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embaraffoit davantage les Albigeois, c'étoit auffi ce qui animoit le Roy d'Arragon: il marcha d'abord vers Muret, celui de tous les quartiers de la Ligue qui fatiguoit le plus Tou loufe. Muret étoit alors, comme il l'eft encore aujourd'huy, une petite Ville confidérable feulement par le concours des Païfans &. des Mar-chands qui s'y embarquent pour por 1213 ter leurs denrées à Touloufe. Ce fut le dixiéme de Septembre de l'Année 1213. que les Escadrons & les Bataillons Arragonnois enveloperent Mu→ ret. La multitude de ceux qui les compofoient étoit fr grande, qu'on eut dit qu'ils alloient emporter la Ville d'emblée. A leurs premieres apro ches', la baffe Ville implora leur clemence, & la haute ne tint quelque tems, que parce que Montfort accous roit pour s'y jetter lui-même, avec un égal étonnement de fes amis & de fes ennemis, qui ne concevoient pas co qu'il pouvoit prétendre. La Com teffe fa femme employa beaucoup de larmes pour l'arrêter; & ce qui l'y portoit davantage, c'eft que la nuit precedente elle s'étoit imaginée pen dant fon fommeil qu'on lui ouvroip.

les veines des deux bras, & qu' 'elle perdoit tout fon fang: préfage qu'elle regardoit comme une marque indubitable d'un malheur qui alloit lui enlever le Comte fon Epoux.

Un Religieux de l'Abbaye de Bol G de P. Bonne, nommé Maurin, & qui étoit ami intime de Montfort, aporta des raifons bien plus capables de glacer le courage du Comte. Eh! que préten– dez-vous, lui dit cet ami fidelle avec mille hommes qui vous suivent, & qui font tout ce que vous pouvez tirer de· vos Places, fans les exposer àl'invasion des Arragonnois? Voulez-vous vaincre un Roy belliqueux, dont les Troupes ont toujours été victorieufes; & qui font aujourd'hui finombreuses, qu'elles vont vous enveloper auffi-tôt que vous paroî-trez? Il ne s'agit plus ici d'un amas: confus d'Albigeois fans experience, a qui vous avez donné une fois la chaffe.. Vous voyez ces fiers Arragonnois, ces: intrépides Catalans, la terreur des Infidelles, & à leur tête le fage & invincible Roy d'Arragon, qui vient de defarmer Mammelin au milieu de plus de deux cent mille Sarrazins. Montfort, fans: faire de réponse, tira une Lettre de fa poche, & pria fon ami de la lire..

C'étoit un Billet du Roy d'Arragon? pour une Dame de Toulouse qu'il aimoit éperduement; & dans lequel, entr'autre galanterie, il difoit que le defir de la revoir, & de la venger des Croifez, le faifoit revenir d'Arragonavec la plus belle Armée qu'il eût jamais mis fur pied. Je conviens, pourfuivit alors Maurin, que le Roy a una attachement criminels je ne croi pas néanmoins que fa paffion diminue fes Troupes, ni qu'elle augmente les vôtres.. Je ne le croi pas non plus, reprit le Comte: mais elle m'affure de la protection de Dieu; & je ne puis craindre un· Ennemi qui facrifie fa Religion à une Maitreffe. En parlant de la forte,ik entra dans l'Eglife de Bolbonne; & mettant fon fabre fur l'Autel, il pria Dieu de le benir, & de lui donner la force qu'avoit eu celui de Judas Ma→ chabée. Les vœux furent fuivis de ceux de fes amis qui avoient eu affez de refolution pour le fuivre, & qui étoient Guy de Montfort, & Guillaume des Bares fes freres, Alain de Roucy, Alain de Ruffiac, le Comte de Corteil, Baudouin frere du Comte de Toulouse, Mafre de Belvezer proche parent du mefme Comte, les

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Evefques de Toulouse, d'Agde, de Carcaffonne, d'Ufez, de Nifmes, de Lodeve & de Beziers, & les Abbez de Clairac, de Villemagne & de S. Tubery. Avant mefme que d'arriver à Muret, où l'on alloit trouver un Ennemi fi redoutable, on avoit à craindre une chofe qui n'inquietoit pas moins on aprehendoit que quelque Corps d'Albigeois ne fe fût rendu maître des défilez qui font entre Saverdun, où l'on alloit paffer, & -Muret où il falloit fe rendre : on craignoit auffi que les Ennemis n'euffent deja fait traverser la Garonne à une partie de leurs Troupes; car par là ils auroient mis les. Croifez hors d'état d'entrer dans la Ville. La foibleffe des Croifez leur tint lieu de force, & elle empefcha le Roy d'Arragon de prendre toutes les précautions qu'il auroit pu prendre. Peut-être auffi que la négligence affectée du Monar

que

fut un rafinement de fa prudence, & un moyen qu'il jugea efficace pour augmenter la joye & l'ardeur de fon Armée, en laiffant paffer fur le Pont de Muret le fecours de Montfort, qui étoit fi peu de chofe, par raport aux forces des Arragonnois, que de le

le

voir défiler, & en compter les Sol dats pendant leur paffage fur le Pont, c'étoit affez pour en concevoir du mépris: fi ce fut là fa penfée, il ne fe trompa point ; car bien loin que Comte de Montfort épouventât les Albigeois, ces heretiques témoigne rent par des huées continuelles & foutenues la joye qu'ils avoient que leurs ennemis vinffent fe précipiter euxmêmes. Le Comte, felon la fuputation d'Alberic, n'avoit pas plus de quatorze cent hommes, en comptant mefme la Garnifon de Muret. Guillaume le Breton lui en donne seule ment douze cent; Pierre de Vaucer nay n'en compte que huit cent, & nul Auteur ne fait monter le nombrejufqu'à quinze cent..

Les Evefques, qui avoient fuivi l'Armée de la Ligue, tremblerent à la vuë du danger. Ils ne pretendoient plus combattre, ils cherchoient à engager quelque négotiation : ils dé puterent deux Abbez au Roy d'Arragon, pour le conjurer d'acorder l'honneur de fes bonnes graces à des Catholiques qui le lui demandoient f refpectueufement; qu'on étoit preft, s'il le vouloit, de lever l'ex

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