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ce que la foibleffe de l'âge lui fait perdre du côté de l'action. Ce font les débris

d'un monument fuperbe qu'on admire, & qu'on refpecte jufques dans fa chute. Mais que tous ne fe flatent point que le public faffe également grace à leur vieillefle. Il n'appartient qu'à ces génies du premier ordre de fe voir furvivre à euxmêmes, & de jouir pendant leur vie des regrets qu'ils doivent laiffer après leur

mort.

Fin du premier Livre..

LIVRE SECOND.
De l'Action en particulier.

L

'ACTION a fes bienféances, dont la connoiffance & l'obfervation font abfolument néceffaires à l'Orateur. Si la pratique en eft difficile, elle récom, penfe bien des attentions qu'on y apporte, par les avantages qu'elle procure.

La bienféance de l'action eft fa conve nance avec tout ce qui peut pavain rapport. Ce terme dit une attention, à conformer notre action, notre air, nos geftes, nos mouvemens à l'exigence des temps, des lieux, des circonftances, des auditeurs, des matiéres que l'on traite, à la place que nous occupons, &c. On appelle mefféant tout ce qui eft oppofé à cette idée. Il eft des chofes, dit Quintilien, qui fe difent mieux aux uns qu'aux autres.

en eft auffi qu'il convient de faire devant les uns, & nullement devant les autres. Les mêmes tons de voix, les mêmes mouvemens ne fiéront pas également devant les Magiftrats, ou le peuple; dans um éloge, & dans un fimple fujet.

CHAPITRE

PREMIER.

Bienséance de l'action par rapport à l'exterieur & aux mœurs du Prédicateur.

A bienféance de l'exterieur confifte

Là à n'offrir rien de leger, d'indécent ou de négligé, mais à montrer un exterieur grave, modefte, pénetré de la fainteté du miniftere & de la vérité de ses maximes. Un zéle fage & réglé doit le conduire en tout. Il peut même fuppléer quelquefois à ce qui manque du côté de la richeffe de la diction. Il donne à l'Orateur cet air évangelique qui rend fes paroles refpectables à l'auditeur. On a vû des hommes fans action, fans mouvement, parler avec un fuccès inconnu aux plus habiles. Ils avoient un exterieur qui édifioit & qui parloit au cœur. Un exterieur pieux peut fuppléer au défaut d'action & même d'éloquence. S. Charles avec une poitrine foible, une voix défagréable, convertiffoit les peuples: fa piété fuppléoit au talent de la diction qui lui manquoit. C'eft par cet exterieur de Prophete, que Dieu frape fouvent & trouble l'infenfibilité du pécheur. De tels hommes paroiffent plutôt faits pour le commun des Fidéles, que pour les grands génies & les puiffans du fiècle. La grace:

Minist.

qui fe transforme de mille maniéres, s'accommode, pour ainfi dire, à l'homme, pour s'en faire aimer. Les goûts & les efprits font différents dans les hommes, felon les différents états où la Providence les a placés. Elle donne conféquemment à fes Miniftres des talens proportionnés aux deffeins qu'elle a fur eux. Il eft des Prédicateurs pour le peuple, il en eft pour les Grands, pour la campagne & pour la ville, pour les fçavans & les igno- Evang. rans, pour les dévots & les impies; il y en a même pour les auditeurs de mauvais goût. Les uns ont l'éloquence plus ou moins fpirituelle, grande & pathétique; les autres oat la diction comme l'action également fimple & populaire ; plufieurs ont l'air, les maniéres élégantes, délicates & polies. Beaucoup crient de toute leur force, ils s'agitent de tout leur corps, touchent, font écoutés, parce qu'ils font faits pour le peuple dont ils ont l'air & les maniéres : mais tous doivent représenter dans leur exterieur la majesté & la puiffance du fouverain Maître qui les envoie ; & la bénédiction que la Providence donne à l'action fimple de certains hommes Apoftoliques, ne doit pas donner envie d'imiter leur négligé.

L'exterieur le plus avantageux n'eft pas toujours le plus régulier felon le

monde, mais le plus propre à convertir: ik porte le caractere de fon état; il fait voir un vifage humilié & prefque gémiffant fous le poids du miniftere; il vous montre un Jonas, un Jean-Baptifte, un Prophete dans le Prédicateur: la Loi paroît comme exprimée fur fon front. Ajoûtez la réputation d'une vie fainte qui n'eft autre chofe que l'Evangile pratiqué. Que cette éloquence du corps eft fublime! Qu'elle eft forte jufques dans le filence du Prédicateur! Qu'elle eft avantageufe pour le pécheur, dont elle facilite le retour, parce qu'elle le difpofe aux impreffions que la grace doit faire fur lui par la parole!

S'il n'eft rien qui donne plus de force aux vérités évangéliques que la maniére chrétienne avec laquelle on les prefente, dès-lors il faut exclure toute affectation, tout mouvement étudié. L'exterieur d'un Miniftre ne connoît ni les fadeurs, ni les maniéres précieufes du petit-Maître. Un homme de Robe qui prend l'air & le ton galant du Courtifan, choque les bienféances. L'exterieur du Prédicateur a une politeffe évangélique, grave & modefte; une action qui fe diverfifie, fans changer de modeftie & de gravité. Celle qui tient trop des maniéres du monde, quelque régulière qu'elle foit, est toujours défec

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