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fcrupuleufe obfervation des régles de la Grammaire n'a rien qui énerve la diction, ou qui ralentiffe le feu de l'efprit. Clarté dans l'action: le vifage, les yeux & les mains ont chacun une voix, un mouvement qui leur font propres. Toutes ces parties doivent accompagner la prononciation, & parler d'une manière à être entendues, repréfenter ces objets & nous y rendre attentifs comme malgré nous. Prenez donc l'air, les mouvemens, les geftes les plus fignificatifs & les plus clairs: qu'ils fe fuccédent fans contrainte, & fans être trop multipliés : qu'ils n'ayent rien d'obfcur, ni d'équivoque. Que le rapport naturel qui doit être entr'eux & vos paroles, fe préfente à l'efprit.

Quel charme n'offre point l'élégance de l'action! Elle confifte dans la variété, le choix, l'harmonie des mouvemens extérieurs du corps. Elle n'en demande que de naturels, qui produifent uniment & fans émotion nos penfées, qui foûtiennent le brillant des figures, qui donnent une nouvelle grace à la richeffe de l'expreffion, de la vivacité, de la douceur de la force felon les parties qui compofent le difcours. C'eft par cette élégance de l'action qu'un Orateur habile forme diverfes inflexions, & connoît le ton qui convient à ce qu'il prononce, qu'il lia

fes mouvemens, ne laiffe voir aucun vuide. Il eft une forte de tranfitions heureufes dans l'action comme dans le ftyle: un efprit attentif les faifit à propos. Un gefte, comme une penfée, conduit à un autre ; & quoiqu'on foit quelquefois obligé de le répéter, la répétition en paroît moins fenfible; elle n'a point le dégoût d'une trop exacte unité.

J'appelle nombre dans l'action, l'harmonie qui refulte de l'accord des mouvemens, du vifage, des yeux, des mains & des fons de la voix, avec la nature des chofes que l'on prononce. La variété méthodique des fons, la conformité de toutes les parties extérieures de l'Orateur par le mélange de leurs accords flatent l'œil & l'oreille. L'efprit eft charmé, féduit par cette harmonie du corps qui s'unit à l'arrangement des paroles, au tour plein des périodes, aux cadences du ftyle tantôt graves & lentes, tantôt legeres & rapides, tantôt douces & impétueufes, diftribuées dans le difcours, & qu'un homme qui fçait fa langue ne manque jamais de faire fentir dans l'action.

La bienséance eft la quatrième perfection de l'action. Chaque matiére que le Prédicateur traite, chaque paffion qu'il combat, chaque vérité qu'il annonce,

la différence des lieux où il parle & des Auditeurs demandent de lui une action également différente. Il affortit fon action aux fujets, aux lieux, aux perfonnes. Je ne fais qu'annoncer ici ces différentes qualités de l'action, que je vais bientôt expofer féparément dans un plus grand jour.

CHAPITRE II.

Faut-il fçavoir fa langue par principes pour dire avec grace?

L

A Rhétorique invente, difpofe les preuves, leur donne ce tour heureux, cette harmonie, ce brillant de la diction; mais l'élocution feule en fait le mérite. Elle fuppofe une parfaite connoiffance de la Grammaire qui fait la conftruction correcte, comme la Rhétorique la rend agréable & parfaite. Tout ce qui péche contre les règles de la Syntaxe, péche De Orat. contre celles de la perfuafion. Evitez, dit

#. 153.

Ciceron, les mots hors d'ufage, trop nouveaux, ou trop métaphoriques: Verba _non fint inufitata, novata, tranflata. Le François eft fi délicat fur fa langue, qu'un feul mot lui fait quelquefois mépriser le difcours, d'ailleurs le plus fpirituel. Ib

n'appartient pas à tout Orateur d'en hazarder contre l'ufage, qui eft un maître refpectable jufques dans fes caprices. Il en eft du langage, dit Quintilien, comme L. 1.c.6. de la monnoie, qui pour avoir cours doit être marquée au coin du Prince. Un Prédicateur évite les expreffions triviales, ou qui ne font recues qu'en ftyle de converfation. Il n'admet les termes métaphoriques qu'autant qu'ils font autorifés, qu'on les conçoit auffi facilement que fi l'expreffion étoit toute naturelle. Les mots chez lui font utiles & conformes à fes pensées, ils ont leur force & leur fignification distincte.

Pour déclamer un difcours public avec toutes les graces d'une prononciation élégante & correcte, il faut donc connoître les mots, en faire un choix judicieux, les placer avec goût. Quelle langue plus agréable que la nôtre, quand on la poslede par principes, qu'on la parle avec jufteffe? Que cette derniére expreffion préfente une idée vafte! Qu'elle fuppofe de maniéres, de tours, de régles à obferver pour acquerir cette politeffe, cette urbanité françoife!

Sur-tout qu'en vos Ecrits, la langue réverée
Dans vos plus grands excès vous soit toujours
facrée.

Sans la langue en un mot, l'Auteur le plus divin
Eft toujours, quoi qu'il faffe, un méchant
Ecrivain.

Boileau.

Traité de

la Profod. Frang.

Exprimons-nous ici felon les idées de M. l'Abbé D'Olivet. On eft toujours für d'être écouté, quand on parle après un fi grand maître. Sans la connoissance parfaite des régles de la Profodie Françoife, comment un Orateur fçaura- t'il prononcer régulièrement chaque fyllabe fuivant ce qu'elle exige, s'il ne connoît l'accent, l'afpiration, la quantité qui en font les trois propriétés j'ajoûte, s'il ignore la ponctuation?

On ne peut déclamer toutes les fyllabes fur le même ton; elles exigent différentes infléxions de voix; il faut ou élever le ton, ou l'abbaiffer. Il faut donc connoître la nature des accens qui réglent ces diverfes infléxions. Indépendamment de l'élévation ou de l'abbaiffement de la voix, on prononce les unes avec douceur, les autres avec rudeffe, & c'eft ce qu'on appelle Afpiration. Il eft des fyllabes longues & bréves; elles doivent donc être diftinguées par la mesure du temps qu'on met à les prononcer, & é'eft là l'objet de la quantité. Dans la déclamation, l'organe de la voix fe modifie donc de trois maniéres différentes. Principes certains qui condamnent la monotonie que l'homme connoît feul entre les animaux. Rien n'eft plus beau, que le rapport des fons les uns avec les autres, leur conformité

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