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de l'excès ou du défaut de véhémence, & il trouble l'harmonie que le feu doit produire par le concours uniforme de toutes les parties de l'action. Un homme vif ne peut répandre fur fes paroles ce flegme oratoire que donne une noble gravité. Il réuffira peut-être dans l'expreffion des vérités terribles de la Loi, mais il prononcera un éloge fur le même ton. Il fera véhement à l'excès, & il n'aura point de feu. Un homme froid, lourd & pefant dans fes mouvemens, voudra parler avec véhémence dans ces grands fujets; il s'agitera avec violence, mais, fa véhémence & fon feu également forcés décéleront un homme qui s'échauffe par art. C'eft un ouvrier qui fait jouer les refforts d'une machine, pour produire un bruit artificiel. Je fuis frapé, faif au premier éclat qu'elle pro duit, & je ris enfuite de la furprise qu'elle m'a canfée. J'ai entendu un Prédicateur prononcer l'éloge de S. Ignace il prit pour texte ces paroles, Dilatafti cor meum. A peine eut-il formé le figne de la croix, qu'il prononça ce texte avec une voix de Prophete, un gefte impé queux, des yeux d'énergumene, ouvrant fon furplis comme pour montrer ce cœur vafte, Il foûrint fon Difcours fur ce ton Sybillique, & fit foupirer plus d'une fois

Réflex.

fes auditeurs après l'éternité. Il avoit de l'efprit, du fublime dans la diction, mais il n'avoit pas de feu, & portoit la véhémence jufqu'à l'excès. Le Pere Rapin nous parle d'un de ces Prédicateurs fougueux de fon fiécle. Sa diction fur l'Elog. étoit forte, fon air vehement, fa déclamation outrée. Son action étoit fi fort gâtée par les agitations violentes de fon corps, qu'on le défendoit aux femmes groffes, parce que fes mouvemens avoient l'air de convulfions.

de la Chaire.

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Un Prédicateur qui manque d'efprit ou de fentiment peut-il exceller dans l'action? Ces deux qualités font-elles également néceffaires?

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Left un fentiment du cœur, de l'efprit & de l'ame, tous trois différents entr'eux, quoiqu'ils partent de l'ame où ils ont leur origine.

Le premier qui eft auffi celui des mœurs, n'eft autre chofe que la raifon, cette lumiére naturelle qui nous apprend à difcerner le bien & le mal, à aimer l'un & à fuir l'autre ; à honorer l'Etre fuprême, à nous refpecter pousmêmes, & à contribuer au bien de la fociété.

Le fentiment de l'efprit eft le goût & la jufteffe que l'étude des régles produifent, qui enfeigne à diftribuer à propos la beauté, l'harmonie, l'ordre dont les fciences comme les arts méchaniques peuvent être fufceptibles, & qui nous apprend à connoître ces qualités dans les fujets où elles fe trouvent.

Le fentiment de l'ame eft l'impreffion qu'excitent en nous les paffions différentes, dont notre ame renferme le germe & le principe. Les objets extérieurs qui la frapent par la voie de l'efprit & des fens, excitent & font naître ces mouvemens d'admiration, de terreur, de colére, de compaffion qui la ravissent, l'attendriffent ou la troublent.

Le fentiment néceffaire à l'Orateur confifte dans la facilité de fentir le premier, & de faire naître dans l'ame des auditeurs les diverfes paffions dont l'hom me chrétien eft fufceptible, felon la na ture des fujets qu'il traite, le caracterè des perfonnes qu'il faut inftruire ou corriger, & la circonstance des temps & des lieux où il parle. Le fentiment, eft donc l'ame & la vie de l'efprit; mais celui-ci lui préte les couleurs, le brillant des figures, le fublime des expreffions qui flatent l'oreille, charment l'efprit de L'auditeur, & praduifent ces mouvemens

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qui le ravilent ou le troublent felon les divers effets qu'il faut exciter. L'ef prit donne donc de la vigueur, de la beauté aux fentimens par la nobleffe de la diction qui les exprime, & du jour dans lequel il les préfente. Il fert en ce point l'Orateur dans fa compofition; mais le fentiment feul doit régler for action...

Un homme fera incapable de compofer un Difcours felon les régles oratoires, qui le débitera cependant d'une maniére fatisfaifante. Le fentiment de l'ame fait chez lui ce que l'efprit fait chez d'autres par les principes de l'art. Cette différence fe fait fentir d'elle-même dans un homme qui déclame par le fentiment de L'efprit, & un autre qui déclamé par le fentiment de l'ame. Heureux cependant un Orateur qui n'eft point obligé de recourir à l'art pour faire parler à la nature le langage qui lui eft propre ! Quand elle s'exprime en nous par fa voix, qu'elle donne le ton à nos fentimens, il ne faut que la fuivre pour réuffir. On fe poffede alors, on regle la vivacité & les fai lies indifcrettes d'un tempérament trop ardent. Tiesa sum

L'efprit et néceffaire à l'Orateur pour difcerner tout ce que l'action demande de lui dans les différents fujets & dans

les diverfes parties d'un même fujet. Le goût des convenances eft l'effet du fentiment de l'efprit, qui fçait donner à chaque chofe l'action qui lui eft propre, exprimer la paffion, l'expofer dans le jour qui lui convient; faire valoir le Difcours, & produire par l'accord de l'expreffion & des mouvemens cette harmonie de fentimens qui charme & qui touche le cœur. Quand on est attentif à fuivre la voix du fentiment, on foûtient la force & la délicateffe de fon Difcours par la nobleffe & la variété de fon action; on s'en fert pour l'embellir, & donner à fes paroles du feu & de la vivacité. Un gefte, un regard, une inflexion jufte animent l'auditeur, le faififfent, le perfuadent. C'eft là le grand art de fçavoir le paffionner avec réflexion, & de donner au fentiment le degré d'action qu'il exige; de prêter à la paffion la voix & l'air qui la caracterifent, de ne point l'affoiblir ni l'outrer de lier à propos par des tranfitions heureufes les mouvemens oppofés, & de paffer d'une paffion à une autre fans que Paction foir contrainte.

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L'efprit eft néceffaire, mais c'eft an cœur à le régler, & non point à lui a preferire des loix au cœur, Il doit être comme un peintre qui a entre les mains

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