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II 47.

irreprochable. On ne le confidéra plus ni comme un Apoftat, ni comme un homme dont la doctrine avoit été fufpecte. Alphonfe, Comte de Toulouse le regarda comme un Saint, & lui donna fa confiance. L'heretique alors exempt de la crainte qui le retenoit auparavant, joignit au rare talent qu'il avoit pour la Chaire un air d'Apôtre fi capable d'impofer, que S. Bernard avoüie lui-même qu'il n'étoit pas furprenant qu'on y fût trompé, & de là vint qu'en peu d'années on vid un renverfement general dans la Religion, fans qu'on fe fût prefque aperçu des refforts qu'on avoit fait jouer pour le caufer.

Le Pape Eugene III. ne fut pas plûAnn. de-tôt informé de la révolution qui fe Cift. faifoit à Touloufe, qu'il y envoya le Cardinal Alberic, Evêque d'Oftie, avec ordre de prendre fa route par Clairvaux pour confulter avant toutes chofes l'Oracle & le Taumaturge de fon fiecle le fameux Bernard. Le génie de ce faint Abbé lui fourniffoit plus de lumiere que l'étude & l'experience n'en donne aux autres hommes. Le peuple, les Prélats, les Princes l'obligeoient malgré lui d'être leur

confeil & leur arbitre; & ce qu'il y a de plus étonnant, c'eft que ni la grandeur des occupations dont les Papes & les Rois le chargeoient, ni les marques de la plus extraordinaire confidération qu'il recevoit par tout, ni la guerre qu'il eut à foûtenir contre les hérétiques de fon tems, n'altererent jamais en rien le recueillement profond & l'humilité de cet admira+ ble folitaire.

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Auffi-tôt que l'Abbé de Clairvaux eut apris du Cardinal le fujet de fon voyage, il concerta avec lui toute l'entreprife, & il écrivit cependant en ces termes au Comte de Touloufeq Quel defordre, Seigneur, l'hérétit que Henry n'a-t'il pas caufé dans l'E glife? Ce loup raviffant contrefait la brebis dans vos Etats: mais aprenez à ce le connoître par les effets que fes pré- “ dications produifent. On ne voit plus " perfonne dans les Eglifes du Langué- “ doc, on n'a plus de refpect pour les " puiffances Ecclefiaftiques, on raille des Sacremens, on meurt fans penitence, on ne baptife plus les enfans; l'auteur d'un fi grand mal peut-il être “ un homme de Dieu ? Non certes, sc & cependant on l'écoute. Ce faux Doc- "Berne.

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5, teur a fçû perfuader que nos peres fe font trompez ; que nous vivons tous dans les tenebres; que la mort de JESUS-CHRIST n'empêchera pas la ,, mort des Chrétiens, & qu'il n'y aura de fauvez que ceux qui embraffent la nouvelle doctrine. Voila ce qui m'oblige à me mettre en voyage malgré ,, mes grandes infirmitez; je parts pour le pais où ce monftre fait le plus de ,, ravage, & où perfonne ne fui refifte. ,, Car quoi que fon impieté foit connue dans la plupart des Villes du Royau ,, me; il trouve auprés de vous un azile où fans crainte & à l'abri de vôtre ,, protection il déchire le troupeau de JESUS-CHRIST. Je l'avoue toute--. fois, il n'eft pas étonnant que ce fer,, pent vous ait trompé, puis qu'il a les dehors de la vertu; commencez à le connoître. C'eft un Apoftat, qui a fecoué le joug des Superieurs de fon Ordre; il a d'abord demandé l'aumô,, ne, & il a prêché ensuite pour avoir dequoi vivre. Ce que les rétributions lui pouvoient fournir au delà du neceffaire, il le dépenfoit au jeu, ou à des plaifirs plus criminels, courant », pendant le jour aprés l'aplaudiffement des Auditeurs, & paffant la nuit chez

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les Courtifanes. Informez-vous des " raifons qui l'ont contraint de quitter. Poitiers & Bordeaux, & vous apron-. drez qu'il n'ofe y retourner , parce qu'il y a laiffé des marques trop hon- " teufes de fon libertinage. Vous efperiez, Seigneur, qu'un tel arbre produiroit de bon fruit, & il n'en eft for "<ti qu'une corruption capable d'infec- ‹‹ ter vos Provinces. Je ne vais point à Toulouse de mon propre mouve- " ment, ce font les ordres de l'Eglife qui m'y envoyent pour arracher, s'il eft poffible, la pernicieufe femence << tombée dans le champ du Seigneur. Ce n'eft pas moi qui l'arracherai, je ne fuis rien, ce font les Prélats que c j'ai l'honneur d'accompagner, & " dont le plus confidérable eft le Cardi- e nal Légat Alberic Evêque d'Oftie.

Le mal étoit encore plus grand qu'on ne le faifoit connoître à l'Abbé de Clairvaux, car les Albigeois qui ne fembloient attaquer que le culte exterieur de l'Eglife & les Sacremens cachoient dans un filence impenetra→ ble des dogmes horribles. Ces impies, qu'on doit plûtôt nommer payens qu'hérétiques, non feulement pofoient, comme je l'ai déja dit, pour

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fondement de leur fyfteme, qu'il y avoit deux Dieux; l'un infiniment bon, l'autre infiniment méchant : mais en dévelopant le premier article de leur extravagante doctrine, ils fe communiquoient les uns aux autres comme des veritez certaines une infinité de blafphêmes & de folies capables d'irriter contre leur fecte tout homme de bon fens.

Ils difoient que les Dieux n'avoient pas créé la matiere, & qu'elle étoit comme eux un être neceffaire; que le Dieu bon avoit fait un monde invifible, & que le méchant avoit formé celui que nous voyons; que chaque Dieu avoit fes femmes & fes enfans; que le diable étoit fils du Dieu méchant, & que JESUS-CHRIST étoit Luc de fils du Dieu bon.

Tuy. Reinier, un des

Ils ajoûtoient que l'un de ces Dieux ne pouvoit faire que du bien dans fon monde, & que l'autre ne pouvoit Evêques des Al- faire que du mal dans le fien; qu'ils bigeois. avoient tous deux une égale puiffance Pierre pour fe former mutuellement des obde Vau- ftacles dans l'execution de leurs defcernay feins, & que par une neceffité fatale enfuite, Domi- qui fuivoit de cette égalité de pounicain, voir, le bien & le mal étoient mélan

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