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que les Athéniennes, ont pu fe permettre de juger notre Sophocle & notre Euripide, & fe déclarer fi vivement contre le Poëte le plus tendre, le Poëte des Grâces & des ames fenfibles?

Quoi qu'il en foit, le Bel-Efprit ne rougit point de fa défaite cette première attaque n'étoit que le prélude d'une guerre qu'il devoit bientôt déclarer au Génie. L'empire des Lettres a auffi ses révolutions ; & c'est toujours le BelEfprit qui le trouble & l'ébranle. Dès les beaux jours de la Littérature Latine, Pollion n'écrivit-il pas contre l'é loquence de Cicéron ? Le Bel-Efprit Ovide ne donna-t-il pas la première atteinte au bon goût, & ne préparat-il pas le triomphe de Sénèque & de Lucain Le Bel-Efprit FONTENELLE, bien au-deffous d'Ovide pour le talent, l'imagination, les grâces, le ftyle & l'invention; mais né avec une portion de philofophie, à la vérité légère.8z peu profonde, ne s'eft-il pas mis à la

tête des troupes du Bel-Efprit contre le Génie ? Les Lettres ont donc éprouvé le même fort, & fous Augufte & fous Louis XIV. Le Bel-Efprit a été dans tous les temps le précurfeur de la fauffe philofophie; & nous ne tarderons pas à démontrer combien leur alliance a été funefte aux Lettres, au goût & aux

mœurs.

Le premier orage s'éleva donc contre Racine; mais ce grand Homme, après l'avoir diffipé, ne marcha que plus glorieusement au Temple de Mémoire. Il couronna fa carrière tragique par Athalie, Tragédie immortelle, dont la poéfie fublime, le ftyle divin, le coloris inimitable, les beautés fans nombre, l'intérêt & la fimplicité d'action feront toujours pâlir l'envie, & regarder Racine, jufques chez nos derniers neveux, comme le Dieu de la poéfie dramatique. Il fut redevable de fa gloire aux anciens & à BOILEAU fon maître & fon ami.

Ce Législateur du Parnaffe, que le

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génie & le goût ont vu naître, pour les venger, manque à notre fiècle. Il fut un des plus beaux ornemens du fien, & marcha l'égal des grands Hommes fes contemporains. Grand Poëte, plein de verve & de génie, il fut être à la fois Horace, Perfe & Juvenal. Fléau des Chapelain, des Cottin, des Pradon, il configna leurs noms à la poftérité, en les couvrant de ridicule. Combien il en auroit eu à choifir parmi les Dictateurs de notre Littérature, s'il eût vécu de nos jours! Ses Satires feules lui auroient fait un nom, qu'on achète fouvent bien cher, quelque jufte & fondée que foit la critique. Mais fon génie ne fe bornant pas à ce dangereux genre, s'éleva jufqu'à l'Épopée. Son Lutrin, quoiqu'un badinage, eft le Poëme épique le plus parfait qui foit forti du cerveau des Poëtes, depuis Homère & Virgile jufqu'à nous. Ses Épitres, où l'on admire également la beauté des vers, la jufteffe de l'ex

preffion, la nobleffe des pensées, & la force de la raison, prouvent qu'il favoit difpenfer la louange & la fatire, avec autant de juftice que de vérité, Mais où il fe montre digne d'être Légiflateur, c'eft dans fon Art poétique. C'est-là qu'il donne réellement des leçons de goût & de perfection : c'eft-là que, du haut du Pinde, il dicte fes loix en Souverain. Heureux qui ne fuivra jamais que ce guide habile & fidèle !

Toujours inquiet & jaloux, toujours avantageux & fuperbe, le Bel-Efprit recommença fes hoftilités, & porta toutà-coup la guerre, non-feulement chez ses contemporains, mais jufques chez les Anciens. Malheureusement il ne connoiffoit l'Antiquité, que fur de fauffes relations & des defcriptions infidèles : il n'avoit jamais été en état d'y pénétrer fes chefs en ignoroient entièrement la langue. Ils n'avoient jamais fu lire, dans le texte, Homère & les autres

excellens Auteurs Grecs. Boileau, ce formidable ennemi du Bel-Efprit terraffa Perrault (1). Eh! qui connoiffoit mieux les Anciens, que le Juvenal françois ? Qui pouvoit mieux juger leurs beautés & leurs défauts? Qui les avoit plus étudiés, plus approfondis ? Une femme, l'illuftre & Savante Madame DACIER, se joignit à Boileau. Elle attaqua un nouvel adverfaire des Anciens (2), la Motte, non avec les grâces & l'aménité de fon fexe, non avec l'arme légère du ridicule, la feule qu'elle auroit dû employer, mais avec les armes trop pefantes de la raison. La Motte avoit ofé, fans le fecours de l'original, tra duire l'Iliade, & prétendoit non-feulement avoir fait difparoître de ce Poëme les défauts innombrables qu'il y avoit trouvés, mais même y avoir ajouté

(1) Voyez les Remarques fur LONGIN.

(2) Voyez des Caufes de la corruption du Goût, par Madame DACIER.

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