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plus précieux ouvrage qui nous refte complet de Tacite, eft la vie d'Agricola, fon beau-père. En vain l'Empereur Tacite qui fe faifoit honneur de defcendre de la famille de l'Hiftorien, avoitil ordonné que l'on fît tous les ans, aux dépens du tréfor public, dix copies des ouvrages de Tacite, afin que les multipliant ainfi, ils fuffent plus à l'abri des ravages du temps; cette fage précaution ne les a pas garantis des outrages & du temps & de l'ignorance, & ils ne nous font parvenus que mutilés & imparfaits. Nous devons cependant aujourd'hui, en regretant la perte de ceux qui nous manquent, nous estimer trop heureux qu'un Savant (1), digne

(1) M. l'Abbé BROTIER, de l'Académie Royale des Infcriptions & Belles Lettres, Savant plein d'érudition & de goût, dont la modeftie eft auffi grande que le favoir, a suppléé à ce qui manque aux précieux reftes, tant de l'Histoire des Empereurs que des Annales. Familiarifé avec la Langue qu'on parloit à la Cour des Céfars, il a faifi également & le ftyle & l'efprit de Tacite, au point qu'on croit lire l'original. Il a donné une superbe

des plus beaux jours de la Littérature Latine, ait confacré fes veilles, à réparer ce qui nous refte de tant de morceaux précieux.

Nous ne nous arrêterons pas davantage fur les Hiftoriens Latins, quoiqu'il y en ait encore plufieurs qui ont mérité les regards de la poftérité, tels que

édition de cet Hiftorien, en quatre vol. in 4o, enrichie de plufieurs differtations, de notes curieufes & inftruc tives, fous ce titre: C. Cornelii Taciti Opera recognovit, emendavit, Supplementis explevit, Notis, Differtationibus, Tabulis Geographicis illuftravit GABRIEL BROTIER, Parifiis, ex Typographiâ Ludovici-Francifci DE LA TOUR, 1771. Cette Édition, de la plus grande beauté, eft deve nue très rare. Elle fait le plus grand honneur à M. de la Tour, qui très inftruit lui même, ne l'a entreprise que pour la gloire des Lettres, qu'il cultive & qu'il aime. Il en a donné une nouvelle Edition également belle, en fept vol. in-12, avec ce titre : C. Cornelii Taciti Opera Supplementis, Notis & Differtationibus illuftravit GABRIEL BROTIER. Parifiis, ex Type graphiâ L. F. de la Tour, 1776. M. P'Abbé BROTIER l'a enrichie de l'Hiftoire du beau régne de Trajan; d'un Supplément au Dialogue des Orateurs, & d'un corps de Maximes politiques, qu'il a tirées de tous les ouvrages de Tacite. Nous pouvons affurer, fans être foupçonné de flatterie, que ces morceaux curieux & intéreffants du TACITE moderne, feroient avoués de

l'ancien.

Velléius Paterculus & Quinte-Curce. Mais le vil flatteur de Tibère & de Séjan, le Panégyrifte de deux monftres pareils, malgré les grâces de fon style, malgré l'art qu'il a de peindre d'un trait fes perfonnages, ne peut être propofé pour modèle, l'Hiftoire rejettant également, comme indignes de la vérité & de l'honnêteté qui font fa base, la fatire & la baffe flatterie. Quinte-Curce, en peignant fon héros, voit toujours l'homme dans Alexandre, & jamais le Dieu. On doit lui favoir gré de ce mérite: mais de la manière dont il s'explique fur les paffions du vainqueur de l'Inde, fa morale eft auffi corrompue que dangereuse. Son ftyle noble, élégant & pur, eft beaucoup trop fleuri. Ses harangues, indépendamment de leur longueur, n'ont point le caractère de vérité, & le ton mâle de la véritable éloquence, qu'on admire dans celles de Tite-Live. On n'y trouve que la foibleffe, l'affectation & le clinquant du Bel-Efprit. Or c'est l'inftruction, le jugement, la folidité, & une fimpli

cité noble qui conviennent à l'Histoire, dont la marche doit être grave & majeftueufe; tandis que celle du BelEsprit est toujours légère & fautillante. On ne peut donc chercher à imiter Quinte-Curce, fans s'exposer au danger de tomber dans les mêmes défauts que lui. Le choix d'un modèle n'est point indifférent. Il annonce & découvre à la fois, dans celui qui choifit, les qualités dominantes de fon efprit; car il eft certain que fon amour-propre ne lui permet d'adopter un modèle, qu'autant qu'il eft conforme à fon goût : alors les défauts deviennent communs à l'un & à l'autre fouvent même il

arrive, que ceux de l'imitateur ne font compensés, par aucune des beautés qui se rencontrent dans l'original, & qui demandent quelquefois grace en fa faveur.

On a vu jufqu'ici les Arts, l'Éloquence, la Poéfie & l'Hiftoire, briller tour-à-tour de l'éclat le plus pur, tant que, par raifon & par goût, les Romains ne fuivirent d'autre guide que le

flambeau du Génie qui avoit éclairé la Grèce, & qui fe ralluma pour eux. Mais dès qu'ils préférèrent de marcher à la lueur pâle & trompeufe des éclairs du Bel-Efprit, ils s'égarèrent bientôt & se perdirent fans retour.

Augufte avoit ceffé de vivre ; & quand Tibère prit les rênes de l'Empire, les grands Hommes, qui avoient fait la gloire des Lettres, fous le régne précédent n'étoient plus. Le nombre de leurs fidèles Difciples étoit fi petit, qu'on les comptoit aifément. Phédre l'affranchi d'Augufte, qui les avoit prefque tous connus avoit confervé ce goût fimple & pur, dont on se laffoit déja depuis long-temps, lorfqu'il mit fes Fables au jour. L'Antiquité ne nous offre rien de plus parfait en ce genre. Une élégance foutenue, des expreffions toujours choifies, toujours juftes, des vers heureusement & agréablement tournés, ne font pas lę

feul mérite de ces Fables. Elles font

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