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Chez les nouveaux Acteurs c'est un geste à la mode,

Que de nager au bout de chaque période. Chez d'autres apprentifs on paffe pour galant, Lorfqu'on écrit en l'air & qu'on peint en par

lant.

L'un femble d'une main encenfer l'affemblée,
L'autre à fes doigts crochus paroît avoir l'on-
glée.
Celui-ci prend plaifir à montrer ses bras nuds.
Celui-là fait femblant de compter fes écus.

Ici, ce bras manchot jamais ne se déploie:
Là, ces doigts écartés font une pate d'oie.
Souvent charmé du fens dont mes difcours
font pleins,

Je m'applaudis moi-même, & fais claquer

mes mains.

Souvent je ne veux pas que ma phrase finiffe, A moins que pour fignal je ne frape ma cuiffe. Tantôt, quand mon efprit n'imagine plus rien,

J'enfonce mon bonnet qui tenoit déja bien. Quelquefois en pouffant une voix de tonnerre, Je fais le tymbalier fur le bord de ma Chaire.

CHAPITRE XI I.

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De la Mémoire.

Lufieurs ont écrit des recettes pour faire venir la mémoire quand on en manque; mais c'eft en fait d'éloquence chercher la pierre philofophale. On donnoit autrefois des remedes phyfiques & moraux, fpirituels & artificiels ; la

Médecine, la Philosophie, l'industrie & la Religion prefentent différents moyens à l'Orateur; ceux de la Religion auront toujours leur mérite. Elle vous présente l'exercice pour la former en vous, & la prière doit s'y joindre pour l'obtenir : mais fi la nature vous a refufé entiérement ce talent, il eft à craindre que le Ciel ne faffe pas pour vous le donner la dépenfe d'un prodige. Il ne faut ordinairement que du jugement pour retenir un Difcours fait felon les régles, & dans les formes d'une bonne Logique. Cet avantage eft préférable à ces mémoires fenfitives, qui répetent ce qu'elles ont entendu lire une feule fois, ou qui vous débitent des morceaux détachés fans principes & fans liaison. Compofez avec méthode, allez de raison en raifons; l'efprit oubliera difficilement les preuves qu'il aura une fois conçues.

Les Prédicateurs, felon S. Auguftin doivent parler d'une manière plus fenfible & plus claire que les autres Orateurs. La coûtume & le refpect dû à leur minif tere ne permettant pas de les interroger, ils ne fçauroient trop fe proportionner à leurs auditeurs; c'eft pourquoi, continue ce faint Docteur, ceux qui apprennent mot à mot, fe privent d'un grand fruit. Un Prédicateur qui n'eft point

Id.

pofent un difcours méthodique, ont une telle union entr'elles, que vous ne pouvez rien ôter ni ajoûter, fans que vous vous en apperceviez auffi-tôt. Une compofition exacte peut donc beaucoup. Car les chofes qui font bien écrites, guident la mémoire par leur enchaînement. Une profe bien liée, bien coulante, s'apprend plus facilement que celle qui eft découfue & négligée.

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Le grand art pour la mémoire & l'unique fecret, c'eft le travail & l'exercice. Beaucoup apprendre, beaucoup méditer tous les jours. L'exercice l'augmente & la fortifie, comme la négligence l'affoiblit & la perd. Quelqu'âge que vous ayez, fi vous voulez cultiver votre mémoire, il faut vous réfoudre à dévorer le dégoût & la peine de repaffer fans ceffe ce que vous avez lû, ce que vous avez écrit. Il en eft comme des viandes, qu'il faut mâcher & remâcher pour en rendre la digeftion plus aifée.

Pour rendre ce travail plus leger, il faut en commençant, fe propofer une tâche médiocre, & choifir ce qui plaît davantage à l'efprit, l'augmenter chaque jour de quelques lignes pour fe dérober le fentiment de la peine par un progrès imperceptible. L'habitude nous rendra capables de plus grands efforts. On com

mencera par des poëfies, on paffera enfuite à quelques endroits tirés de nos Orateurs. On s'eflayera enfin fur d'autres qui font moins liés, moins nombreux, & par-là plus éloignés du ftyle oratoire. Plus les chofes qui fervent à nous exercer font difficiles, plus celles en vuë defquelles nous nous exerçons deviennent aifées. L'expérience nous montre que pour les perfonnes qui n'ont pas l'efprit extrê mement vif, les idées les plus fraîches ne font pas celles qui fe retiennent le mieux. Il est étonnant combien une nuit d'intervalle affermit ces mêmes idées; foit que la mémoire fe repofe durant ce temps-là, foit qu'elle acquiére un degré de maturité & de perfection qui lui manquoit, foit enfin qu'elle confifte pour plus grande partie dans la reminiscence. Ces idées qui nous échapoient d'abord, fe trouvent arrangées & fe préfentent d'elles-mêmes le lendemain.

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Ceux qui ont l'efprit fort vif, apprennent aifément & oublient ordinairement de même. Vous diriez que leur mémoire contente de les avoir fervi sur le champ, fe tient quitte envers eux; & comme li elle ne leur devoit rien davantage, elle prend congé d'eux & les abandonne. Il n'eft pas plus furprenant que ce qui nous a .coûté à apprendre & qui n'est entré qu'à

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Id.

force dans notre efprit, s'y imprime auffi plus avant & y demeure plus long

remps.

On peut demander à l'occafion de cette diverfité d'efprits, fi un Orateur qui doit parler en public, doit apprendre mot pour mot ce qu'il a écrit, ou s' fuffit qu'il pofféde la fubftance & l'ordre des choses. On peut décider cette question par une réponse générale. Car fi j'ai la mémoire affez bonne pour cela, & que le temps ne me manque pas, je veux que rien ne m'échappe de ce que j'aurai écrit, pas même une fyllabe; autrement il feroit inutile d'écrire. Il faut même dès nos premiéres années affujettir notre mémoire, par le moyen de l'exercice, à ne point fuir la peine; à éviter par-là d'écouter une certaine pareffe, qui fait qu'on le contente de fçavoir les chofes

à demi.

Je ne puis fouffrir qu'on ait befoin de fouffleur, & que l'on regarde dans fon papier en récitant. Cette mauvaise coûtume autorile la négligence. On s'imagine fçavoir fuffifamment fon Discours, quand on compte pour rien de manquer. Comme on ne le poffede pas parfaitement, l'action en fouffre; on n'a point ce feu cette rapidité que l'auditeur attend: on hefire, on cherche, on paroît étudier sa

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