fort honnêtes, on n'y entend rien dire de ce qu'ils croïent être contre la bienséance. Il eft vrai que dans les occafions où ils doivent parler de quelque partie du corps, ils font accoûtumés à les nommer toutes par leurs noms, & cela ne bleffe pas la modeftie: La médifance ne regne jamais parmi eux. Ils difent naturellement du bien de tout le monde, à moins qu'ils ne foient obligés d'avouer les vices d'un

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fcelerat s'ils font affez publics pour ne pouvoir plus les diffimuler. Ils ont même cette politeffe de ne point démentir ceux qui déguiseroient la verité en leur prefence, ou qui fe ferviroient d'une exaggeration trop forte, dans le recit de quelque hiftoire, qui leur paroîtroit peu vrai-femblable, ou incroïable. Ils applaudiffent à ce qui nous feroit rire, & qui nous obligeroit à dire d'abord qu'on fe moque de nous, qu'on nous prend pour des niais, & que ce font des contes à dormir debout. La raison pourquoi ils en ufent ainsi, c'eft, difent-ils, qu'il ne faut jamais defobliger perfonne, que le conteur fçait bien fi ce qu'il dit eft vrai ou faux ; & que s'il le fait un plaifir de le dire, pourquoi ne lui en fera-t-on pas un autre, qui ne coutera qu'un oüi? que quand même la chofe ne paroîtroit pas veritable, il faut du moins faire semblant de croire qu'elle l'eft, pour témoigner à un ami, ou à un étranger qu'on a de l'estime pour

tout ce qui vient de lui.

CHAPITRE VI.

Obfervations particulieres fur les

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Meurs des Arabes.

Es Arabes & leurs. Sujets vivent fans façon, comme j'ai dit, & l'on eft parmi eux en pleine liberté de faire honnêtement ce que l'on veut, ils font toûjours bons amis avec ceux qu'ils connoiffent, & qui de leur bon gré, ou pour des affaires les vont vifiter. Chez eux, ils ont une grande véneration pour le pain & pour le fel, en forte que lorfqu'ils veulent faire une inftante priere à quelqu'un, avec qui ils en ont mangé, ils lui difent, par le pain & par le fel qui eft entre nous, faites cela: ils fe fervent encore de ces termes pour jurer en niant ou en affirmant une chose.

Ce qu'on appelle bien acquis ou licite, eft autant confideré parmi eux, que le mal acquis ou l'illicite

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