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Au dernier mot de la chanson, Élisabeth tomba épuisée dans les bras de son amant : elle avait jeté toute sa vie dans sa voix.

Il la transporta à la fenêtre pour lui faire respirer l'air pénétrant du matin; elle rouvrit les yeux et lui dit :

« Adieu! cette chanson-là ne te fait plus battre le cœur, c'en est donc fait. L'homme le plus passionné ne trouve pas toute sa vie dans l'amour; la femme seule peut vivre et mourir par le cœur. »

Elle murmura encore :

Pourtant, il y a un hiver qui m'effraye : celui qui, dans ses bras de marbre.....

« Ma chère Élisabeth, criait Cornille Schut, glacé d'épouvante, ma chère maîtresse, où es-tu?

- Ami, répondit-elle d'une voix mourante, tu m'as dit qu'il fallait partir, je m'en vais avant toi. Tu m'aurais abandonnée là-bas, j'aime mieux mourir ici. »

A peine Élisabeth eut-elle dit ces mots, qu'elle ferma les yeux pour jamais. Cornille Schut la ressaisit dans ses bras et l'embrassa comme pour lui donner son âme.

On peindrait mal son désespoir. Il passa toute sa journée à pleurer et à crier comme un fou. Cent fois il prit sa maîtresse sur son cœur. Élisabeth ne se réveilla pas à

ses embrassements.

Il se rappela que depuis plus d'un mois la pauvre fille pâlissait tous les jours; il comprit qu'elle mourait pour l'avoir trop aimé. Il jura de ne pas retourner à Anvers, de vivre au milieu des bois avec le souvenir toujours palpitant de la triste Élisabeth.

Après les funérailles seulement, il s'aperçut qu'il n'avait pas son portrait. On ne fait pas le portrait de la maî

tresse qu'on aime; car peut-on rendre sur la toile le charme d'une figure adorée? Élisabeth avait posé pour les vierges de ses tableaux, mais il n'avait saisi dans sa figure que l'angélique pureté des traits: il s'était bien gardé de donner à la Mère des anges l'expression toute profane de sa maîtresse.

Quand elle eut disparu pour toujours, il regretta avec désespoir de n'avoir pas reproduit tout ce qui faisait le caractère et le charme de sa chère Élisabeth. Il la voyait encore passer dans ses rêves, fuir comme une ombre le long des prairies ou au fond des bois. Mais ce n'était plus la fraîche et rieuse fille des premières fêtes; c'était la pâle et triste amante que déjà la mort a glacée. Il tenta de faire son portrait en étudiant ses souvenirs; mais, chaque fois que la figure se ranimait sous son pinceau, ilreculait avec effroi, car c'était toujours Élisabeth mourante qu'il retrouvait sur la toile.

Durant près d'un mois Cornille Schut demeura dans sa solitude, qui était devenue tout à coup une Thébaïde. Son oncle, averti par Daniel Seghers, inquiet d'un exil si obstiné, vint le surprendre un soir qu'il rêvait sur la tombe d'Élisabeth Van Thurenhoudt. Le bonhomme Mathieu fut effrayé de la pâleur et du désespoir de Cornille Schut. Le peintre raconta mot à mot toute l'histoire de

son cœur.

« Tu t'en vas me suivre à Anvers, lui dit l'oncle tout ému. Non, dit le peintre, tant que les pâquerettes n'auront pas fleuri sur cette fosse, j'y viendrai pleurer.

Il attendit. Tous les matins il allait rêver sur la fosse de sa maîtresse. Il lui parlait comme au beau temps. « Va, lui disait-il avec effusion, nous nous retrouverons dans une autre solitude pour nous aimer toujours :

mais retrouverai-je tes beaux yeux, si doux quand tu me parlais? - Pauvre Élisabeth, te voilà seule couchée dans la tombe, mais tu n'es pas seule comme moi! »>

Un matin, il eut un mouvement de joie en voyant deux pàquerettes écloses dans l'herbe naissante.

Il les cueillit, les baisa et les porta à son cœur.

Il partit pour Anvers avec le pauvre Wael, qui depuis longtemps ne gambadait plus. Il retourna à la taverne. Ses amis le voulurent railler sur sa mystérieuse passion; mais quand on le vit si pâle et si sombre, quand on l'entendit parler de sa solitude avec une voix brisée par les sanglots, on respecta sa douleur; tous ses amis lui tendirent silencieusement la main.

« Ah! mes amis, mes vieux amis! je croyais me retrouver parmi vous, mais je n'y suis plus. Celui que vous avez connu est mort. Oui, mon cœur est enterré làhas dans la fosse d'Élisabeth. Je ne suis que le fantôme de moi-même. »>

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VOLTAIRE, JEAN-JACQUES, MADAME DE POMPADOUR, MARIE-ANTOINETTE, SAINT-JUST, NAPOLÉON.

VOLTAIRE.

Tous sont au balcon pour voir la France.

Ne dirait-on pas que ce sont des hommes,

tant ils font du bruit, les gamins!

MADAME DE POMPADOUR.

disent des révolutionnaires!

Des casseurs de vitres, qui se

NAPOLÉON.-Phaeton est un symbole éternel que les rois devraient faire graver au fronton de leur palais. Tout gouvernement est le char de Phaéton, il monte, il monte, il monte, jusqu'à ce qu'il se précipite aveuglé par les

rayons de sa splendeur. Et quand il s'est précipité de luimême, les populations viennent se vanter d'avoir fait une révolution.

SAINT-JUST.

Ah! quand je présidais la Convention à vingt-cinq ans, j'étais un révolutionnaire, moi; j'ai, comme le vieil Atlas, voulu porter la terre sur mon épaule pour la jeter dans l'abîme où les dieux façonnent les mondes, car la terre a fait son temps; mais, quoique je fusse taillé en plein marbre antique, je n'ai pas même pu porter ma tête au delà du 9 thermidor.

MARIE-ANTOINETTE.

Cette belle tête, ô Brutus, que tu

portais comme un Saint-Sacrement !

MADAME DE POMPADOUR, offrant une cigarette à Napoléon. Allons, César, un peu de fumée de plus ou de moins. De la fumée! toujours de la fumée! encore de la fumée! César et Napoléon ont remué le monde pour cela.

JEAN-JACQUES.

Après la guillotine laborieuse de 1793, la mitraille fertile de Napoléon. La guillotine était une idée elle dégageait l'avenir. La mitraille était une autre idée : elle chantait l'idée révolutionnaire aux quatre coins de l'Europe.

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NAPOLÉON. O penseurs, qui n'avez jamais mis la main à l'œuvre ! Vous avez gouverné le monde avec une plume : mais comment avez-vous gouverné votre maison? Voyez un peu où vos fils et vos filles sont allés en passant par l'hospice des Enfants-Trouvés? Après avoir tracé leur sillon d'angoisses, ils ont laissé aussi des enfants condamnés à la misère des sept péchés capitaux.

JEAN-JACQUES. C'est la faute de la société.

NAPOLÉON.

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Rêveur incorrigible! C'est la faute de Voltaire et de Rousseau, qui, en détruisant l'esprit de Dieu,

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