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LIV. II. cette conteftation n'a proprement commencé qu'un peu avant le Concile CH. IX. de Florence, comme il paroît par ce qu'en dit Cabafilas, qui eft un des premiers qui en ait parlé, & qu'elle a plutôt été entre quelques Théologiens qu'entre les deux Eglifes. Ils croient donc que les paroles de Jefus Chrift font néceffaires & efficaces, & celles de l'Invocation pareillement, fans s'imaginer que les unes rendent les autres inutiles.

taux l'en

Les Orien- Il est certain que les Orientaux entendent cette priere à la lettre, ce tendent à qui paroît affez par les paffages rapportés ci-deffus, tant des Peres & des la lettre. Théologiens que des Livres Eccléfiaftiques, où il eft dit que le Saint Esprit defcend fur l'Autel & fur les Oblations, comme il eft defcendu fur la Vierge dans le Myftere de l'Incarnation. Le Patriarche Gabriel dans fon Rituel, expliquant cet endroit de la Liturgie dit. Lorfque le Prêtre a prononcé ces paroles, qu'il le faffe le corps faint de Notre Seigneur Jefus Chrift, le pain eft fait le corps de Jefus Chrift qu'il a pris de la Vierge Marie, qu'il donna à fes Difciples, & dans lequel il fouffrit fa Paffion vivifiante. Lorfqu'il prononce ces paroles, & le fang précieux, le vin qui eft devant lui eft fait le fang de Jefus Chrift, répandu fur le bois de la croix, & qu'il donna à fes faints Difciples, en leur difant, ceci eft mon fang... Lorsqu'il aura achevé l'Invocation, il s'inclinera devant Dieu étendant les mains, ce que le peuple fera pareillement: il ne fera plus alors aucune bénédiction fur les dons facrés, il ne fe tournera point, & il ne regardera perfonne, quand ce feroit un Prince, ou quelque autre homme confidérable: c'est à Jefus Chrift, qui eft immolé devant lui qu'il faut rendre toute gloire, comme toute puissance lui appartient, & c'est à lui qu'il faut adreffer les prieres. L'Auteur de la Science Eccléfiaftique, Abulbircat & plufieurs autres qui ont expliqué les Rites, parlent de la même maniere. Dans les Liturgies fyriennes, le Diacre exhorte les affiftants à fe recueillir & à redoubler leurs prieres, en leur difant. Soyons debout avec modeftie, avec crainte & avec tremblement : car cette heure eft à craindre, ce moment eft terrible, dans lequel le Saint Esprit defcend du ciel fur les dons propofés & les fanctifie; ce qui marque la confécration achevée.

Prem, Réflexion.

Cette prie- La premiere réflexion que l'on doit faire, eft que felon le fens littéral re prouve de l'Invocation, le pain & le vin deviennent le corps & le fang de Jefus le changement réel. Chrift par changement, tranfmutans ea fpiritu tuo: que ce changement eft fait par l'opération du Saint Efprit, & par conséquent par un miracle: que l'action du Saint Efprit tombe fur la matiere propofée & l'affecte réellement, ce qui exclut toute idée de changement accidentel & métaphorique: que le temps & le moment de l'accompliffement de ce miracle font marqués, ce qui ne peut convenir qu'à une action réelle: qu'il fe fait long-temps avant la Communion, & par conféquent qu'il ne dépend

pas de la foi de ceux qui la reçoivent: enfin que comme toute cette Liv. II. priere eft dite un peu après les paroles de Jefus Chrift, elle en détermine CH. IX. le fens, non feulement par les termes dans lefquels elle eft conçue, mais encore par les cérémonies qui l'accompagnent.

flexion.

Secondement, en comparant cette invocation avec celles qui fe font Sec. Ré dans les autres Offices des Sacrements, on remarque la différence qu'il y a entre celui de l'Euchariftie & les autres. Dans l'Office du Baptême, felon les Cophtes, les Syriens, de quelque Communion qu'ils foient, & les Neftoriens, Dieu eft invoqué pour le prier d'envoyer fon Saint Efprit fur les eaux dont on fait la bénédiction, de les fanctifier & de les purifier, afin que ceux qui feront baptifés reçoivent la rémiffion de leurs péchés. Mais il ne fe trouvera aucune de ces prieres par laquelle on demande le changement des eaux au fang de Notre Seigneur Jefus Chrift. On demande bien le changement de vertu, en ce qu'on demande à Dieu qu'il rempliffe la pifcine facrée, ou le Jourdain (comme les Orientaux l'appellent ordinairement de la vertu du Saint Efprit: c'eft ce que nous difons dans l'Eglife Romaine, Defcendat in hanc plenitudinem fontis virtus Spiritus fancti. Mais on ne trouvera pas la moindre parole qui ait rapport au changement de la matiere qui eft bénite en une autre fubftance. Après la bénédiction des eaux, aucun Rite ne prefcrit qu'on les révere, ou qu'on les adore comme étant devenues le fang de Jefus Chrift; au lieu que d'abord que l'Invocation eft faite fur les facrés Myfteres, on leur rend le même refpect qu'au vrai corps & au fang de Jefus Chrift, ce qui fera encore expliqué plus en détail lorfque nous parlerons de l'adoration de l'Euchariftie.

qu'on de

du S. EL

auffi-bien

11 refte à examiner une objection très-foible, qui eft, que par cette Object. même priere on demande à Dieu également qu'il defcende fur les fideles Sur ce & fur les dons propofés, & que comme la premiere defcente eft métapho- mande la rique, l'autre le doit être par conféquent. Nous répondons que ces deux defcente demandes font tellement diftinguées, que la feule lecture du texte fait prit fur les reconnoître cette distinction. On demande que le Saint Efprit defcende fideles fur les Chrétiens préfents, ce qui fignifie le fecours & la grace néceffaire que fur les aux Miniftres facrés qui célebrent, afin que, comme il eft dit ailleurs, dons pro Dieu ne retire pas fa grace & fa bénédiction fur le facrifice, à caufe des polés.. péchés de ceux qui l'offrent: en fecond lieu, afin que ceux qui participeront à la Communion reçoivent la rémillion de leurs péchés, & parviennent à la vie éternelle. Mais pour ce qui concerne l'Euchariftie, c'est précifément afin que la puiffance divine change les dons propofés, & les faffe le corps & le fang de Jefus Chrift.

dicule de

maife.

LIV. II. M. de Saumaife dans fa Lettre au Miniftre Daillé, a voulu donner une CH. IX. autre interprétation à l'Invocation, telle qu'elle fe trouve dans la feconde Interpré- Liturgie des Cophtes, qui porte le nom de S. Grégoire le Théologien. tation ri- Il en a fait une Traduction fur la verfion arabe, après l'avoir mal lue, M. de Sau- & encore plus mal entendue, & voici fes paroles, ut purificemur & convertamus has oblationes viles in corpus & fanguinem falutis noftra. On n'avance rien au hafard, le manufcrit qu'il cite eft à la Bibliotheque du Roi. On aime mieux croire qu'il a mal lu,. que de fuppofer qu'il a voulu tromper celui auquel il écrivoit. Mais il eft furprenant que fe piquant comme il faifoit d'entendre la langue cophte, il n'ait pas plutôt suivi l'Original que la traduction qu'il n'a pas entendue. Le texte cophte fignifie Envoyez fur nous la grace de votre Saint Efprit, afin qu'il purifie & change ces dons proposés au corps & au fang de notre falut. C'est ainsi qu'on lit dans tous les exemplaires, & que l'exige l'analogie de cette Liturgie avec les autres: c'eft auffi comme l'explique la verfion arabe. Mais ce qui doit faire plus d'autorité, eft un texte grec de la même Liturgie dans la Bibliotheque du Roi, où cette Oraifon fe trouve en ces termes. (b) Vous donc, Seigneur, par votre voix, changez les chofes qui font propofées. Vous préfent achevez ce miniftere mystique de cette Liturgie. Vous-même confervez-nous la mémoire de votre culte. Vous même envoyez votre S. Efprit, afin que defcendant par fa fainte, bonne & glorieuse préfence, il fanctifie & change ces faints & précieux dons proposés au corps. même & au fang de notre rédemption. Voici le Commentaire de M. de Saumaife. Vous voyez que cette Invocation ne s'y fait pas pour faire def cendre la grace du S. Esprit fur le pain & fur le vin, & y attacher son ̧ opération de telle forte que changeant les fubftances la présence du corps & du fangy foit telle, qu'elle demeure en corps & en fang à tout ce qui le recevra, foit fidele ou infidele, homme ou cheval.... Mais ce Prêtre Cuphti qui fait cette invocation au nom de tous, veut que ce pain & ce vin que nous recevons en la Cene, devienne le corps & le fang de Notre Seigneur à ceux qui le recevront duement, & que le S. Efprit aura premiérement fanctifiés: & que ceux-là seuls prennent le vrai corps, & non le pain seulement, qui auront été purifiés par la foi & par la grace du S. Efprit. C'est la conversion ou μɛraboλn, de laquelle ont entendu parler en ce Sacrement les anciens Peres Grecs, & n'en faut point chercher d'autre. Voici comme

il

. (1) Αυτὸς ἐν δέσποτα τῇ σῇ φωνῇ τὰ προκείμενα μεταποιησον. Αυτές παρὼν τὴν μυσικὴν ταύτην λει τεργίαν καθάρισον. Αὐτὸς ἡμῖν τῆς σῆς λατρείας τὴν μνήμην διάσωσον. Αυτός οτὲ πνεῦμά σε οτέ πανάγιον κατάπεμψον, ἵνα ἐπιφοιτῆσαν τῇ ἁγίᾳ καὶ ἀγαθῆ, καὶ ἐνδόξῳ αυτε παρεσία ἁγίασῃ καὶ μεταποιήση τὰ προκειμενα τίμια, καὶ ἅγια δῶρα ταῦτα εἰς αὐτὸ οτὲ σῶμα καὶ τὸ αἷμα τῆς ἡμετέρας ἀπολυτρώσεως. Εp. 32. p. 70. 71.

il traduit ces paroles de l'Invocation. Confirme en nous, Seigneur, la com- Liv. II. mémoration de ton faint fervice: envoie fur nous la grace de ton Saint CH. IX. Efprit, afin qu'étant fanctifiés, nous puissions convertir ces oblations viles & terriennes, au corps & au fang de notre Sauveur, ou de notre falut.

Il y a long-temps que les Savants rendent juftice à M. de Saumaise, Réfutat. comme à un des plus grands Critiques de ces derniers temps, & à un homme confommé dans les belles lettres. Mais il avoit cette maladie affez ordinaire aux perfonnes d'une grande érudition, de croire qu'on pouvoit également écrire de toutes chofes, particuliérement de la Théologie & de la Controverfe. Il voulut donc écrire fur la Tranffubftantiation & fur les Liturgies; & voulant attaquer l'Invocation du Saint Efprit qui en eft est tirée, ce fut ce qui produifit cette étrange & pitoyable critique. Nous voulons croire qu'il n'avoit pas confulté ce texte, ou qu'il avoit cru que perfonne ne pourroit reconnoître la falfification qu'il en fait, en traduifant au pluriel paffif deux mots qui dans le cophte & dans l'arabe font à la troifieme perfonne finguliere. Un homme d'une auffi grande lecture pouvoit, & même dévoit conférer cette formule avec les autres du même Rite, & avec les anciennes grecques qui en font l'original.

Premier

Il auroit alors reconnu que rien n'eft plus éloigné des paroles de cette Différent Oraifon & de l'efprit de l'Eglife ancienne que la penfée qu'il lui attribue. fens felon lefquels C'est le Prêtre qui parle, & ce que lui fait dire M. de Saumaife, peut on la peut être entendu en deux manieres différentes. Premiérement, que le Prêtre entendre. parle de lui, & qu'il demande que le Saint Efprit le fanctifie, afin qu'il fens. puiffe changer les dons propofés au corps & au fang de Jefus Chrift; & ce fens eft manifeftement hérétique, puifqu'il fait dépendre le Sacrement de la fainteté du Miniftre. C'est ce que difoient les Donatiftes, ce que l'Eglife a toujours condamné en Orient, auffi-bien qu'en Occident.

Le fecond fens eft, que le Saint Efprit defcende & fanctifie tous ceux Sec. fens. qui doivent communier, afin qu'ils changent les dons au corps & au fang de Jefus Chrift; & il eft encore plus éloigné de la créance de l'Eglife Orientale, puifqu'il fuppofe que le pouvoir de confacrer eft autant dans les Laïques que dans les Prêtres; ce qui eft une autre héréfie.

Quand M. de Saumaife ajoute que cette Invocation ne s'y fait pas pour Fauffeté de la refaire defcendre la grace du Saint Esprit fur le pain & fur le vin, & y attamarque de cher fon opération, il n'y a qu'à conférer cette Liturgie avec les deux M. de Sauautres, & avec les fyriaques, les grecques & généralement toutes celles maife cond'Orient, pour être convaincu du contraire, en cas qu'il y eût en celle-ci

vaincue

par la feu

quelque difficulté. Car le Prêtre demande la defcente du Saint Elprit des textes.

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afin qu'il change les dons propofés, & c'est ainsi qu'il faut traduire, To #gancíμeva, comme il y a dans le grec. Tout ce raifonnement roule donc Perpétuité de la Foi. Tome IV.

Y

LIV. II. fur une corruption du texte, & fur une fauffe interprétation, dont M. CH. IX. de Saumaife a tiré une propofition aufli inconnue à toute l'Eglife d'Orient, qu'aux Catholiques & à toute l'ancienne Eglife. C'eft-là, poursuitil, la converfion dont ont parlé les anciens Peres Grecs, & n'en faut point chercher d'autre. Il auroit dit plus clairement que c'eft-là une converfion où rien n'est changé. Or pour ne point parler des Peres Grecs, qu'il n'a guere mieux entendus fur l'Euchariftie que fur toutes les autres matieres eccléfiaftiques, il fe faut retrancher aux feuls Orientaux. Il n'y a qu'à examiner les cérémonies qui précedent, qui accompagnent & qui fuivent cette priere, pour reconnoître la fauffeté de tout ce qu'a avancé M. de Saumaife. Le Diacre exhorte à l'attention, au refpect & au tremblement dans l'heure & dans le moment, & cela parce que le Saint Efprit va defcendre dans le Sanctuaire, fur l'Autel, dans la patene facrée & dans le calice, de même qu'il eft defcendu fur la Sainte Vierge dans le moment de l'Incarnation. Auffi-tôt que l'Invocation eft prononcée, le Prêtre ne touche plus à aucune des chofes qui font fur l'Autel, fi ce n'eft à l'Hoftie confacrée: il ne la quitte point de vue, il la regarde comme Jefus Chrift préfent: on ne l'appelle plus que le corps & le fang de Jefus Chrift: enfuite on l'éleve, le peuple l'adore, & on diftribue la Communion en la maniere que nous dirons ci-après.

La confécration eft achevée,

Il est donc très-certain qu'après l'Invocation les Grecs & les Orientaux croient la confécration confommée, qu'ils confiderent les dons propofés comme toute autre chofe que ce qu'ils étoient auparavant, & que felon terpréta- leurs Théologiens, leurs Rituels & ceux qui ont expliqué les cérémotion de M. nies en détail, ce changement eft fait alors indépendamment de la Com

ce qui ruine l'in

de Saumaife.

Remarques fur

cette objection.

munion, qui n'eft diftribuée que quelque temps après, parce que leur Liturgie eft fort longue. Selon le fentiment de M. de Saumaife, ce changement, comme il l'explique, n'eft pas encore fait, & il ne peut être fait qu'après la Communion; & c'eft auffi ce que doivent fuppofer les Proteftants Luthériens & Calvinistes. Les Grecs & tous les Orientaux croient qu'il eft déja fait, puifque dès ce moment ils rendent à l'Eucharistie le même honneur qu'au propre corps de Jefus Chrift; & par une conféquence certaine, il faut qu'ils croient que ce changement eft réel, & tout différent de celui qui laiffe la matiere dans l'état où elle étoit avant la confécration.

On fait bien que l'autorité de M de Saumaife eft fort médiocre en matiere de Controverfe; & quoiqu'il ait écrit un jufte volume contre la Transfubftantiation, à peine ofe-t-on le citer, non plus que les autres ouvrages polémiques. Mais il fe trouvera peut-être des perfonnes affez prévenues des préjugés de leur Religion, & d'un grand nom comme

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