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ment du refpect dû à la loi qui interdit le théatre, je ne crois pas cette école propre à les former. Quelle différence entre l'action que demandent la gravité du tragique, l'enjouement du comique, la pompe des vers, le jeu des intrigues, & le férieux & la fainteté des vérités de F'Evangile!

Qui que vous foyez qui vous confaerez au miniftere de la parole, ne défefperez jamais de vous élever à la perfection quand même vous ne pourriez y parvenir. C'eft toujours beaucoup que d'en approcher; puifque tout ce qui en approche, eft d'un grand prix. * Terminons ce chapitre par le portrait d'un véritable Orateur, que nous propofons comme un modele à imiter.

Un naturel heureux, l'efprit fécond', le jugement folide, perfectionnés par une étude férieufe de l'Ecriture, des Peres & de fa langue; l'imagination vive & réglée, la mémoire vafte & fidelle; une voix forte, diftincte, fléxible & variée, qui fe prête à tous les tours de la diction, & les caracterife par la variété des fons qu'elle produit; une prononciation nette, un air de grandeur & d'autorité; ce font ces qualités réunies qui forment l'Orateur.

Magna funt ea quæ funt optimis proxima. Cie. Grat

*

Peu les poffedent, beaucoup les alterent par une application trop marquée à plaire, ou par une imitation déplacée. L'Orateur digne de ce nom orne fon efprit des plus belles connoiffances. Affidu dans fon cabinet, converfant avec les Anciens, il les étudie, les interroge, écrit & parle d'après eux. Les mouvemens du cœur de l'homme, fes mœurs, fes inclinations lui font connues. Il s'exerce à la compofition, parce que cet exercice, felon Ciceron, eft un excellent maître. Comme il a étudié fon naturel & l'étendue de fes talens, il les fuit fans contrainte, & n'a rien d'affecté dans fes maniéres. Sa prononciation regle fon exterieur & l'anime. La Logique donne de la folidité à fes preuves, de la jufteffe à fes penfées; les difcours en font plus réguliers, plus fuivis, plus convaincans. Il confulte les forces, fon âge, fon rang, le lieu où il doit parler, avant que d'entreprendre un fujet. La réflexion du jugement regle la vivacité de fon imagination. Grave & majeftueux dans les difcours d'apparat, fimple & modefte dans les fujets familiers, élevé & brillant dans les éloges, inftructif & pathetique dans la morale, il mefure fon ftyle comme

* Nulla res tantùm ad dicendum proficit, quantùm fcriptio. Cic, in Brut.

fon action, fur la qualité de fa matiére. Sa voix répond à la nature des pensées & des expreffions de fon fujet. Son action n'eft ni Espagnole ni Italienne, ni trop grave ni trop comique. L'auditeur charmé par les graces & la nobleffe de fon exterieur, écoute avec plus de plaifir les raifons qu'il lui propofe. Telle eft l'image d'un bon Orateur : je ne fais que l'ébaucher. Si la nature vous a donné des sentimens, vous ne pourrez vous empê cher de l'aimer & de l'imiter.

L. 12.

CHAPITRE XIV.

L'action la plus parfaite peut faire honneur au Prédicateur; mais fi, elle n'eft Joûtenue par l'action des mœurs, elle ne produira aucun fruit par rapport à la fin de fon miniftere.

C

Aton définit l'Orateur un homme de bien, fçavant en l'art de parler. Il n'y a même que l'homme de bien qui puiffe être Orateur, dit Quintilien. 1. L'efprit, felon lui, ne peut vaquer a l'exécution d'un fi noble deffein, s'il n'eft libre de tout vice; parce que les chofes honnêtes & les chofes honteufes n'ont nulle fociété entr'elles, & qu'il n'eft pas

plus poffible qu'un même efprit s'occupe en même temps de ce qu'il y a de meilleur & de ce qu'il y a de plus mauvais dans la nature, qu'il eft impoffible qu'un même homme foit bon & méchant tout à la fois: 2°. parce qu'une ame occupée d'un fi grand deffein doit néceffairement renoncer à tous les autres foins, je dis même les plus innocents; car c'eft alors que dégagée de tout & fe poffedant parfaitement, elle fe livre toute entiére au projet qu'elle a conçu, fans que rien partage fon attention.

Si le foin de nos affaires ou le goût des plaifirs, quand il nous attache trop, devient préjudiciable aux études, parce que le temps que vous employez à autre chofe eft autant de temps que vous leur ôtez; que doivent faire les paffions violentes comme l'ambition, l'avarice, qui ne nous laiffent de repos ni le jour ni la nuit, par le défordre qu'elles caufent dans notre imagination? car il n'y a rien. de fi agité, de fi changeant qu'une ame vicieufe. Pour foûtenir la fatigue de l'étude, la tempérance n'eft-elle pas néceffaire? Mais en peut-on attendre d'un homme livré à la molleffe & à la débauche ? L'amour de la gloire eft ce qui nous excite particuliérement à cultiver les fciences. Peut-on croire qu'une ame

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efclave du vice foit fenfible à la gloire? La plupart des Difcours oratoires roulent fur l'équité & fur le fouverain bien: un homme injufte & méchant parlera t'il de ces chofes d'une maniére convenable à leur dignité? Enfin fuppofons ce qui ne peut jamais être, qu'un honnête homme & un fcélerat ayent autant d'efprit, d'application & de capacité l'un que l'autre ; qui des deux fera cru le meilleur Orateur? Sans doute celui qui fera homme de bien. Il n'eft donc pas poffible que le dernier foit un parfait Orateur; car dès qu'il peut devenir meilleur, on peut conclure qu'il n'eft pas parfait.

L'hypocrifie fe trahit toujours, quelque précaution qu'elle prenne; & il n'y a point d'homme fi éloquent, qu'il ne vacille & ne foit embarrassé toutes les fois que fon cœur dément fa bouche. Or un méchant homme eft fouvent dans la néceffité de parler autrement qu'il ne penfe. Les gens de bien au contraire ne tariffent point fur le chapitre de la vertu. Ils ont une facilité merveilleuse à inventer les meilleures chofes, parce qu'ils ont la fageffe en partage. Il eft vrai que ces bonnes chofes font quelquefois deftituées des agrémens & des fineffes de l'art; mais elles font affez ornées par elles-mêmes; & tout Difcours où reluit le caractere

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