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Un certain défordre dans la déclamation comme dans le ftyle frape, attendrit ; il paroît être l'effet de la douleur & de P. Gaich. l'amour dont vous êtes pénétré. Ce n'eft

7. difc.

pas au théatre feul, que pour foûtenir l'action, on s'aide d'objets fenfibles qui réalisent le récit dans la matière dont nous parlons. Les Orateurs évangeliques prennent en main le bois facré, cet inftrument du falut qui rappelle l'excès de la charité du Redempteur, & notre reconnoiffance à cet afpect on a vû fouvent tout l'auditoire fondre en pleurs. Avouons néanmoins que de telles images font périlleufes, & que pour les hazarder, il faut en quelque forte être fûr du fuccès. L'Orateur l'a-t'il manqué? il fe rend méprifable.

Eft-ce un panégyrique, un éloge qui vous appelle dans le public? Que votre action foit brillante, légere & fleurie. Comme vous n'avez d'autre but que celui de plaire, flarez l'oreille par une prononciation harmonieufe & cadencée; qu'elle foit délicate & fpirituelle: loin de déclamer avec cette véhémence ordinaire aux efprits trop ardents, donnez à votre déclamation tempérée le brillant & les graces de votre diction. Qu'elle foit élégante, polie, moins riche cependant & moins pompeufe que dans le ftyle fublime.

Relevez

Relévez par l'élégance du gefte la déli cateffe & les charmes de la voix. Dans les Oraisons funébres, qu'elle infpire la douleur, le regret & la vénération. celui qui en eft l'objet.

pour

Blâmez-vous? Invectivez-vous contre la corruption des mœurs? Tantôt, l'action fera vive, preffée, infinuante; tantôt tendre, pleine de douleur & de compar fion. Que votre action fe fente de la féverité & de la fainteté de vos maximes. Annoncez-vous les fins derniéres de l'hom me, la mort, le jugement & l'enfer? I s'agit alors de toucher & de perfuader; votre action aura de la force & de la véhémence: prenez l'air & la voix d'un Prophete: que vos yeux, vos mains, que tout en vous infpire la crainte des uns & l'horreur des autres élevez votre voik comme la trompette; annoncez hardiment à Jerufalem les maux dont elle eft menacée: frapez, tonnez contre le libertin; exprimez dans vos mouvemens la majefté redoutable d'un Dicu vengeur: ouvrez aux yeux du pécheur ces abyl mes, ces gouffres de feu; conduisez le vivant dans l'enfer, pour lui faire éviter le malheur d'y defcendre après fa mort.

Il feroit mefféant de débiter un prône,

* Defcendant in infernum viventes, ne defcendant (morientes. S. Bernard,

F

une inftruction familière avec toute l'emphafe & le fublime dont la déclamation eft fufceptible. Ce font des exhortations d'un pere à fes enfans, qui leur parle d'une maniére aifée, tranquille, tendre, prévenante, qui annonce cependant l'autorité fans la faire fentir. L'action fimple paroît dans ces inftructions comme dans les catéchifmes, dont les expreffions font dans le tyle du langage ordinaire. Elle y eft libre fans être vague, familiére fans être baffe; elle coule fans affectation comme fans contrainte. Un Prédicateur qui dans ces fujets ordinaires donneroit a fon action la véhémence d'un Sermon de morale, la nobleffe du Myftere, ou le brillant du panégyrique, feroit condamné avec raifon. Un Difcours fimple & raifonné exprime fouvent mieux une chose, que toute la pompe & l'ornement : de même une action fimple fait mieux fentir la bonté d'une preuve, la force d'un taifonnement. Réaniffons tous ces principes. Avez-vous l'éloquence attique ? Ecrivez-vous dans un ftyle pur, ferré, élegant ou fublime, felon la qualité des fujets ? Que votre action y réponde, qu'elle ait un goût d'atticifme; qu'elle foit coulante, arrondie, douce, régulière: donnez-lui des nerfs & de l'aiguillon, 'un tour périodique, felon que la matiére

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eft fufceptible de ces diverfes qualités : affortiffez-la à la nacure de votre fujet. En un mot, qu'elle foit fimple dans les petites chofes, tempérée dans les médiocres, fublime & majestueufe dans les grandes, vraie & naturelle dans toutes les occafions.

CHAPITRE IIL

Bienséance de l'action par rapport à la qualité des auditeurs, & aux lieux où l'on parle.

S1 les régles de la bonne Eloquence

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exigent de l'Orateur qu'il confidére les perfonnes qu'il a pour auditeurs, qu'il régle fa diction fur leur état, leur caractere, leur capacité, l'action doit également fuivre cette bienséance du Difcours. n'eft pas permis de faire rougir les cheurs, de s'élever contre eux d'une maniére qui les rende la fable de ceux qui nous écoutent. Il eft des égards que la Religion autorife. Tous les Prédicateurs ne reçoivent pas leur miffion immédiatement de Dieu comme les Jérémies & les Nathans, pour annoncer ouvertement aux Princes d'Ifraël leurs défordres & leurs crimes. Il faut de la prudence pour expliquer la Loi à ceux qui en font les dépofitaires, comme aux Monarques ce

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Villiers.

images vivantes du Tout-puiffant, qui
font les miniftres de fes vengeances &
les difpenfateurs de fon autorité. Si la
gloire de la Religion demande de nous
en certaines occafions une hardieffe de
Prophete; la voix, le gefte, tout notre
exterieur doit adoucir l'amertume de nos
paroles, & marquer le refpect que nous
confervons pour ces illuftres coupables.
Une réputation de fainteté, un rang
éminent ne font pas toujours des reffour-
ces propres à nous défendre des difgraces
la liberté du miniftere peut procurer
que
au Prédicateur.

Il faut d'autres bienféances parmi les Grands que chez le commun du peuple. On peut crier à la Ville, mais il faut parler à la Cour. Voulez-vous qu'on Vous y refpecte? Paroiffez-y refpecter votre auditoire.

Tu dois des auditeurs confulter le génie ;
Les Grands veulent qu'on parle, & le peuple
qu'on crie,

Il faut felon leur goût les fervir tour à tour,
Crier à Saint-Euftache, & parler à la Cour.

Il est un art de ménager la délicatesse des Grands, de leur préfenter la vérité fans trahir fon miniftere. Il faut les exhorter, & non pas vouloir leur commander, Ils ont de l'efprit & des fentimens deux grandes reffources pour

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