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ftructure & la même politeffe que les mots. Ces deux parties de l'Orateur ont le mouvement & le fon liés ; elles n'ont rien de trop âpre ni de trop ouvert, ni une cadence trop uniforme ; elles ne font point embarraffées par les tranfpofitions,& n'ont point un jeu trop continué, ni trop interrompu par des périodes, des phrafes trop longues, ou par des incifes fréquents. Il eft impoffible que la déclamation ne fe reffente des défauts d'un difcours qui péche contre les régles de l'harmonie ; mais quand la diction eft difpofée dans un ordre judicieux, l'action en eft plus méthodique: elle expofe au grand jour toutes les beautés de la difpofition du difcours, en nourrit l'economie, & foû→ tient le rapport & la proportion de chaque partie par le ton & la régularité de la prononciation qu'elles demandent. Le Chapitre fuivant, en dévelopant ma pensée, fournira de nouvelles preuves à ce que j'avance.

CHAPITRE IV.

Quel Style eft le plus propre à l'action.

CE

E que je produirai dans ce Chapitre, n'eft qu'une fuite de ce que renferme le précedent, qui annonce déja

le ftyle qui convient à l'action de l'O

rateur.

Une des principales beautés de l'Elòquence confifte dans le rapport qui fe doit trouver entre le ftyle, les chofes dont on parle, & la maniére dont on les prononce. La nature forme le fentiment dans le cœur, avant que de dénouer la langue qui en eft l'interpréte. Il ne fuffit pas pour cette conformité de bien exprimer ce qu'on pense; il faut le dire, & le prononcer d'une manière qui ait du rapport avec le fens & l'harmonie des termes. L'Eloquence a comme la Poëfie une cadence qui dépend en partie d'une oreille délicate, qui fçait l'art de la varier & de donner le ton à chaque chofe. Le style uniforme a fon mérite, mais il n'a point cette variété de tours & de nombres que la diverfité des pensées & des fujets démandent.

C'eft, dit le P. Gaichiés, une briéveté Difcours de ftyle dans le fens, quand il eft renfermé Acad. tout entier en peu de paroles, fans liaifon avec ce qui précede, ou ce qui fuit. Il eft une briéveté dans la phrafe, quand le fens qu'elle renferme en peu de mots, eft parfait. Toutes deux font peu propres à l'action. Des phrafes concifes & coupées, un tiffu de penfées qui fe fuccedent, peuvent avoir un certain

brillant; mais ce ftyle concis ne peut inftruire ni toucher. Il fait pécher l'action parce qu'il rend la prononciation défectueufe. Un Prédicateur qui ex poferoit un fujet dans toutes les parties, qui érabliroit une vérité par principes, & raifonneroit en conféquence avec un ftyle dont les phrafes coupées & fans liaison couleroient avec une rapidité qui ôté le temps à la réflexion, auroit néceffairement une action brisée, interrompue & confuse. Il ne perfuaderoit pas comme celui qui explique par des tours fuffifamment étendus fon fujet, pofe fes preuves, les dévelope, les préfente fous différentes faces, d'une manière à rendre l'auditeur plus attentif à fes raifons, qu'à la maniére ingénieufe avec laquelle il les explique. Un tel Orateur à qui le nombre du ftyle donne la facilité de fe poffeder, donne à fa voix, à fes yeux tous les mouvemens néceffaires & variés, felon que l'exigent les diverfes parties de fon difcours. Que de Sermons vuides de fens & méprifables, fi vous en ôtiez les pointes, les jeux de mots, & les épithetes. Semblables à ces femmes dont la beauté confifte dans le fard, la coëffure & la robe; dépouillez-les de tous ces brillans colifichets qui les embelliffent, vous ne trou→ verez plus que des fpectres ambulans.

Que de Séneques François dont l'Empereur Caïus pourroit encore railler le ftyle haché & découfu, l'appeller un monceau de fable fans ciment ! L'action, dit Ciceron, peut tenir lieu de tous les autres ornemens de l'Eloquence; mais cet avantage, c'est le nombre qui le lui procure. Un ftyle concis n'eft point fufceptible d'harmonie ; l'action ne peut donc la fuppléer, & donner à des phrafes coupées une cadence & une majesté de ton qu'elles ne peuvent recevoir. La briéveté du ftyle la prive donc de cette force & de ces agrémens que fournit un ftyle harmonieux.

Je dis plus : le ftyle coupé ne peut fe promettre de convaincre l'efprit, auquel il ne donne pas le temps de la réflexion, ni d'émouvoir le cœur dont il ne fait qu'effleurer par fa rapidité le fentiment. Il plaira peut-être, il furprendra; mais il ne peut fournir à l'action ces mouvemens propres à remuer la paffion. Le style concis qui fournit dans chaque phrase une pensée nouvelle, de nouvelles figures, demande une action également vive & ferrée; on s'abandonne à la vivacité de la prononciation qu'il excite : le geste eft véhément & trop peu varié. L'Orateur en feu court, précipite fa marche, fe met hors d'haleine, & ne refpire plus

que par fyncope. Ce ftyle peut avoir fon mérite, quand il eft bien conduit & placé à la fuite des périodes, des narrations, ou des preuves étendues, quand il faut preffer & intimider. L'auditeur, à qui, dans ces circonstances, un ftyle étendu a donné le ternps de concevoir, de réfléchir, eft frapé par ces traits de lumiéres qui fe fuccedent, & que l'action vive foûtient par une nouvelle force.

Des phrases trop longues, des raisonnemens trop diffus ennuieroient l'Athénien & le François également vifs & pénétrans; elles entraîneroient avec elles une action trop uniforme, trop modérée, & par conféquent languiffante. Mais le peuple parmi nous n'eft point toujours Athénien & François en ce point. Tour Prédicateur, qui eft un Ciceron dans les preuves & les raifonnemens, doit être auffi un Demofthène qui foit concis par art, & non par génie ; qui au milieu de fes faillies ne perde jamais le goût de l'harmonie, dont la brillante précifion confifte moins dans les phrases recherchées, que dans des mouvemens qui rappellent les mêmes preuves, & lẹ conduifent à fa fin. En un mot la perfection du ftyle oratoire exige l'harmonie; & fans l'harmonie l'action n'a ni force, ni grace, ni gravité.

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