tion donne à la déclamation un ton de furprise ou de plainte. L'interrogant lui infpire un ton fupérieur, ou élevé. L'un & l'autre marquent non-feulement la paufe qu'ils exigent, mais encore la paffion ou la figure exprimée par les termes. La virgule diftingue dans une phrafe plufieurs noms fubftantifs, plufieurs adjectifs, verbes & adverbes qui ne fe modifient point l'un l'autre, ou qui ne font point unis par une conjonction ; & enfin les différents membres d'une phrafe. Le point avec la virgute marque un fens plus complet que la virgule: il diftingue les principaux membres d'une période, quand ils font longs & qu'ils renferment plufieurs parties, déja féparées par des virgules: il diftingue également les phrafes qui font fous un même régime, de mênie que certaines phrafes furnuméraires qui fuppofent la phrase précédente, dont elles font comme des dépendances. Les deux points marquent un fens encore plus complet que le point avec la virgule: ils diftinguent des phrafes qui fuppofent les premières, fans en dépendre abfolument; enforte que le fens de ce qui précede les deux points, eft fini; & que ce qu'on ajoûte enfuite, n'est que pour l'étendre ou l'éclaircir. Dans le ftyle concis & coupé on met fouvent les deux points à la placé du point; parce que les phrafes étant courtes, elles femblent moins détachées les unes des autres', & demandent par conféquent des pauses moins fréquentes dans la déclamation. Les deux points & le point avec la virgule different peu entr'eux, & prennent affez indifféremment la place l'un de l'autre. Dans la parenthese, la déclamation prend un ton plus bas ou plus haut que ce qui précede, ou qui fuit, felon le fens qu'elle renferme. Le point interrompu[...] qui fert à couper le fens d'une expreffion par une nouvelle qui a un fens différent, s'emploie quelquefois dans un difcours évangélique; & il demande un filence leger, un ton de voix particulier. En un mot le point veut la plus longue paufe, les deux points & celui avec la virgule demandent un moindre repos, & la paufe de la virgule eft prefque imperceptible. La ponctuation regle donc les filences, & les tons néceffaires pour détacher les expreffions: elle fait comprendre par la maniére dont elle diverfifie la déclamation, le fens des paroles; & elle donne à l'Orateur le temps de refpirer, fans que le fens du difcours en paroifle interrompu. Evitez ces négligences que l'on fe per Orat. XLIV. met dans la diction, & qui rendent la déclamation moins agréable. La derniére fyllabe du mot qui précede, eft-elle comme la premiére de celui qui fuit ? la rencontre des s eft-elle frequente? unif fez-vous des lettres avec des voyelles qui rendent un fon rude? la fuite de plufieurs monofyllabes fait-elle fautiller la voix ? les termes trop longs fe fuiventils de trop près ? ce font autant de défauts qui rendront votre déclamation vicieuse. En vain votre difcours fera-t-il nombreux, fublime, plein d'agrémens dans le ftyle; fi vous péchez contre ces régles, j'oublierai les beautés de votre composition ; parce que votre déclamation choquera la délicateffe de mon oreille, qui eft le premier fens qui rapporte vos paroles à mon efprit. Aurium fuperbissimum eft judicium. CHAPITRE III. Un Difcours fans harmonie peut-il fe Joûtenir dans la prononciation ? Réalité &beauté de cette harmonie par rapport_ à l'Action. Q U'eft-ce que l'harmonie, qu'on appelle auffi nombre oratoire ? C'eft une forte de modulation qui refulte, non. feulement de la valeur fyllabique, mais encore de la qualité & de l'arrangement M. D'Oli des mots. Telle eft la définition qu'en' donne un fçavant Académicien. Ecoutonsle nous en expliquer les termes, & profi- vet, Profod. tons de fes principes pour raifonner enfuite conféquemment à notre fujet. C'est une forte de modulation, parce que c'eft une fuite de plufieurs mouvemens, qui ne font point arbitrairement distribués, mais qui doivent être liés par de certaines proportions, fans lefquelles ce ne feroient que des fons indépendans les uns des autres, & dont l'affemblage confus n'auroit rien de flateur. La premiére caufe de cette modulation eft la valeur fyllabique des mots dont une phrafe eft compofée; c'est-à-dire, leurs longues & leurs bréves afforties enfemble avec réflexion, de manière qu'elles précipitent ou ralentiffent la prononciation au gré de l'oreille. Il faut avoir égard à la qualité des mots confiderés comme des fons éclatans ou fourds, lents on rapides, rudes ou doux. Un des plus importans fecrets de la profodie, c'eft de temperer les fons l'un par l'autre, adoucir la rudeffe d'une fyllabe par une plus douce qui la fuive ou qui la précéde, foutenir une foible en L'uniffant à une plus forte. L'arrangement des mots eft la derniére caufe de l'harmonie. Notre langue aime Franc. 'un ordre fimple, naturel & régulier dans les mots; mais il ne s'enfuit pas qu'elle exclut toute forte d'inverfions. Elle con damne les violentes, mais elle autorife ces tranfpofitions de mots ou de membres de phrafes qui font néceffaires pour donner plus de clarté, plus d'énergie, & pour rendre le tour plus harmonieux. Prenez une période de Ciceron ou de Boffuet : confervez-en les paroles, dérangez - les feulement; le fens, fera le même, mais P'harmonie difparoîtra. Une phrafe bien cadencée eft donc un tiffu de fyllabes bien choifies & mifes dans un tel ordre, que les organes, foit de celui qui parle, foit de celui qui écoute, font agréablement flatés par une forte de modulation qui fait que le difcours n'a rien de dur, ni de lâche; rien de trop long, ni de trop court; rien de pefant, ni de fautillant. La définence des mots François eft de deux fortes; l'une féminine qui eft celle où fe trouve l'e muet, l'autre maf culine qui renferme généralement toute définence où l'e muet ne fe trouve point: d'où notre Académicien conclut que ces deux fortes de fons très-différents, l'un mafculin qui eft foûtenu, l'autre féminin qui eft foible, font en notre langue l'effet des longues & des bréves, & que le |