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tueufe. Je défirerois plutôt avoir un exterieur médiocre, dont l'action fût libre & naturelle, que certains avantages trop brillans. On ne prêche pas précisément pour plaire; & l'exterieur qui conferve le plus les bienféances dues à la Religion, eft toujours le plus parfait. Méditez bien la fainteté & l'importance de vos fonctions. Quand votre efprit & votre cœur en feront bien pénetrés, elles fanctifieront vos maniéres, & répandront fur tout votre exterieur une onction chrétienne.

La parure des Orateurs, comme celle des honnêtes, gens, doit être propre, mais toujours dans les ornemens de la fimplicité évangélique. Il y auroit autant d'indécence à négliger fes cheveux & fon habillement, qu'à fe piquer de les avoir dans le goût & la mode des enfans du fiécle. Je ne dirai point au Prédicateur de ne porter ni manchettes, ni diamant au doigt, & de ne point fe bichonner : ridicule perfonnage que celui d'un Minif tre qui apporte en Chaire la toilette d'une femme, qui en prend l'air indolent, les maniéres, & ce ton de volupté qui ne convient qu'aux Actrices!

Les mondains mêmes fe révoltent avec raifon contre ces Prédicateurs dont l'air effeminé nous offre une figure de mode & de toilette: c'eft manquer de refpect à la

Saulec.

Religion. On fe fouvient encore de ce voluptueux Dervis P. P. dont la taille bien nourrie fouffroit avec peine la mortification du froc qu'il portoit. Doué d'une phyfionomie avantageufe, il faifoit fervir à la vanité les agrémens qu'il avoit reçus de la nature. Il fçavoit l'art de montrer fes bras à demi-nuds, & de faire admirer à un cercle de Dames la blancheur de fa

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peau. Nous voyons des Prêcheurs coëfés à la mou

tonne,

Se faire les yeux grands, & la bouche mignonne, Se radoucir la voix ; & pour tout gefte enfin Aux Dames d'alentour faire la belle main. Eft-ce là nous tracer le chemin de la gloire? Non. C'eft faire l'amour à tout un auditoire. Porter en Chaire la vanité fous un habit de bure, marcher les pieds nuds, & vouloir fous un fac paroître agréable c'eft faire au monde une amende honorable pour l'avoir quitté. Vous êtes revêtu des livrées de la Pénitence, & vous vous piquez de belles maniéres : votre habit eft-il donc fait pour les graces ? Il édifie le dévot; mais s'il choque la délicateffe de l'homme du monde, pourquoi vous donner à fes yeux un ridicule de plus, en affectant d'en oublier & l'efprit & la fin.

Je voudrois que certains Prédicateurs * Mentis habitus in ftatu corporis cernitur. D. Ambrof. 1.1. Offic, c. 18.

ne traitaffent jamais certains fujets qui perdent tout fuccès dans leur bouche. Un Miniftre a le corps chargé d'embonpoint, un vifage fleuri, une phyfionomie née pour le plaifir: annonce-t'il le jeûne & la pénitence fon exterieur contrafte trop avec fon fujet, pour qu'il perfuade fon auditeur: on eft tenté de croire, en le voyant fi gras & fi vermeil, qu'il n'en fait guères ufage, parce qu'on ne voit pas que la féverité de fa morale diminue rien de fa vigueur. On eft, pour ainsi dire, choqué de lui voir faire le fevere avec un vifage qui n'a rien que de réjouiffant. Il peut être très-mortifié, très-pénitent; mais on ne veut point l'en croire fur fa parole. Un exterieur avantageux, mais dépla

cé,

, peut auffi nous déplaire, parce qu'il bleffe la bienféance. Un jeune Prédicateur dont la gravité extérieure ne modere pas l'air leger & puérile d'une première jeuneffe, ne doit pas fe charger de certains fujets fur la morale & la doctrine, qu'il n'appartient qu'aux Maîtres d'Ifraël d'expofer. On ne pardonne pas volontiers à un jeune homme ce ton de Maître, que ces matiéres exigent dans la composition comme dans le débit. Nous aimons qu'on nous inftruife, qu'on nous corrige; mais nous recevons avec moins de peine les inftructions & les reprimandes d'un Pré

dicateur, quand il a cet âge ou cette gra vité extérieure qui paroît néceffaire pour donner des leçons.

Quand je condamne ici un exterieur mondain dans le Prédicateur, je ne prétends pas autorifer l'exterieur mal-propre & indécent de plufieurs qui croient qu'il fuffit pour toucher, d'avoir une phyfionomie fepulchrale, un vifage gothique, des cheveux rempans & fans ordre. Ciceron fe moqueroit encore de ces Rullus du fiécle préfent. Un tel exterieur fuppofe fouvent un défaut d'éducation, & toujours une dévotion mal entendue. On doit refpecter les auditeurs; & un homme pour être le Miniftre de la Religion, n'est pa moins obligé d'obferver dans fon exterieur les bienféances qu'exige de lui la fociété polie. La propreté ne fut jamais incompatible avec le facerdoce. Je ne crois pas qu'une belle ame puiffe loger dans un corps vil & craffeux. Plufieurs Peres ont cru que la négligence de l'exte rieur étoit un foupçon de l'interieur négligé. Il n'eft guères que des ignorans ou des Pharifiens qui puiffent affecter cet exterieur fordide qui les fait mépriser. Je ne conçois pas comment on tolere dans un homme public certaines impoliteffes qu'on ne fouffriroit point même dans un monde bourgeois. Je doute fort que les

Orateurs Grecs qui tenoient leurs bras cachés fous leurs habits, en ufaffent, en commençant leurs Difcours, comme nos Dervis à manteau court: ils l'étendent avec affectation fur les bras, & du coude le repliant fur l'épaule produifent alternativement les mains. Ce gefte a donné occafion à plus d'une raillerie. J'aimeLois mieux qu'ils laiffaffent leur manteau dans leurs cellules, que de l'ôter après leur exorde. Il y a toujours de l'indécence à fe déshabiller en public. Il est encore contre la politeffe chrétienne de jetter des regards hardis de tous les côtés de l'auditoire avant de commencer, d'ajufter avec inquiétude fon furplis, d'égaler avec méthode fon rabat; on voit mêrne des Dervis arranger avec art leur capuce fur les épaules, monter leur manche, porter la main au menton pour s'affurer s'ils n'ont point oublié leur barbe. Vient-on dans le monde s'habiller & s'arranger au milieu d'une compagnie ?

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Se moucher fréquemment, foulever fa perruque pour s'effuyer plus facilement, touffer, cracher d'un air élégant & étudié, affecter une toux de commande, faire des afperfions de falive fur fon auditoire,

* Un Orateur Grec ap- va pidiculorum, aut penipelloit la barbe des Philo- cillum ad abigendas mufcas. fophes de fon temps : Sil

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