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table, le feu qui l'alloit confumer lur tiendroit lieu de Purgatoire, & qu'il iroit droit au Ciel. La flâme conduite par une main invifible fut plus fage. que n'avoient été les hommes ; elle devora l'heretique obftiné dans fa Secte, & elle épargna le jeune homme qui avoit voulu fe convertir. Ces. prodiges faifoient autant d'effet que les Armes des Croifez. On en concluoit que le Ciel deftinoit aux flâmes: ceux qui étoient veritablement Albigeois. Montfort fans employer la force voyoit refleurir la Religion.. Les Evefques du Languedoc & les Ecclefiaftiques charmez de. trouver dans lui un protecteur de la Foy, fe fervoient de toute leur autorité pour augmenter fa puiffance. L'Abbé de S. Antonin Comte de Pamiers, vint jufques à Fonjaux lui offrir la Vicomté de Pamiers, à l'exclufion des Comtes de Foix qui en avoient joüi jufqu'alors. Il sembloit que Montfort n'alloit à Pamiers que pour en recevoir l'inveftiture; & dans fa marche, acompagné feulement de fes Gardes, il prit Mirepoix, qu'il donna enfuite à fon Maréchal Guy de Levi, dont la famille a tenu depuis.

P. de V.

Chaff

ce tems-là un rang distingué dans le Royaume. Le Comte en revenant sur Catel. fes pas prit Saverdun; & comme il alloit à Lombez pour recevoir l'hommage des Habitans, l'Evefque d'Alby & les principaux Gentilshommes du Diocese lui livrerent toutes les Villes qui pouvoient être de quelque confideration. A leur exemple mille autres Seigneurs des Païs voisins se foûmirent: le Comte de Foix donna fon fils pour gage de fa parole. On ne delibera plus fi on devoit prendre le parti de Montfort, on aprehendoit feulement d'être des derniers à le prendre. Il y avoit néanmoins cette difference entre les Ecclefiaftiques & la Nobleffe, que les Ecclefiaftiques. donnoient leur affection au Comte en lui prefentant leurs refpects, & la Nobleffe en lui faifant hommage foû piroit pour le rétabliffement du Comte de Beziers. Elle envioit le fort des Seigneurs de Cabaret, de la Menerbe, de Termes, & de quelques autres chez qui les Albigeois s'étoient fortifiez de maniere à pouvoir foûtenir les efforts de la Ligue; elle attendoit avec impatience pour qui fe déclareroit le Roy d'Arragon: S'il laif

foit Montfort paifible poffeffeur du Comté de Carcaffonne, le Languedoc étoit indifpenfablement obligé de demeurer dans l'obéïffance de l'Eglife; & s'il tenoit pour l'herefie, il alloit lui feul balancer le pouvoir des Croifez.

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Pierre Roy d'Arragon, alors dans la fleur de l'âge, étoit éclairé, fage, adroit & capable de prendre toutes les précautions qui pouvoient lui attacher la fortune, il ne s'embarraffoit. pas beaucoup des interefts de Rome: mais il n'avoit pas non plus d'attachement pour les nouveautez. vuës tendoient à établir la puiffance dans le Languedoc, & l'occafion du monde la plus belle s'en prefentoit. En effet, étant heritier des Comtes de Barcelonne qui avoient reçu la Comté de Carcaffonne des Rois de France, & qui l'avoient donnée à hommage au Vicomte de Beziers, il pretendoit que les Vicomtes de Beziers ne pouvant plus la poffeder, c'étoit à lui de rentrer dans ce bel état, en qualité de Seigneur, qui rentre en poffeffion d'une Terre quand il n'y a plus de Vaffal; il étoit néanmoins trop artificieux pour éclater avant que k

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fuccez lui parut immanquable. ri parloit encore avec eftime des Croifez, pendant que des Emiffaires fecrets, qu'il étoit facile de defavoüer, fi leurs intrigues ne leur réuffiffoient pas, fe répandoient imperceptiblement dans les Etats de la Maifon de Beziers, & tâchoient de foulever les Peuples. On ne difoit pas que le Roy vouloit profiter de la difgrace du Vicomte de Beziers qui vivoit encore. On publioit qu'il vouloit armer fes Sujets, pour venger le Vicomte de l'injuftice fous laquelle il fuccomboit: Quelqu'un parmi vous, difoiton à la Nobleffe, manquera-t'il de zéle pour fon Maître ? Quoi ! vous avez des Armes, & vous fouffrez qu'il languiffe dans une honteuse prifon. Si vous aviez à changer de Souverain, la domination d'un Roy auffi noble & auffi puiffant que celui d'Arragon ne feroit-elle pas plus avantageufe que celle d'un Etranger, dont les richeffes ne peuvent être que les biens qu'il va vous ravir? A qui tient-il que vous ne recouvriez la liberté Le nom feul de Montfort vous épouvente: Il n'a ni argent, ni munition, ni Troupes; ofez feule

ment l'attaquer, & vous allez brifer Vos chaînes.

Sur ces entrefaites Raymond Roger Vicomte de Beziers mourut de Diffenterie dans le Château de Carcaffonne, qu'il avoit pour prifon, & fa mort fut un motif à fes anciens Sujets pour s'unir plus étroitement au Roy d'Arragon; car quoi qu'on eut pris tes précautions neceffaires pour les convaincre que la mort de Roger étoit naturelle, cependant comme ils vouloient avoir des raifons pour haïr Montfort, rien ne put leur rendre la verité fenfible. La Nobleffe examina fes propres forces, & revint tout à coup du refpect qu'elle avoit eu pour le General de la Ligue; il n'avoit pas plus de trois ou quatre mille hommes, foit dans fes Places, foit en Campagne, & une fi petite Armée ne le rendoit plus redoutable.

Guillaume & Aymery de Piffy, déux des plus braves Chevaliers de la Ligue, furent d'abord forcez dans une méchante bicoque où ils avoient été furpris, & leur malheur entraîna le refte. Bouchard de Marly que courage avoit rendu le confident de Montfort, étant forti de Faiflag

fon

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