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les feuls dont on a fujet de fe plaindre.Montfort étoit toûjours le même plûtôt importuné, qu'embaraffé par les contre-tems du Legat. La fierté des Ennemis diminuoit avec leurs forces. Leurs plus vaillans Guerriers étoient morts, & l'Armée des Croi-fez étoit toûjours belle. Les Catholiques avoient pouffé leurs travaux jufqu'à la contrefcarpe ; & le jour de S. Jean-Baptifte ils y avoient dreffé une de ces machines, qui fervoit d'abord à couvrir ceux qui jettoient dans le foffé des fafcines, & qui por-toit enfuite jufqu'au pied de la muraille des travailleurs pour la faper; c'étoit le jour fuivant qui devoit décider du fort de Touloufe, & delivrer Montfort des importunitez du Legat. P. de V. Les Touloufains pendant la nuit deliChaff bererent fur ce qu'ils avoient à faire dans des conjonctures fi fatales; & le parti qu'ils prirent fut digne d'un peuple Guerrier. Ils fortirent en Bataille, les uns pour attaquer le Camp des Ennemis, & les autres pour fondre fur leurs machines.

Montfort qui recitoit toûjours l'Office Divin à la pointe du jour, aprit pendant fa Priere que les Tou

loufains fe preparoient à quelque entreprife; & le premier ordre qu'il donna, fut que fon Chapelain commençât à l'inftant mefme de lui dire la Mefle, car il n'étoit jamais plus terrible, que lors qu'il avoit prié Dieu plus long-tems.

La Mcffe étoit à peine commencée, qu'on le vint avertir que les Toulou fains fortoient au bruit des Trompettes, & comme des gens qui avoient refolu, à quelque prix que ce fût, de vaincre. Cet avis n'empêcha pas le General de demeurer au pied de l'Autel. Un fecond Officier vint lui dire que les Touloufains faifoient déja un grand carnage de ceux qui avoient accouru pour défendre les machines & que la prefence du General étoit abfolument neceffaire.

Je ne partirai point, répondit Montfort que je n'aye vû mon Sauveur. En effet, il attendit jufqu'à l'élevation de l'Hoftie, pendant laquelle il dit à haute voix ces paroles: Seigneur, j'ai vû vôtre Saint, & c'est a prefent que vous m'ordonnez de par tir: Allons, ajoûta-t'il; & s'il le faut, donnons notre fang pour celui qui a verse le fien pour nous.

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Il trouva les chofes dans l'état qu'on les lui avoit annoncées. Les Albigeois faifoient retentir l'air de leurs cris de Guerre, qui étoient Toulouse & Beaucaire, parce que ces Villes rapeloient le fouvenir de leurs plus grands avantages fur les Croisez. Leur joye ne dura que jufqu'à l'arrivée du Comte, fon nom les confternoit, fa prefence les rompit, fes premiers coups les mirent en fuite. Il les fuivit jufqu'aux murailles de la Ville, de deffus lefquelles il tomba une quantité fi prodigieufe de pierres auffi tôt que les Touloufains acheverent de rentrer, que Montfort qui ne pouvoit s'en défendre comme il avoit fait des Albigeois, recula de quelques pas pour le mettre à couvert derriere les premieres clayes qui étoient à la tête des machines, & ce fut là que fon cheval ne fuivant plus la main, parce qu'il venoit de recevoir un grand coup, le Comte fut atteint lui-même par une groffe pierre lancée d'une perriere. Quelques Manufcrits difent qu'elle lui emporta la tête. Pierre de Vaucernay dit feulement qu'elle le bleffa à mort, & que pendant qu'il frapoit fa poîtrine pour demander

pardon à Dieu, & pour lui recom mander fon ame, il fut percé de cinq fléches, qui acheverent de lui ôter la vie entre les bras de fon frere, qui tâchoit de le tirer du danger.

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Ainfi mourut Simon Comte de 118.3. Montfort, de Leyceftre, de Touloufe, de Carcaffonne, de Beziers, & Duc de Narbonne, affez habile dans le métier de la Guerre pour tenir un des premiers rangs entre les Heros François ; fi zélé pour l'honneur des faints Autels, qu'il merite le nom de Machabée ; fi conftant dans la pratique des plus faints devoirs, que fa mort,qui pouvoit être fubite, ne pouvoit pas être imprévûë; fi fage, que les Croisez le choifirent d'abord pour leur General, & qu'enfuite un Con--cile œcumenique concourut avec Philipe-Augufte pour lui affurer la poffeffion des belles Provinces où il avoit détruit l'herefie; fi neceffaire à la Religion, que Guillaume de Puylaurens regarde fa mort comme un des plus grands châtimens dont Dieu pût affliger les Catholiques; fi venerable, même à fes ennemis, que Raymond le jeune parloit avec admiration de les grandes qualitez

le Bret.

P. de V. ce que je trouve néanmoins de plus Guill. glorieux pour ce grand Homme, c'eft que fa mort à été regardée comme un veritable Martyre: Ainfi le nom de ce Heros prefente également à l'efprit & l'éclat, qui charme davantage les ames ambitieufes, & la fainteté, qui eft le fujet de l'admiration des ames Chrétiennes.

La malignité, qui n'épargne rien,, a voulu noircir la réputation de ce grand Capitaine, en lui reprochant de l'ingratitude pour fon bien-faiteur l'Archevefque de Narbonne ; de la cruauté, par raport aux Albigeois & une ambition fans bornes pour étendre fa puiffance. Il n'eft pas neceffaire que je faffe fon Apologie, le Concile de Latran, le Pape Innocent III. & Philipe- Augufte l'ont fait d'une maniere trop autentique, en condamnant la conduite que l'Archevefque de Narbonne avoit tenuë à l'égard de Montfort, & en jugeant ce Comte digne des plus extraordinaires récompenfes.

Montfort avoit humilié les Albigeois, & Dieu refervoit les derniers coups qu'il vouloit leur faire porter àun bras encore plus faint que celui

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