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avec les organes de celui qui parle & de celui qui entend. Etude néceffaire & conforme à la nature & à la difpofition de l'homme, qui veut qu'on parle à ses fens pour parler à fon cœur, & exciter en lui le fentiment des paffions.

Un Prédicateur bien organifé ne néglige jamais ce point important. Il donne a fa déclamation un caractere d'élégance qui flate par fa délicateffe les oreilles les plus groffiéres. Jufqu'où les Romains & les Grecs n'ont-ils point porté cette exactitude? Inftruits dès leur enfance des premiers élémens de leur langue, ils s'y appliquoient avec une ardeur qui doit nous faire rougir, nous qui dans l'âge le plus avancé ignorons fouvent les principes d'une langue auffi agréable, auffi répandue que la nôtre. La liberté de l'Auditeur rendoit chez les premiers l'Orateur plus attentif : une fyllabe mal prononcée faifoit fiffler l'Avocat ou l'Acteur. Parmi nous le Prédicateur ignore fouvent, comme le grand nombre de l'Auditoire, ce qui fait la beauté de fa langue. On s'accoûtume à parler fans méthode, & à entendre déclamer fans goût. L'oreille reçoit les fons durs, les fyllabes énoncées dans une même teneur fans en connoître les défauts; & un Prédicateur qui obferve les différences des

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fons, qui modifie la voix par principes, paroît affecter le langage, & s'expofe quelquefois à la cenfure de ces hommes provinciaux qui n'aiment que le patois de leurs pays.

Ignorez-vous l'ufage de l'accent profodique quelle prononciation fera plus irrégulière que la vôtre ! Vous ne diftinguerez pas l'aigu qui éleve la voix, du grave qui l'abbaille, ou du circonflexe qui formé de tous les deux fert à l'élever & à la rabaiffer enfuite dans une même fyllabe. Bonté, progrès, bientôt n'auront dans votre bouche qu'un même fon.

L'ufage de l'accent oratoire ne vous eft-il pas plus connu? vous ne fçaurez point former ces infléxions de voix qui ne refultent point du matériel de la fyllabe que l'on prononce, mais du fens qu'elle forme dans la phrase où elle fe trouve. Vous interrogerez, vous répondrez, vous reprocherez, vous vous plaindrez de la même maniére; toutes chofes qui demandent différents tons, parce que la voix doit en tout caractériser la pensée & le fentiment. Les paffions ont dans la nature une voix & un accent qui les diftinguent: leur voix s'éleve, s'abbaiffe, s'adoucit, s'enfle, s'aigrit même quelquefois. Un Prédicateur habile faifit toutes ces nuances que la nature ne manque

jamais de lui infpirer, quand elle lui accorde le fentiment. On communique fes penfées par la parole; & plus on fçait la rendre infinuante, plus on eft für de plaire & de perfuader. L'Orateur attentif évite tout accent national, pour étudier l'accent oratoire qui regle fa prononciation & la diverfifie à propos. Il connoît les mots qu'il doit afpirer dans le difcours, & ceux où l'afpiration devient libre dans la converfation. Il prononce trahir, envahir, de même que haïr. Héros a dans fa bouche un fon différent du mot Héroïsme. Il ne dit point, exil, exemple, excufe, exceller, perzecuter, Xavier, Quadragefime &c. mais, il prononce, Egzil, egzemple, efcufe, ekçeller, perfécuter, Clavier, Couadragefime &c. le divin namour, bon nami, Jo torgueil, gran torateur, folannité &c. quoiqu'il écrive, divin amour, bon ami, fot ergueil, grand Orateur, folemnité &c. Grande, prudente, tous ces mots qui ont l'e muet, ont chez lui un fon obfcur & peu fenfible. Il prononce la bouche prefque fermée lé fermé, comme aimé, donné. Il prononce avec une plus grande ouverture de bouche l'è ouvert dans procès, le père, la mère &c. Il donne à l'e moyen une ouverture de bouche plus grande que dans L'é fermé, & moins grande que dans l'è

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ouvert, comme j'appelle. Il ne diftingue l'ê long de l'è ouvert, que parce que fa voix pose & appuie deffus comme, fête, Evêque, honnête &c. Il fait fonner fucceffivement les diphtongues propres & auriculaires dans piété, fociété &c. Il ne fait entendre qu'une feule voyelle dans les diphtongues impropres & oculaires; il donne à j'aimai le fon de j'èmé. Exact fur la quantité, il anatomife les fons: fa voix coule légerement fur les fyllabes bréves, appuie fur les longues; les douteufes deviennent longues dans la décla mation, quand elles font les derniéres fyllabes d'une phrase, & bréves quand elles ne le font pas. Il fait fentir les homonymes que leur quantité différencie. Sa prononciation devenue naturelle par l'étude & l'exercice des régles, n'eft ni affectée ni contrainte, elle refpire une aimable liberté, elle a cette douceur & cette vivacité qui eft le caractere du François.

J'ai ajoûté que la connoiffance de la ponctuation eft néceffaire: elle peut paroître une fcience inutile à des efprits vains & fuperficiels; mais elle eft d'une conféquence infinie. D'elle dépend la clarté d'un acte, le fens d'une pensée, l'éclairciffement d'un fait. La maniére de ponctuer peut changer le fens du discours,

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& donner à la vérité le ridicule le plus fenfible. Elle fait quelquefois naître des équivoques très-dangereufes ; & d'une expreffion très-chrétienne, elle en peut faire une très-libertine & très - impie. Les praticiens ne connoiffent ordinairement en fait de ponctuation, que le trait d'union ou la divifion, pour allonger par une féparation intereffée les fyllabes des mots multipliés dans leurs écritures. C'est un abus fort lucratif pour eux; je ne prétends pas le leur envier, ni leur en difputer l'ufage mais un Orateur doit fçavoir quelque chofe de plus. Quand les paufes font obfervées fur le papier, on les a fous les en confiant le difcours à fa méyeux moire. Elles s'y tracent avec les paroles, & on les obferve dans la déclamation. Par-là on fait fentir la différente valeur des fyllabes, on diftingue les différents fens, les incifes d'une même phrase; on foulage la refpiration par ces intervalles legers, & par ces paufes faites à propos; la ponctuation n'étant autre chofe que l'art de marquer par de petits caracteres les endroits où il faut s'arrêter, pour mieux diftinguer les parties du discours, le fens des expreffions, & reprendre haleine. La voix prefente un fens complet, quand le point eft fermé : elle avertit la période est achevée. Le point d'admira

que

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