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tion qu'elles avoient montré de la valéur; & l'on peut dire fans exageration que le Languedoc & les Provinces voisines n'ont jamais été poffedées en mefme tems par une fi vaillante Nobleffe: J'avouerai néanmoins. que la probité des mœurs n'égaloit plus la bravoure dans les Troupes de Montfort. Rien n'étoit plus jufte & plus équitable que leurs démarches, lors que leur Chef, dont la fageffe & la vertu étoient irreprochables, donnoit le mouvement à tout le Corps des Croifez. Mais quand les Croisez G. de P agiffoient d'eux-mefmes, & fuivant leurs vûës particulieres, ils ne confultoient que leur paffion; un orgueil infuportable avoit faifi les efprits & les cœurs, on n'attribuoit plus à Dieu les Victoires memorables où un feul Croifé, pour ainfi dire, avoit battu mille Albigeois; le defir d'amaffer des richeffes, l'amour du plaifir, l'im punité des crimes, la confufion des. droits dans un changement prefque general de Seigneurs & de Maîtres, ouvroit la porte à mille crimes. Un Albigeois qui pouvoit donner de l'argent n'étoit plus inquieté : plufieurs n'avoient fervi la Religion que pour

s'enrichir, & dès qu'ils furent riches, ils ne penferent plus à la Religion.

Ce defordre tarit les bontez du Ciel, son vid les Conquerans du Languedoc plier devant un enfant, perdre le General qui les avoit fi fagement conduits, & périr eux-mefmes.

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1216, Pour expliquer avec ordre cette revolution, il faut fçavoir que Raymond ci-devant Comte de Touloufe, & que nous apellerons dans la fuite Raymond le vieux; Raymond fon fils, que nous apellerons Raymond le jeune, & le Comte de Foix étoient fortis de Rome plus unis que jamais, & refolus de tirer raifon à quelque prix que ce fût, de la maniere dont ils venoient d'être traitez. Raymond le vieux ne pouvant plus compter fur Jean Roy d'Angleterre, qui mourut environ ce tems-là, revint en Arragon pour y fonder les difpofitions & les forces de fes amis: le. Comte de Foix fe retira dans le Languedoc, & il y entretint fecrettement les ennemis de Montfort; Raymond. le jeune paffa dans la Provence Touloufaine, que l'on avoit mis en fequeftre, jufqu'à ce qu'il plut à Rome

de le déclarer capable ou incapable de la poffeder. Ce jeune Seigneur en entrant dans la Provence entra dans tous les cœurs des Provençaux. Il n'avoit qu'environ feize ans ; & la jeuneffe, qui eft quelquefois un obftacle à l'établiffement d'une Puiffance, fur un des fondemens de la fienne. Les Provençaux jugeoient qu'un Maître f jeune & fi perfecuté les laifferoit autant en repos, que le Comte de Montfort les y laifferoit peu s'il devenoit leur Seigneur. D'ailleurs les Sujets n'ont jamais plus d'attachement pour leur Prince naturel, que quand il eft menacé de perdre fa Couronne. Cela eft veritable, fur tout quand un Prinee eft auffi vif, auffi bien fait, auffi fage, & d'une auffi grande efperance que l'étoit Raymond. La Provence le reconnut pour Comte, on lui fic une Armée capable d'agir à l'ouverture de la Campagne de l'année 1216, 1216, & comme le mouvement des efprits ne fe communique pas moins que celui des corps, l'agitation des Provençaux paffa jufqu'en deçà du Rhône : la Ville de Beaucaire pria le jeune Raimond de profiter de l'abfence du General de la Ligue, & de venir donner

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Alb.

G. de P.

les ordres qu'il lui plairoit, malgré le Senéchal qui tenoit le Château de la Ville pour Montfort. Le Toulou fain fit tout ce qu'on auroit pu attendre d'un General experimenté, à célz prés, qu'il agit avec plus d'impétuofité que n'eût fait aparemment un Capitaine plus avancé en âge : il paffa le Rhône, & fon Armée envelopa tellement le Château de Beaucaire, qu'il fut impoffible à Guy de Montfort, qui accourut pour le fecourir, de forcer les lignes de ses ennemis, dont les travaux égaloient les fortifications. d'une Place de Guerre.

P. de V... Au premier bruit de ce Siege, le grand Montfort revint joindre fes Troupes, mais ce fut uniquement pour partager leur peine; car aprés treize femaines d'attaques inutiles & continuelles, it fe vid dans la neceffité de marcher vers Toulouse, où l'inclination qu'on avoit pour Raymond perfuadoit déja au Peuple que

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victorieux des Croifez il revenoit triomphant prendre poffeffion du pa trimoine de fes Peres. Cette perfuafion féduifit à tel point une populace idolâtre du jeune Comte, qu'elle refufa de laiffer entrer quelques Gen

tilshommes de Montfort dan's Tou loufe, & peu aprés lui ferma à luimême les portes.

Une révolte fr mal concertée alloit 12166. coûter cher à fes Auteurs, qui n'avoient autre chofe à opofer au Comte. de Montfort qu'une haine implacable & defarmée. Le Comte, que l'échec de Beaucaire avoit déja aigri, & qui étoit d'autant plus irrité contre-les Touloufains, qu'il leur avoit donné moins de fujet de remuer, entra par plufieurs endroits dans leur Ville;. qui n'avoit ni foffé ni murailles, & il ordonna qu'on mi par tout le feu Sa colere ne defabufa pas les Bourgeois ; ils fe retirerent de la Ville dans le Faux-bourg qui étoit un peu plus en état de défenfe, refolus d'y attendre l'arrivée de Raymond: les François alloient les y forcer, & les paffer au fil de l'épée, fr l'Evefque de Tou loufe, touché du malheur de fon Peuple, n'eût obtenu enfin, quoi qu'ayeo peine, la permiffion d'aller faire comprendre aux Touloufains que Raymond, pour avoir pris Beaucaire, n'étoit pas maître des Places que les Croifez tenoient entre cette Ville & Touloufe; qu'il n'étoit pas même en

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