ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

Il faut s'impofer la loi de defcendre en foi-même,

Et d'y chercher les femences dé flâme Dont le vrai feul doit embrafer notre ame. Le fentiment ne s'acquiert donc pas par l'étude. C'eft un don de la nature que l'on n'apprend que trop à feindre. Plût à Dieu qu'il n'y ait jamais de tartuffes Orateurs, qui sous le masque d'une action artistement ménagée, troublent, attendriffent l'auditeur, pleurent avec lui, & paroiffent pénetrés des vérités relpectables dont ils doutent les premiers. Ce fentiment de fiction convient au théatre, mais il ne convient point à la Chaire. Souvent ces Orateurs d'inftinct fe trahiffent & nous montrent une machine organifée. Ce qui eft de plus défavantageux à la Religion, c'eft que l'auditeur le pardonne au Prédicateur quand il parle avec efprit; parce qu'il ne vient luimême au Sermon que pour faire ufage de fon efprit, & non de fon cœur. Que ces Orateurs qui n'ont qu'un Chriftiani(me naturel, font dangereux!

[ocr errors]

D'autres font incertains & faux dans leur action; tranquiles & froids quand ils invectivent; indifférents quand ils remontrent; en colère quand ils exhortent ils ne fçavent point fentir ce qu'ils difent; ils n'ont point d'entrailles. Dÿj

Ron Jean

Préface du

Le Pere Maffillon avoit une action de petit Care- fentiment qui lui étoit fi propre,

me.

qu'on peut affurer que comme il n'eut point de modele à fuivre, il n'a point formé d'éleve qui l'ait imité. On le voyoit arriver en Chaire comme un homme qui vient de méditer profondément un fujet. Dès qu'il paroiffoit, fon air recueilli & pénetré annonçoit déja la grandeur & l'importance des vérités qu'il alloit annoncer. Il n'avoit point ouvert la bouche, & l'auditeur étoit faifi: il parloit enfin.... ne pouvant contenir au dedans de lui les vérités dont il étoit plein. Un feu intérieur le dévoroit : il falloit qu'il le laiffât éclater au dehors. Auffi tout parloit en lui, tout perfuadoit, tout portoit dans l'ame la conviction & le fentiment. C'étoit un talent naturel qui lui faifoit exprimer & dire les chofes avec force & vivacité, parce qu'il les fentoit de même. Il faifoit confifter tout le mérite de l'action à paroître bien pénetré lui-même des vérités dont il vouloit convaincre fes auditeurs. L'Acteur le plus parfait qu'ait eu le Théatre François, voulut l'entendre: il fut frapé du vrai qu'il trouva dans route fon action, & dit à un autre Acteur qui l'avoit accompagné: Mon ami, voilà un Orateur; & nous, nous ne fommes que des Comédiens. Tels ont été 1.s

Lingendes, les Bourdaloues, les Cheminais, les Boffuets, ces Orateurs qui fçurent faire aimer & refpecter la Religion.

Finiffons ce chapitre par deux avis que nous croyons néceffaires. Poffédez bien votre fujet : que votre mémoire vous ferve à propos. Si le foin de rappeller à chaque inftant ce que vous devez dire, vous occupe, vos paroles n'ayant point le degré de vivacité qui réponde à votre action, l'expreffion du fentiment fera moins réguliére. Fortifiez-vous également contre une trop grande timidité; elle nuit aux plus heureufes difpofitions, elle étouffe le fentiment.

Concevez une grande eftime de votre miniftere. Donnez à vos mouvemens extérieurs ce caractere noble qui le diftingue des autres: cette prévention très-légitime vous rendra plus attentif à l'exercer avec la dignité qui lui convient, à faire de plus grands efforts pour y exceller. La haute idée que vous en aurez conçue, vous infpirera cette élévation de fentiment qui vous méritera les fuffrages du public. Repréfentez-vous un Héros chrétien que fes travaux & fes vertus ont élevé à la gloire ? Démontrezvous la divinité de nos myfteres? Expofez-yous la difformité du vice, ou les

[ocr errors]

charmes de la vertu ? Rempli de cet enthoufiafine, de ce feu qu'infpire l'Esprit faint à fes oracles, vous perfuadez alors les ames les plus communes, vous ébran lez l'impiété, vous la forcez de céder à ces éclats brillans de la lumière que produisent par un concours heureux la force de vos paroles, & le fublime de vos fentimens.

Heureux l'Orateur que la nature rend naturellement éloquent! Il n'affoiblit pas le fentiment par des expreffions trop recherchées; parce que cette affectation du ftyle amufe l'efprit, & laiffe le cœur à fec. Comme la paffion a fes bornes, il ne fait point durer trop long temps l'émotion qu'il excite : il anime moins fes paroles par les faillies de la diction, les contentions de la voix, l'agitation du gefte, que par la véhémence intérieure qu'a fait fur lui fon fujet, & qu'il produit. S'il s'échauffe, s'il paroît s'emporter avec feu, la bienféance le ramene au calme; & alors, dit le Pere Gaichiés on voit en lui un refte d'émotion, comme dans ces corps fonores & retentiflans qui forment encore quelque fon après qu'on a ceffé de les agiter. Sans ces qualités d'une action innée on n'arrive jamais à la perfection. L'art peut bien colorer les défauts de la nature; l'appli

cation foûtiendra la mémoire, l'étude donnera l'intelligence: mais les qualités naturelles de l'efprit & du corps, la fenfibilité de l'ame, forment l'excellent Orateur, & font des dons de la nature.*

CHAPITRE VII I.

Un Difcours qui n'eft point écrit, ou que l'on prononce fur le champ, peut-il être accompagné de l'action néceffaire pour parler avec fuccès ?

ON

Na vú de fçavans Orateurs qui n'ofoient décider, s'il eft plus aifé d'être éloquent en parlant qu'en écrivant; fi on peut parler avec grace, quand on parle fans préparation. Plufieurs ont foûtenu ce fentiment, & donnoient leur expérience pour preuve. Je ne crois pas cependant cette queftion indiffoluble. L'expérience ordinaire décide affez pour la négative, quoiqu'on puiffe trouver des exceptions; mais elles font firares, qu'on peut appliquer ici cette maxime, Exceptio firmat regulam. Un Orateur peut avoir beaucoup de vivacité dans la décla

* Sic fentio naturam dam à natura habet vulprimum ad dicendum vim tum, & fonum, & gestum. afferre maximam. Omnis Cicer. in Orat. motus animi fuum quein

[ocr errors]
« ÀÌÀü°è¼Ó »