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réuffir, on fit venir à la hâte quelques Troupes Albigeoifes, on barricada les differents endroits par où les Croifez pouroient fé réunir, & l'on fonna la charge: Les François, dont on fe tenoit feur d'avoir bon marché, fe doutant chacun en particulier de la trahifon des Bourgeois, agirent de la mefme maniere que s'ils avoient eu le tems & les moyens de concerter leurs démarches. Ils ne fe flâtoient pas de vaincre, ils vouloient feulement ven: dre cherement leur vie, & faire périr au moins une partie de ceux qui prétendoient les égorger. Ils fortent donc des maifons où ils étoient, on fe mêle, on fe bat: le Bourgeois eft furpris de trouver de la refiftance; il avoit cru marcher au carnage, & non pas au combat; furprendre, & non pas difputer l'avantage : il fe trouble il s'embarraffe à la vûë d'un ennemi qui fe prefente. Chaque Bourgeois fupofe que fes compagnons font en affez grand nombre contre une poi gnée de Croifez, & il cherche cependant fa maifon ou celle d'un ami : pour s'y retirer. En un mot, les Fran çois ne trouvent qu'un troupeau timi de, où tout prend la fuite auffi-tôt

qu'un de la bande en a donné l'exemple: le Soldat Croisé fe rend maître de la Place; on la pille, on la brûle, & on en va porter la nouvelle au Camp de Toulouse, où Montfort fe perfuade à peine ce qu'on lui fait entendre; non pas qu'il doutât de la valeur de fon Senéchal, mais parce qu'il ne pouvoit croire ceux de Montauban fi lâches.

Quelques Croifez, ennuyez de la Guerre, étoient d'avis de faire la Paix avec l'Ennemi, & de fe fervir de l'avantage qu'on venoit de remporter pour rendre les conditions: meilleures ils difoient que les Touloufains étoient invincibles par leurs feules forces, & qu'ils venoient toutefois d'être tout de nouveau fecourus par Raymond le jeune & Arnauld de Villamur, qui avoient fait entrer dans la Ville de fort belles Troupes : que Montfort lui-mefme avoit pliédevant les Touloufains, & que perfonne ne prétendoit vaincre où ce General n'avoit point vaincu. Mais de tels difcours choquoient étrangement ceux qui étoient les mieux intentionnez: Quelle Paix, difoient-ils, faire avec Raymond, fans lui ceder la Kille

de Touloufe? & comment la lui ceder, lors que nous nous trouvons cent mille combattans raffemblez pour la reprendre? Comm nt oublier que nous fommes chargez des ordres du Concile ecumenique & des defirs de tout le monde Chrétien, qui vent que Montfort foit Comte de Touloufe? Comment ignorer que l'affaire de Montauban va caufer une confternation generale dans Fouloufe?

Ceux qui parloient ainfi l'empor--12182 terent: On commença par ruiner les environs de Touloufe; & les Albi-geois qui fortirent pour les défendre ne gagnerent autre chofe que de voir de plus prés la defolation de leur Campagne, & de connoître qu'éloignez de leurs Murailles & de leurs Tours ils ne pouvoient foûtenir l'impétuofité que Montfort donnoit à fes Troupes.

Les Croisez n'en demeurerent pas là: chargez de matieres combuftibles & emflamées, ils avancerent jufqu'aux portes de la Ville, dans l'efperance de les brûler avant que les Touloufains, qui avoient employé toutes leurs pierres & leur bois à réparer leurs murailles, euffent pu fe barricader derriere; en quoi les Frans

çois raisonnoient jufte. Les Affiegez n'eurent pas effectivement le tems de fe fortifier derriere leurs Poftes: mais en récompenfe ils fe prefenterent euxmefmes fi ferrez, fi fermes, & avec une fi bonne contenance, qu'ils fauverent encore cette fois leur Ville. Ils voulurent fuivre l'heureux pen-. chant que la fortune fembloit donner alors à leurs affaires ; ainsi au nombre de cinq mille ils vinrent attaquer un nouveau quartier que les Croisez formoient devant S. Soubran, dans l'endroit où Montfort avoit été défait l'année précedente par le Comte de Foix le fouvenir de ce qui s'y étoit déja paffe leur fembloit un agréable préfentiment de ce qui devoir arriver. La mêlée fut des plus furieuses, les Albigeois trouverent le Comte de Montfort tel qu'on l'avoit vû à Caftelnaudary & à Muret, & non pas celui qu'ils avoient vaincu au mesme endroit quelques mois auparavant ; de forte que la honte dont les Croisez fe trouvoient couverts quand on leur parloit de S. Soubran, fut entierement effacée.

Les actions furent enfuite moins confiderables pour le nombre des

Touloufains, qui paroiffoient hors leurs murailles: mais elles ne laifferent pas d'être continuelles. On étoit à toute heure fous les Armes; on tâ-choit de fe furprendre, on s'attaquoit à forces ouvertes; les Albigeois faifoient fouvent des forties, & les François montoient tous les jours à l'asfaut.

Ils comptoient de rentrer bien-tôt dans la Ville, & tous admiroient leur General, excepté le Legat Bertrand, qui étant naturellement dur & impatient, fe plaignoit fans ceffe, parce qu'on ne lui avoit pas encore mis dans les mains les clefs de la Ville. Son chagrin paroiffoit en tout ; & comme Montfort continuoit cependant d'avoir pour lui une complaifance fans bornes, il y avoit peu de duretez qu'il n'en fouffrit; jufques-là que quand un jour le paffoit fans que le General eût fait des actions extraordinaires, Bertrand le traitoit de lâche, & d'homme qui ne fçavoit pas fon métier. Ce langage ne convenoit gueres à un Prelat que tout le monde fçavoir avoir donné occafion à la révolte de Toulouse. C'eft ainfi néanmoins que fouvent ceux-là fe plaignent, qui font

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