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luy donna quelques villages à gouverner, & il mourut fix mois aprés d'une fievre continuë.

Le Mayorquin qui avoit beau, coup de refolution, & dont l'Emir faifoit plus de cas que de l'autre, tint ferme, & demeura plus de deux ans au fervice de l'Emir, avec un zéle & une fidélité admirable, fans vouloir imiter fon camarade; au contraire il le blâmoit inceffamment, & déclaroit à l'Emir qu'il vivroit & mourroit bon Chrêtien. 11 ne craignoit point ce Renegat, il lui difoit même fouvent des injures, parce qu'il étoit comme lui efclave de l'Emir, & beaucoup mieux dans l'efprit de fon Maître:enfin comme ce Prince l'aimoit extrêmement, & qu'il n'avoit encore rien pû gagner fur luy depuis qu'il le preffoit de changer de Religion il l'en pria pour la derniere fois, ajoûtant toutes les careffes, & toutes les of fres qui auroient pû ébranler un homme moins ferme:l'Emir voïant que tout cela étoit inutile, feignit

ça

de fe mettre en colere, & le menade la mort la plus cruelle qu'on puiffe inventer; mais ces promefles, & ces menaces ne fervirent qu'a fortifier d'avantage l'esclave dans fa résolution: alors l'Emir le fit attacher par les mains & par les pieds, & dans cette colere feinte, il le fit circoncire, l'efclave Proteftant toûjours de ne point changer de Religion pour tout ce qu'on luy pourroit faire, ajoûtant qu'on pouvoit luy couper le col fi l'on vouloit, & qu'il fouffriroit la mort avec plaifir.

Aprés qu'il fût panfé à la maniere ordinaire, on le laiffa quelque temps fans luy rien dire jufqu'a ce qu'il fût gueri de fa circoncifion. l'Emir recommença à le bien traiter croïant qu'il en viendroit mieux à bout, il luy donna du bien, des chevaux,& tout un équipage. Haffan, (c'est ainsi que l'Emir l'avoit nommé) continua fes fervices avec plus d'affiduité qu'auparavant, fans parler davantage de la Religion,

quelque chofe qu'on voulût luy dire là- deffus, ne fongeant plus qu'a s'en retourner en fon Païs, & à vivre, & mourir chrêtienne

ment.

Ce Prince s'imagina que l'amour d'une femme & l'attachement qu'il auroit pour des enfans, le reduiroit enfin à ce qu'il defiroit de luy s. il le maria donc à Hyché,cette femme dont j'ai parlé, quoyque noire & laide, parce qu'elle voit de l'efprit & la faveur de la Princeffe: elle en étoit aimée & eftimée autant que Haffan pouvoit l'être de l'Emir ; ils luy firent l'un & l'autre des prefens & leur donnerent une Tente garnie de tout ce qui étoit neceffaire: pour ce nouveau ménage : Hallan ne refufa point cette laide favorite, il reçut les complimens des Emirs, des principaux Chefs du Camp, & de tous les autres Arabes de la contrée, qui affisterent au festin de la. nôce & apporterent leurs prefents, comme fi c'étoit le plus grand bonheur qui eût pu luy arriver. Le

foir

foir étant venu on les conduisit à une Tente parée de verdure & de fleurs, qu'on avoit difpofée pour la confommation de leur Mariage;on les mit coucher fur un des plus beaux

& des meilleurs lits de la Princeffe,tandis qu'une troupe de femmes faifoient retentir par des cris, & par des chanfons,les témoignages de leur joie, & les louanges des nouveaux Mariés: les hommes mangeoient d'un autre côté, fans rien dire, & gardoient leur ferieux, tandis que les femmes paroiffoient des folles déchainées: tout ce qu'il y avoit de Flutes, de Mufettes, de Haut-bois, & de Tambours dans la contrée, s'étoient rendus aux environs de la Tente, & par leurs fons languiffans & lugubres, ils infpiroient plutôt la trifteffe & là melancolie, qu'ils n'excitoient à la réjouiffance de la fête; cette mauvaife Mufique & la danse durerent, comme le feitin,jufqu'à deux heures aprés minuit, alors les feux d qu'on avoit allumés par t

Camp, pour le même fujet, furent éteints, & tout le monde fe retira laiffant les Mariés en repos.

Haffan joua fi bien fon rôle avec fa femme, que parmi une infinité de careffes qu'ils fe firent, il ne la toucha point; il coucha plus d'un an avec elle de la même façon,fans qu'il fe fût rien paffé entr'eux. La Princeffe eût la curiofité d'en demander des nouvelles à Hyché,qui luy en dit la vérité : elle le rappor ta à l'Emir, & ce Prince voulut à fon tour en découvrir la cause. Il crut que Haffan n'aimoit point fa femme, à caufe qu'elle étoit Negre · & laide, où qu'il en avoit reçu quelque mécontentement; mais Haffan lui fit entendre par toutes fes reponfes qu'il en étoit fort fatiffait, qu'il avoit pour elle autant d'amitié & de tendreffe qu'elle pouvoit en efperer d'un mari, mais qu'il étoit impuiffant, & qu'il n'avoit ofé le declarer, craignant qu'on n'eût pris pour un refus l'aveu qu'il auroit pu en faire. L'Emir

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