Poëma de geftu & vo ce. ce font des défauts que la délicateffe di François ne peut pardonner. On rit encore aujourd'hui de cet Olivier Maillard qui dans un Sermon fait à Bruges en 1500. marquoit les parties de fon Difcours où il vouloit touffer, en mettant à la marge trois bem, hem, hem qu'on lit dans l'imprimé. Ecoutons la maniére ingénieufe avec laquelle le P. Lucas décrit ces impoliteffes des Orateurs, & tâchons d'en profiter. hoc infuper opto, Neve agitet tremefacta frequens præcordia tufis. Hic dignus rifu, qui morbum fingere curat, membra Qua tria fermoni folito difcrimine fecit. arte. Quid verò nimiùm docilis quod turba fequatur Audio, dum fignum ex alto dedit ille; repentè Vir fpuit & tuffit; tuffit cum virgine mater, Ancilla & pueri & fpectantúm cætera turba. Seria quis poffit ferre inter talia nugas?" Tolle mihi ftolidum, jam culta Lutetia, morem. L'action doit convenir aux mœurs tellement que le Prédicateur dans fes difcours doit faire attention à l'âge où il eft, à fon propre caractere, au rang qu'il occupe dans le Miniftere, à la profeffion dans laquelle il eft engagé, & à fa maniére de vivre; parce que tout cela change les mœurs. Une même action ne convient point à tous les Miniftres. Les jeunes gens doivent parler & prononcer avec un exterieur différent de celui des perfonnes refpectables par leur âge ou par leur autorité. Il doit y avoir auffi une différence dans les inférieurs & dans les fupérieurs, parce qu'il y a un certain air permis à ceux-ci qui ne l'eft point aux autres. Un Prélat, un vieillard', un Prédicateur célebre peuvent répandre fur leur exterieur un peu de cet air d'autorité que le rang, l'âge ou la réputation leur donne, & qui ne fiéroit point à une premiére jeuneffe. On tolere un ton de maître dans ceux qui font les chefs & les Pasteurs d'Ifraël. Ce font des Peres qui parlent à des enfans qui leur font foumis ; mais cette conduite feroit déplacée dans un Miniftre qui n'a d'autre miffion que celle de fon Evêque: elle rend même ridicule ces hommes, qui fortant de leurs folitudes apportent dans le public un air de fupériorité & d'amour-propre, qui s'accorde peu avec l'humilité que leur habit doit infpirer. Evitez les maniéres préfomptueufes, les yeux hardis, & le vifage foldatefque de certains Dervis. C'eft trahit fon orgueil & montrer la petiteffe de fon génie. Vous indifpoferiez votre auditoire ; & fi vous vous égariez, on riroit de votre chute. Parlez avec confiance, & même avec autorité, fi vous le voulez ; mais que cette autorité fe faffe précisément connoître par la fainteté de vos maximes, par la grandeur des vérités que vous annoncez, & ne l'exprimez jamais dans vos maniéres. L'efprit de l'homme fouffre avec peine qu'on lui parle en maître: il a une joie maligne à humilier celui qui lui commande avec empire. Un Orateur qui parle fans crainte, n'eft point hardi, mais impudent, dit Ciceron. Il y a une timidité refpectable, qui nous fait eftimer & qui releve le mérite des grands hommes. On ne fouffre de hardieffe que celle que le zéle éclairé par la fcience & produit à propos peut infpirer. En, un, mot, évitez l'air fier & méprifant, l'air par CHAPITRE I I. Bienféance de l'aclion par rapport au fujet que l'on traite & aux différents styles que l'on emploie. Ous bornons la bienféance de l'ac Cicer. de tion par rapport au fujet, aux trois qualités qu'on exige pour la compofition. Is eft eloquens, qui magna graviter, humi- Orator. n. ila jubriliter, & mediocria temperatè poteft 100. dicere. L'action convient au fuiet, quand on prononce d'une maniére fimple & aifée les matiéres qui font dans le ftyle, fimple; les grands fujets avec une action noble, forte & pathétique; & qu'on tient le milieu dans les Difcours du ftyle tempéré. L'action fimple n'a rien de bas ni de trivial. On l'admet dans les fujets qui ne fervent qu'à inftruire: fi elle y montroit un air trop grave ou trop fleuri, elle feroit ennuyeufe. Elle doit peindre les interrogations, les exclamations, les réponses, les apoftrophes, les profopopées & les autres figures par lefquelles les paffions s'expriment. Un fujet bien médité leur fournit les mouvemens qui leur font propres. On fe poffede, on ménage, on produit à propos le fentiment du cœur, on ne fe rend point ridicule par un pathetique déplacé ou trop continúé. Le mouvement de la paffion dont l'ame eft pénetrée, donne le jeu à l'action de l'Orateur. Il s'y abandonne quelquefois: il lui échape, pour ainfi dire, des tranfitions d'action, des geftes coupés & fufpendus, qui marquent le trouble & plaifent même par leur irrégularité. Le feu de la paffion donnoit ainfi à Demofthène cet exterieur, ces geftes & ces mots extraordinaires qu'Efchine appelloit monf trueux, mais que Longin jultifie comme n'étant que les caracteres de la paffion. L'action qui eft vraie, poffede les qualités de l'Elocution. Pure; ces mouvemens font propres, fignificatifs, n'ont rien d'indécent, de négligé, d'étranger, de bas & de rempant, qui bleffe la délicatesse de l'auditeur. Claire ; elle répond au fens des paroles; ni équivoque ni trop fréquente, elle fupplée même quelquefois à ce qu'on ne peut ou ce qu'on ne veut point exprimer, & n'a rien de trop ni |