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M. Reimond.

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toutes les figures poffibles, mais renfer mées dans les couleurs brutes que la nature lui fournit : il ne s'agit que de connoître l'entente des teintes, la diftribution des clairs & des ombres, leurs différences,leurs ufages,& de les appliquer propos fur la toile, pour en faire fortir un lion féroce, ou un lievre timide. On a vû des perfonnes fans efprit opérer ces prodiges; le fentiment en eux fuppléoit au défaut d'efprit. Mais l'art & l'efprit feul ne tiennent point toujours lieu de fentiment; fans lui les presens de la nature & de l'étude font fouvent inutiles.

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Le fublime de l'action confifte dans le fentiment qui eft l'expreffion même, & non l'imitation de la nature.

L

E fond du fentiment fubfifte en nous indépendamment des régles i les a même produites. L'art eft le fils de la nature, mais elle a besoin de lui à fon tour. Comme le fentiment n'est point également vif, éclairé & érendu dans tous les hommes, elle l'emploie pour le produire, l'éclairer & le rendre judicieux. L'art eft pour elle ce que le

foleil eft pour la terre, qui renferme dans fon fein la vertu productrice de tout ce qui végete; il anime la fécondité, mais il en fuppofe en elle le principe. L'art fait éclore le goût que la nature n'a fait qu'ébaucher, il le forme & le perfectionne; il juge avec lui des objets extérieurs: il eft pour lui ce qu'eft le compas & l'équerre entre les mains d'un habile ouvrier; il regle les opérations de la raison, mais il est la réflexion de la raison même, qui examinant les diverses maniéres de les exercer, a imaginé des régles pour faire avec méthode ce que nous ne ferions que par inftinct. 11 peint d'après la nature, & toutes fes productions n'en font que des copies. Celle-ci lui fournit la matiére à qui il donne la forme. Il imagine, il invente quelquefois, il travaille de génie; mais elle lui fournit les premiéres idées. Il trouve dans fon fonds les matiéres préparées, fe les approprie & paroît créer à fon tour; il n'eft même parfait, qu'au

* Omnis animi motus & Orat. 1. 3. n. 213. fuum quemdam à natura vultum habet,&, fonum,& geftuin, totumque corpus hominis & ejus omnis vultus. Omnefque voces, or nervi in filibus, ita fonant ut à motu animi quæquæ funt pulfæ, Cic. de

Le vifage, les yeux & les mains font comme les cordes d'un inftrument, qui forment une harmonie plus ou moins jufte & agréable qu'on fait les toucher à propos

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tant qu'il fçait par une agréable illusion féduire nos fens & fe faire prendre pour celle qu'il imite. Il n'y a rien de parfait dans la nature, fi elle n'eft conduite par les foins de l'homme. Plus l'art eft achevé, moins il paroît. Voyez ces ftatues où l'art fe dérobe fous les traits de la nature qu'il reprefente. Quand on voit ce flûteur dans le jardin des Thuilleries, on eft fàché de ne point entendre les fons qu'il paroît exprimer avec fa flûte, tant fon attitude & fes mouvemens font naturels. Nous oublions l'art de l'ouvrier, c'eft la nature que nous admirons en lui: il eft parfait.

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Toute la fin des régles de l'action confifte donc à s'énoncer d'une maniére naturelle. Qui dit naturelle, dit fimple, médiocre, fublime. Ces différents mouyemens font également dans la nature: il fuffit de l'étudier, & de la fuivre fans la contraindre ni la forcer. Si elle eft vraie en nous, elle s'exprimera dans toutes les parties du corps. Ilenet peuquiréuffiffent, parce qu'on ne la prend pas pour guide. On croit qu'il faut dans la Chaire une voix, un air de vifage, une action dif férente de celle qu'elle nous infpire: elle eft par-tout la même ;'il ne s'agit que Nihil eft perfectum nifi ubi natura curâ javetur. Quintil

de lui donner plus de force, de jeu, de finefle, felon les fujers. Voyez un homme dans la paffion: quel ton! quelle inflexion, quelle variété dans la voix ! quelle vivacité dans les yeux! quels mouvemens animés dans tout le corps! Son exterieur feul nous occupe; nous intéreffe. Il n'étudie point fon action, il fe livre au fentiment de la nature; il l'exprime, tout parle en lui.

Fenelon,

L'art des bons Orateurs ne confifte M. De qu'à obferver ce que la nature fait quand Dialogues elle n'eft point retenue. Ne faites point comme ces mauvais Orateurs qui veulent toujours déclamer, & ne jamais parler à leurs auditeurs. Il faut au contraire que chacun de vos auditeurs s'imagine que vous parlez à lui en particulier N'efpérez pas peindre les paffions par le feul effort de la voix. Beaucoup de gens en criant, en s'agitant, ne font qu'étourdir. Remarquez ce que font les mains les yeux, la voix d'un homme quand il eft pénétré de douleur, ou furpris à la vue d'un objet étonnant: voilà la nature qui fe montre à vous; vous n'avez qu'à la fuivre. Si vous employez l'art, cachezle fi bien par limitation, qu'on le prenne pour celle qu'il copie. Mais à dire vrai Fart quelque grand qu'il foit, ne parle point comme la paffion véritable.

Horace.

P. Gai chiés, 7. dife.

Acad,

Le fublime de l'action confifte à exprimer dans l'air du vifage; la voix & les geftes, la grandeur des penfées, la nobleffe des fentimens, la magnificence des paroles, le tour vif & harmonieux de l'expreffion; à donner à toutes les parties du corps cette éloquence extérieure qui ravit les fens. L'action répond alors au fublime de la diction, frape, étonne l'auditeur. L'impreffion que produit en lui le ton majestueux & pathétique qui en fait le caractere, fait naître dans l'ame les mouvemens les plus vifs.

Pleurez, fi vous voulez que je pleure. Grande maxime qui eft la bafe du fentiment. Si en parlant il ne s'agiffoit que de communiquer fes penfées, il fuffiroit de choifir les mots les plus propres, & de donner à fes expreffions l'arrangement & le tour le plus capable de porter la lumiére dans les efprits. Mais comme on ne se borne pas à inftruire, que de plus on veut toucher, qu'avec des pensées on a deffein de communiquer des fentimens; on doit foi-même être fi pénetré des affections qu'on veut exciter dans les autres, que toutes les paroles en foient comme imbibées. Joie, trifteffe, compaffion, tendreffe, indignation, &c. c'eft du cœur de celui qui parle, que ces pafGons doivent d'abord s'emparer; & quand

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