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AVERTISSEMENT.

PRE's avoir parlé affés au long dans mon Voïage de l'Arabie Heureufe, des Arabes qui vivent dans les Villes, & ailleurs, qui cultivent le Commerce & les Arts, fous les loix & l'obéïffance des Rois de la même Nation; j'ai cru que c'étoit pour moi une espece d'engagement de produire auffi les Mœurs & les Coûtumes d'un autre Peuple de même nom, lequel n'occupant ni Villes ni Villages, & ne poffedant ni maisons ni heritages, paffent d'un lieu & d'une Province à une autre, fans avoir de demeure fixe, & ne rend de vraïe obéïffance qu'à fes principaux Chefs appellés Emirs;

le Chevalier

* Peuple que les plus grands Conquerans n'ont jamais pû fubjuguer, affés peu connu jufqu'à prefent des Européens, & dont la plupart de nos Voïageurs ont parlé fort confufément. Mais comme tout ce que nous avons à dire fur ce fujet, eft dû à la curiofité & à l'exactitude de Monfieur le Chevalier d'Arvieux, dont le nom eft en réputation parmi les gens de Lettres qui s'appliquent aux Langues & à l'Hiftoire de l'Orient, il eft jufte qu'à cette occafion nous le faffions connoître plus particulierement, & que nous rendions à fa memoire l'honneur & la reconnoiffance qui lui font dûs:

Eloge de M. Laurens d'Arvieux nâquit à MarArvieux, feille le 21. Juin 1635. d'une noble

* Selon Diodore de Sicile, les Arabes du Defert ont toûjours deffendu leur liberté, & n'ont pû être fubjugués ni parles Affyriens, ni par les Medes, ni par les Perfes, ni par les Macédoniens. On peut ajoûter qu'ils ne l'ont été ni par les Romains, ni par aucune des Puiffances qui leur ont fuccedé. Diodore appelle ces Arabes Nabathins, du nom de leur Pere Nabajoth, l'un des douze fils d'Ifmael.

& ancienne famille de la même Ville, originaire de Tofcane. Il perdit fon pere dés fa plus tendre jeuneffe; mais un Gentilhomme de fes parens trouvant en lui des difpofitions heureuses, prit un foin particulier de fon éducation. Aprés les Etudes ordinaires on vit paroître en ce jeune homme une inclination dominante pour les Langues & pour les Voïages du Levant.

Il fuivit de bonne heure cette inclination, car dés l'année 1653. il paffa la mer avec le Gentilhomme dont nous venons de parler, lequel alloit exercer le Confulat de France à Seyde: c'est là, & dans les autres Villes de la Syrie, & de la Palestine, que M. d'Arvieux pendant un fejour de douze années, acquit une parfaite intelligence des Langues Orientales, fçavoir l'Hebreu, le Syriaque, l'Arabe, le Turc, & le Perfan, avec un usage si sûr & fi familier de ces trois dernieres Langues,: qu'il fembloit aux plus habiles qu'il

ne pouvoit avoir appris que celle qu'on lui entendoit parler. Il joignit à cette intelligence, ou pour mieux dire, il acquit par ce moïen une profonde connoiffance de l'Hiftoire ancienne, de la Politique, des Coûtumes, des Mœurs, & de l'Erudition des Nations du Levant.

Monfieur d'Arvieux revint à Marseille au mois d'Octobre de l'année 1665. n'aïant encore qu'environ trente ans, & joignant aux avantages de l'efprit celui d'être grand, bien fait de fa perfonne, & naturellement fort éloquent. Peu de tems aprés il vint à Paris, fe produifit à la Cour, & s'attacha particulierement à Madame la Marêchalle de la Mothe, Gouvernante des Enfans de France..

Il eut par là occafion de faire connoître fes talens aux Miniftres, en forte qu'en l'année 1668. le Roi lui fit l'honneur de l'envoïer à Tunis pour y negocier un Traité, de quoi il s'acquitta avec tant

de fuccés, qu'il procura la liberté à trois cens quatre-vingts Efclaves François, parmi lefquels étoit M. de Colombiere, Chevalier de Malte, fort qualifié. Ces Efclaves pouffés par un fentiment de reconnoiffance, firent ensemble, à leur retour, une bourfe de fix cens piftoles, qui fut presentée de leur part à Monfieur d'Arvieux par un de fes amis ; mais il la refusa nereusement.

ge

Au commencement de l'année 1672. le Roi lui confia une Commiffion plus importante, en l'envoïant à la Porte Othomane, chargé des ordres & des prétentions de fa Majesté, prétentions qu'il foutînt avec tant de force & tant de prudence, qu'il obtint enfin tout ce qu'il demanda au nom du Roi. Des François qui étoient alors à Conftantinople, ont rendu ce témoignage, qu'en cette occafion les Miniftres de la Porte admirerent également une éloquence noble, la pureté du langage Turc

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