페이지 이미지
PDF
ePub

alors felon fes lumieres & fon exemple: nous aimons la pauvreté,la croix, les humiliations comme il les a aimées; nous lui obéïffons comme il a obéi à fon pere; & enfin toutes ses loix font fi préfentes à notre efprit & à notre cœur, & notre amour nous preffe tellement de les pratiquer, que nous nous y portons, non-feulement avec ardeur, mais encore avec plaifir. Il eft vrai que cet état fi parfait eft bien rare, & que peu de perfonnes y arrivent en cette vie. C'eft pourtant le but où nous devons tendre & nous devons nous fervir de tous les moyens que Dieu nous donne pour y

arriver.

CHAPITRE III.

Difference des maladies de l'ame d'avec celles du corps.

I.

C

E qui nous oblige de nous addreffer à Dieu plus instamment afin qu'il nous éclaire, c'eft qu'il n'est des maladies de notre ame comme de celles de notre corps. Ces dernieres fe font fentir: elles nous incom

pas

modent & nous contraignent d'y chercher du fecours. Les paralitiques avouent qu'ils ne fauroient agir,& les aveugles qu'ils ne fauroient voir : ils ne font point de difficulté d'avoir recours à ceux qui les peuvent aider., Mais il n'en eft pas de mème des maladies de l'ame. Les pecheurs ne comprennent jamais affez combien leurs plaies font dangereufes, ni combien, elles font difficiles à guerir. Ils n'ont jamais par eux-mêmes ni le fentiment, ni la douleur, ni la crainte qu'ils en devroient avoir. Ils ne fe mettent jamais en peine d'en chercher les remedes ; & fi Dieu ne les prévient par fa mifericorde, ils meurent dans leurs. pechez, fans jamais les avoir affez connus, & fouvent fans avoir eu la moindre volonté de les guerir.

2. On peut auffi remarquer que. quand les pecheurs ont quitté de certains crimes groffiers & manifestes, & qu'ils n'en ont plus que de fecrets, dont ni eux, ni les autres ne s'apperçoivent point; c'eft alors pour l'ordinaire qu'ils s'aveuglent entierement; Leur cœur, dont ils ne voyent que la furface, leur montre tout ce qu'ils ont de vertu apparente; leurs aumônes

[ocr errors]

leurs jeûnes, leurs prieres, leur temperance, leur fobrieté, leur amour pour la justice, & la haine qu'ils ont de certains déreglemens. Ils fe croyent fort fains avec toutes ces apparences de fanté ; mais à les juger felon la verité, peut-être qu'ils ne font que des Matth, fepulchres blanchis & ornez au de33.27. hors, qui n'enferment au dedans que des vers & de la pourriture. Ils font reglez & vertueux en de petites chofes qui paroiffent aux yeux des hommes, & qui leur donnent fujet de se glorifier. Mais que font-ils dans le fond de leur cœur, & aux yeux de Dieu? Peut-être qu'ils font pleins d'amour propre, d'orgueil, d'envie, de jaloufie, d'avarice, de vanité, d'hipocrifie:& plus ces vices font grands, plus ils ont d'infenfibilité & d'aveuglement, & ils n'en ont pas moins de confiance en leur propre justice.

Judith.

15. I.

3. C'eft de ces pecheurs qu'on peut dire qu'ils ont perdu leur cœur, & qu'ils ne favent où il eft. Ils l'ont perdu, mais comme ils ignorent qu'ils ont fait cette perte, ils fe perfuadent aifément qu'il eft dans la lumiere & dans la bonne voie ; qu'il eft pur, faint & riche ; qu'il eft revêtu

[ocr errors]

de toute forte de vertus, lorfqu'il eft
dans les plus épaiffes tenebres & dans
les abîmes les plus profonds. On voit
des pecheurs qui fe glorifient de n'a-
voir befoin de rien & d'être comblez
de biens, lors même que Dieu leur
reproche que par une ignorance cri-
minelle ils ne favent pas qu'ils font
malheureux miferables

, pauvres,
aveugles, nuds, & que quelque appa-
rence qu'ils ayent de vie, ils font les
victimes de la mort.

Il n'y a rien de fi commun que cet aveuglement ; & le feul moyen de n'y périr pas, c'eft de reconnoître que nous en fommes coupables. Ceux qui fe croyent affez éclairez pour n'avoir pas befoin de plus de lumiere, fe jettent dans un précipice où ils font en danger de demeurer toujours: & il n'y a que ceux qui découvrent la profondeur de la nuit où ils font, & qui demandent à Dieu qu'il éclaire leurs tenebres, qui puiffent efperer d'en fortir.

[ocr errors]

5. La feule chofe qui nous peut confoler dans l'état d'ignorance où nous fommes pendant cette vie, c'eft que pourvû que nous foyons fideles au peu de lumiere que nous avons

& que nous nous en fervions pour découvrir nos pechez, pour les punir & pour nous en humilier; ce peu de lumiere croîtra en nous infenfiblement; & fi nous continuons à être fideles à cet accroiffement de lumiere, elle deviendra enfin affez parfaite pour nous délivrer de toutes les œuvres de tenebres; pour nous apprendre tout ce que nous devons favoir, & pour nous montrer un chemin qui nous conduit jufques à Jesus-Christ.

6. C'eft ce qui nous doit ôter toute l'inquietude que nous pourroit don ner le fentiment de notre ignorance. Car quelque grande qu'elle foit, nous n'avons qu'à veiller fur nousmêmes pour en fortir: nous n'avons qu'à nous fervir avec foin de toute la lumiere que nous avons, pour nous preferver des chutes où pourroit nous engager notre aveuglement, & mê-. me pour nous retirer des précipices, au peut-être nous nous fommes déja engagez en fuivant nos paffions, c'eft à dire, des guides aveugles & trescapables de nous égarer.

CHAPITRE IV.

« 이전계속 »