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de trop peu. Qrnée; elle peint les figures, les paffions répandues dans le difcours, & le fublime des paroles qui le composent: elle a de l'ordre, de l'abondance, des mouvemens agréables, & quelquefois même figurés, quand le fujet l'exige. Alors le corps de l'Orateur paroît orné de cette action qui n'a rien de leger & d'efféminé dans fon brillant; mais elle n'eft pas conftamment éclatante & pleine d'agrémens. Il en eft de l'action comme de la compofition. Eft-elle trop étudiée ? elle dégoûte par trop d'efprit. On la veut folide, majeftueufe, agréable, fimple, felon les différents fujets & les diverfes parties d'un même fujet. Mais on l'aime toujours naïve, variée, & peut-être dans certaines circonftances un peu négligée. S'il eft vrai que les paroles ne font rien fans les chofes, il n'eft pas moins vrai que les chofes & les paroles dépendent tellement de l'action, que fouvent la même idée eft reçue ou rejettée felon la maniére dont on l'énonce. Il faut donc fçavoir en toute occafion jufqu'où on peut aller: Le trop choque toujours plus que le trop Cic. Oras,

peu.

Loin de vous toute action enflée, & qui n'a rien de folide; toute action puérile, ou qui fent le Collége. Fuyez ces mouvemens hyperboliques qui font les

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fougues d'un tempérament qui s'abandonne à fa vivacité. Il est un Phoebus dans l'action qu'on ne fçauroit trop éviter. Que penfer d'un Prédicateur qui ne prononce aucun fujet d'un air tranquile qui ne met ni douceur, ni variété dans fon action; qui fans avoir préparé les efprits, commence par mettre le feu à fon fujet; qui crie depuis le commence→ ment jufqu'à l'éternité; qui par un enthouhafme furieux, par des agitations convulfives de tout le corps, reffemble à un Energumene que l'on exorcife? Ne mérite-t'il pas d'être regardé comme un fou qui feroit placé au milieu d'une affemCic. Orat. blée de fages, ou comme un homme yvre parmi des gens fobres & de fens froid?

Dialog.

La vue d'une grande affemblée & l'importance du fujet doivent fans doute animer beaucoup plus un homme, que s'il étoit dans une fimple converfation; M. Fenel. mais en public comme en particulier, il faut qu'il agiffe toujours naturellement. Rien n'eft fi choquant que de voir un homme qui fe tourmente pour me dire des chofes froides; pendant qu'il fuë, il me glace le fang. Il y a quelque temps que je m'endormis à un Sermon: je m'éveillai bientôt, & j'entendis le Prédicateur qui s'agitoit extraordinairement.

Je crus que c'étoit le fort de fa morale: c'eft qu'il avertiffoit fes auditeurs que le Dimanche prochain il prêcheroit fur la pénitence. Čet avertiffement fait avec tant de violence me furprit, & m'auroit fait rire, fi le refpect du lieu ne m'eût

retenu.

Bienséance d'action conforme à la nature du fujet.

Que ferviroit-il d'avoir une action noble & brillante, fi elle ne convient point aux chofes que vous énoncez ? Si vous prononcez les petites chofes avec une action grande & fublime, & les grandes d'une manière fimple & uniforme? Si vous narrez d'un air violent, ou fi vous représentez le vice avec un air doux, galant & capable de le faire aimer ? Une même action ne convient point au genre démonstratif & au genre délibératif. Il faut qu'il y ait dans l'action comme dans le difcours certains mouvemens qui en foient comme les lumiéres; qu'il y ait des endroits plus délicats, & d'autres plus négligés. Elle ne doit être ni tout-à-fait liće ni tout-à-fait coupée, & parmi ces inégalités on doit reconnoître toujours l'Orateur qui conserve fon caractere dans les différents Difcours qu'il prononce.

Le fublime de l'action eft réfervé

pour

les Difcours d'apparat, les fujets pathétiques & les myfteres. On y foûtient la pompe de la diction par la grandeur

& la force des mouvemens. L'action exprime dans l'exterieur les fentimens du cœur,elle marche avec poids & avec un air de majefté qui la fait refpecter. On croit voir ce fublime dans celle de Ciceron, quand il introduit Appius l'aveugle mort depuis long-temps, & parlant avec Clodia Orat. pro fa petite-fille, & lui reprochant l'infamie

Cœlio,

Deuter.

32.

de la conduite: elle foûtient fon ardeur, quand il arine fa patrie contre Catilina. C'eft avec ce fublime qu'un Prédicateur menace, qu'il s'écrie comme le Seigneur : J'enyvrerai mes fléches du fang des hommes, & mon épée fe foulera de leur chair. Ma fureur s'eft allumée comme une flamme impétueufe; elle pénétrera jufqu'au fond des enfers; elle embrafera les montagnes julques dans leurs fondemens. On l'admire également dans ce Difcours que faint Cyprien prononce en Evêque qui fe confacre à la gloire du Martyre: Que ferai-je, mes très chers freres que dirai-je ? J'ai plus befoin de larmes que de paroles pour exprimer notre douleur, pour pleurer nos bleffures, pour déplorer la ruine d'un peuple autrefois fi nombreux : je m'afflige avec vous, & je ne me confolerai point sur

ce que je fuis demeuré moi-même fain & entier : il me semble quej je fuis vaincu avec ceux que l'ennemi a terraffés. Quelle action tendre & pathétique doit accompagner un Difcours plein du feu d'une charité fi Apoftolique?

Les Myfteres demandent une action noble, foûtenue, & cependant variée. Les uns expofent une forte de triomphe, & approchent plus du panégyrique que de la morale, comme l'Afcenfion, la Pentecôte, la Réfurrection. D'autres fe renferment plus dans l'inftruction, comme la Trinité, les Sacremens, &c. & demandent une action plus populaire, naturelle, infinuante, & qui eft d'un ufage plus ordinaire. Dans les Myfteres les plus refpectables de la Religion on eft charmé quand un Orateur profond & judicieux nous leve le voile qui les couvre, qu'il nous montre ce que le Chriftianifme renferme de plus grand, & qu'à travers la divine obfcurité de leurs ombres mystérieuses, il nous en découvre la vérité dans tout fon jour, en foûtenant par la noblesse de fon action la majefté de fon fujet.

Expofez-vous la mort d'un Dieu pour le falut des hommes? Que votre action foit trifte, lente, interrompue ; qu'elle excite les gémiffemens & le repentir, & l'horreur du peché qui en eft la caufe.

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