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chement & fon refpect pour la Religion, & fa charité conftante envers les Pauvres.

Au Marivaudage, fuccéda le Comique larmoyant, dont LA CHAUSSÉE eft le père. Ne pouvant faifir le côté plaisant des objets, ni le ton de la vraie Comédie, il prit le ton férieux & romanefque. Mélanide eft fon triomphe. Le comique qu' y a jeté eft noble, & tiré du fonds du fujet. Le feul reproche qu'on puiffe faire à l'Auteur, eft d'a-voir donné naiffance à ce déluge de Drames hétéroclites dont nous avons été inondés depuis. La Chauffée a tou jours refpecté les bienféances théâtrales: il n'a point fouillé la Scène d'horreurs plates & dégoûtantes s'il n'a pas eu le génie de faifir les caractères & les mœurs du côté plaifant, il les a peints du moins de manière à intéreffer, & fon pinceau férieux & toujours pur, ne s'eft point écarté de la décence & de la vérité.. Malheureufement il a

réuffi dans ce genre nouveau facile d'ailleurs, parce qu'il fuffit d'avoir une imagination romanefque pour faire un Drame. Les Imitateurs qui vont toujours plus mal & plus loin que les Inventeurs, ont abufé de cette pitoyable facilité. Tel eft l'empire du mauvais exemple en tout genre, fur les efprits foibles & impuiffans; il cause le plus grand ravage, en ce qu'il trouve plus de fujets médiocres difpofés à le suivre, que de bons efprits pour le combattre.. Le ftyle de La Chauffée eft presque toujours pur & correct; & c'eft en quoi. fes fucceffeurs ne l'ont point imité :: mais quand tous les Dramaturges. du. monde auroient le mérite d'écrire auffi noblement, & de faire d'auffi beaux vers que l'Auteur du Préjugé à la Mode & de Mélanide; ce genre bâtard fera toujours réprouvé, par les. vrais Littérateurs & par les gens de goût.

D'après les triftes exemples que nous

venons de rapporter de la décadence de la Poéfie dramatique, on doit bien penser que la Poéfie, en général, a éprouvé le même fort. Que voit-on éclore, en effet, du cerveau de ceux qui fe vantent fi hautement des faveurs fecrettes des Muses? Des Poëmes qu'on croiroit faits au milieu des glaces de la Laponie, & dont les vers barbares bleffent l'oreille la plus dure: d'autres avortés en naiffant, quoique beaucoup loués & vantés avant leur naiffance : d'autres bien léchés, bien faupoudrés de bel-efprit, & pleins d'une petite poéfie imitative & defcriptive, auxquels il ne manque d'ailleurs pour être parfaits, que de l'enfemble & un objet déterminé enfin un déluge de Poéfies légères & tellement fugitives, qu'elles difparoiffent d'une aurore à l'autre. Voilà les fruits qui croiffent maintenant en abondance fur le facré côteau. Le Parnaffe ne retentit plus que de voix aigres & glapiffantes: Calliope femble

avoir fufpendu pour toujours fes furblimes accords, depuis que le Bel-Efprit & le philofophifme ont répandu leur froid poifon fur les eaux du Permeffe. Où s'eft donc réfugié le Génie poétique? Qui feroit affez hardi, après avoir lu & médité les chefs-d'oeuvre des Corneille, des Racine, des Boileau, du Pindare (1) François, de Voltaire même; pour dire aujourd'hui : ET MOI AUSSI JE SUIS POÈTE! Ce n'est pas que nous n'ayons quelques bons Verfificateurs, dont les vers font remplis d'agrémens & de grâces: or l'efprit a le droit de former des Verfificateurs ; mais c'est le génie feul qui fait les Poëtes. Ainfi, quiconque manque de génie & d'invention ne peut prétendre qu'au rang de Verfificateur, & c'est beaucoup quand fes productions lui furvivent. « Le Bel-Efprit travaille en

(1) Le grand ROUSSEAU, le feul Poëte lyrique que nous ayons.

» marqueterie, difoit Piron, & le génie jete en bronze ».

L'alliance du Bel-Efprit avec le philofophifme n'a pas été feulement funefte à la Poéfie, à l'Éloquence, à l'Hiftoire, elle a porté fon influence jufques fur le genre d'amusement qui en paroiffoit le moins fufceptible, en détruifant le VAUDEVILLE, né François & malin. Cet enfant de la Nature fe livroit autrefois à toute fa gaieté. D'accord avec les Ris & les Jeux, il étoit venu, fuivi de cette folâtre escorte, s'établir à la Foire. C'eft-là que les Grâces en bonne humeur, fe prêtoient, fans contrainte, aux folies de Momus, & que le Vaudeville dans fon négligé piquant, fans fredons étrangers, ramenoit, excitoit la joie dans les cœurs, s'ébaudiffoit en pleine liberté, faifoit tomber l'éventail des mains de la Prude la plus févère à force de rire, paffoit avec éclats, de bouche en bouche, & armé de traits ingénieux & badins, poursuivoit, en

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