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DES TROUBLES
QUI NAISSENT

DANS L'ESPRIT,

A l'occafion des retours qu'on fait fur fa vie paffée.

Cor meum conturbatum eft, dereliquit me virtus mea, & lumen oculorum meorum, & ipfum non eft mecum. Pf. 37. II.

Mon cœur eft agité de trouble, mes forces me quittent, & même la lumiere de mes yeux n'eft plus avec moi.

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Ous voyons par expérien

N

ce, qu'entre les perfon-
nes qui font profeffion de
pieté, il y en a beaucoup
qui font fujets à une infi-

nité de troubles, d'inquiétudes, d'impatiences & de découragemens à la Liiij

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vûë de leurs fautes; & foit que cela arrive par la mauvaise difpofition de leur temperamment, ou par les artifices du demon, il faut reconnoître que Dieu le permet ainfi,pour les éprouver.

Ils trouvent dans les plus faints exercices les fujets de cette tentation: car s'ils font reflexion fur leur conduite paffée, la vûë de leurs fautes les jette auffi-tôt dans l'épouvante & dans l'abbatement: s'ils s'occupent des grandes veritez de l'Evangile, elles leur paroiffent comme des montagnes prêtes à fondre fur eux: s'ils confiderent "combien peu ils avancent dans la ver ils font tentez de découragement & de dégoût; enfin ils trouvent partout des raifons de s'inquieter, fouvent jufqu'au point qu'ils entrent pref que en défiance des mifericordes de Dieu. Il femble même qu'ils ne tra.vaillent qu'à s'imprimer dans l'efprit toutes ces dangereufes idées, & ils en font tellement frappez, que de quelque côté qu'ils fe tournent, ils ne voyent que des images de l'enfer; leur efprit est toujours rempli de tout ce qui fe peut concevoir de plus terrible; leur trouble eft même quelquefois fi grand, qu'ils n'écoutent rien de

e qui pourroit fervir à les foulager. Les accès de ce mal ont divers degrez, & peuvent être fi violens, que ceux qui en font attaquez ne fçavent que penfer d'eux-mêmes. Tout eft tenebres dans leur efprit, & ces tenebres font remplies d'illusions & de phantômes. Ils croyent ne pouvoir éviter aucun des précipices qui font autour d'eux, & ils fe perfuadent qu'ils font perdus. Ils prennent pour de grands pechez ce qui fe paffe dans leur imagination, ils s'en inquietent, ils s'en effrayent, & ne veulent point être raffurez, parce qu'ils croyent qu'on ne les connoît pas affez pour leur rien dire de certain, & que les maux dont ils font accablez font au- deffus de tous les remedes qu'on y pourroit apporter. De-là vient qu'ayant à toute heure dans l'efprit les images affreutfes de leurs pechez & de leurs premiers déreglemens, ils les confiderent en toutes les manieres propres à leur donner plus de terreur; & cette vûë les frappant d'une vive crainte de n'en avoir pas obtenu le pardon, ils tombent dans des afflictions interieures qui les pénetrent, & qui leur renverfent le cœur & l'efprit. Ils fe perfua

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dent que depuis le moment de leur converfion ils n'ont fait aucune bonne œuvre, ni une feule action pour Dieu, & qu'ils ne font pas plus avancez que le premier jour; qu'ils n'ont pas encore commencé à faire penitence, & qu'ils n'en pourront jamais faire de proportionnée à leurs pechez. Il eft vrai qu'ils font contraints d'avouer que leur vie eft exemte des crimes qu'ils commettoient autrefois. Mais ils fe croyent auffi coupables devant les yeux de Dieu, & auffi redevables à fa justice, que , que s'ils les commettoient encore, & ils croyent qu'au lieu de les quitter, ils n'ont fait que les cacher fous quelque apparence de vertu; qu'ils n'ont pas dépouillé le vieil homme, mais qu'ils l'ont revêtu du nouveau, qu'ils n'ont ôté que quelques branches du peché dans leurs actions exterieures, & qu'ils en ont toujours la racine & la corruption dans le cœur. Ils concluent qu'ils font à peu près dans les mêmes dispositions où ils étoient auparavant; & de-là ils prennent occahon de fe troubler encore davantage.

Lors qu'on eft engagé bien avant dans le peché, ou lors qu'on mene une vie toute inutile & oppofée à l'Evan

gile, à peine voit-on en foi les maux que les autres y remarquent. On n'est point touché du déreglement de fon propre cœur, & on ne fe met point en peine de le voir en défordre & dénué de toute vertu. On ne trouve rien dans la voie large qui ne foit agréable, & on y marche à grands pas. La vûë de ce déreglement fait fi peu d'impreffion fur l'efprit, qu'elle n'eft pas capable de lui caufer de l'inquietude: mais il ́arrive au contraire, qu'après être forti de cet état fi funefte, on croit y être encore, & on prend pour des maux réels le fouvenir qui en refte. On fe trouve même coupable des défordres où l'on n'a jamais été, ou dont on eft forti; & on fe tient perdu fans reffource, lors qu'on tâche de ne rien faire que pour fe fauver.

Quelque grandes que foient les graces que Dieu fait aux hommes, ils y font peu de reflexion; elles font à leur égard, comme fi elles n'étoient point; & leurs anciennes miferes les occupent, comme fi elles fubfiftoient encore. S'ils n'en ont plus de réelles, ils s'en font d'imaginaires, pour fe tourmenter eux-mêmes. Ils font entre les mains de Jefus-Chrift, & ils

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