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mation, d'agrémens dans la prononciation, & cependant être froid dans fa compofition, penfer avec lenteur, exprimer fes idées avec peine; mais la facilité de fon débit adoucira ce qu'il y a de dur & de pefant dans fon ftyle. D'autres écrivent avec feu, leur compofition eft animée, ils penfent noblement, & s'expriment avec goût; mais ils manquent d'exterieur, mais ils n'ont pas la grace du débit, la facilité de la parole; leur voix maigre & foible ne foûtient pas un ftyle nombreux, ne rend point la vivacité des figures, ne fait point fentir l'harmonie répandue dans le Discours. Ils inftruifent; mais faute de fçavoir p'aire, ils n'ont qu'une partie du fuccès qu'ils peuvent fe promettre.

Plufieurs ont tout le méchanisme de l'action, mais ils écrivent d'une manière abftraite. Ils traitent en Philofophes les fujets même où il eft permis de répandre de l'agrément. Leur déclamation auffi agréable qu'elle foit, fauve avec peine ce que leur efprit métaphyfique prefente d'ennuyeux & de fatiguant dans leurs Difcours. L'art de perfuader confifte peut-être plus dans l'action que dans le difcours même, auffi raisonné & pathétique qu'il puiffe être. Quand je lis Demosthène & Ciceron, je vois l'Ora

teur dans leurs harangues, je n'y vois pas l'homme éloquent tout entier: elles ne m'offrent qu'une partie d'eux-mêmes. C'est un beau corps dont la fymétrie, l'é légance, le rapport des parties me charment; mais c'eft un corps inanimé. C'est plutôt par le témoignage de leurs contemporains, que précisément par leurs difcours, que je juge qu'ils ont été les oracles du Barreau. Combien de grands mouvemens, de traits fublimes ne leur échapoient-ils pas dans le feu de la dé clamation, qu'ils n'ont pû laiffer par écrit ! On lit l'oraifon pour Dejotarus & on y cherche ce trait d'éloquence qui défarma la colére de Céfar résolu à refufer le pardon. Il falloit fans doute, qu'à la force de l'éloquence fût joimé cette action forte & animée qui porte avec elle la conviction.

Un Difcours qui n'eft point confié au papier, quoique médité, ou qui eft prononcé fans préparation, n'eft point sufceptible de la force & de l'agrément que l'action communique à un Difcours méthodique & appris avec foin. Tel fonds de fcience & de doctrine qu'un homme ait acquis, je ne crois pas, généralement parlant, qu'il doive entiérement fe fier à fon jugement & à fes réflexions pour parler en public, fi ce n'eft dans ces

occafions imprévues & néceffaires, où il peut efperer que fa réputation n'en fouffrira point, & qu'on lui pardonnera les négligences qui pourront lui échaper par égard pour la réputation d'habile Orateur qu'il aura depuis long-temps méritée. Un Orateur de nom peut dans, ces circonftances fe promettre quelque indulgence des auditeurs qui l'ont déja entendu avec applaudiffement. Mais pour les Orateurs ordinaires, cette conduite feroit imprudence, orgueil, témerité.

Que l'exemple des Orateurs du premier ordre ne nous féduife point. Ces deux grands hommes que nous avons déja nommés, ne fçavoient point toujours par cœur ces harangues que nous avons entre nos mains. Ils les écrivoient, mais ils ne les récitoient pas toujours mot pour mot. Ciceron paroît vouloir qu'on réfléchiffe fur toutes les parties de fon Difcours, que l'on prémédite les figures & les principales expreffions qu'on veut employer, qu'on les range dans fa tête en fe réfervant le droit d'y ajoûter. en le prononçant, ce que les circonftances particulières, le befoin & la fituation des auditeurs peuvent infpirer. Mais il parle ici en Ciceron; c'est-à-dire qu'il fuppofe dans un Orateur autant de connoiffance de fon art, de richeffes acquifes,

pour l'Eloquence, & de présence d'efprit, qu'il en poffedoit lui-même.

On n'apprend pas toujours à parler en s'exerçant à la parole. On acquiert fouvent même l'habitude de mal parler en parlant mal, c'eft-à-dire fans y être préparé. Un fujet médité, réfléchi, scrupuleufement confié à la mémoire a roujours plus de force & de beauté. On n'eft point occupé à chercher les choses qu'il faut fournir, à les lier avec jugement : on ne réflechit qu'à la manière dont on doit les faire fentir & les énoncer. Si vous avez la mémoire facile, étudiez donc avec foin ce que vous aurez confié à votre papier. Ne perdez rien pour l'action, des agrémens & de la force d'une diction pure & pathétique. Les mots fe préfentant d'eux-mêmes à votre efprit, vous laifferont toute la liberté de l'action : vous ferez attentif à examiner l'impreffion que font vos paroles fur vos auditeurs, à preffer plus vivement, à donner plus de force à vos mouvemens pour achever de les perfuader, à courir & vous arrêter où il faut : quand vous lirez dans leurs yeux, fur leur vifage ces fentimens de trouble, de perfuafion dont leur ame peut être pénetrée, vous repréfenterez les chofes d'une autre maniére, fous des images plus fenfibles; vous y conformerez votre

déclamation: elle ne fera ni vague ni infructueufe: vous ne craindrez point de perdre le fil de votre difcours; parce qu'en poffedant bien votre papier, l'ordre que vous y aurez mis, & la méthode de difcourir qu'une bonne Logique vous aura donnée, vous mettront en état de vous retrouver quand la chaleur de l'action vous emporteroit un peu loin. La mémoire fecourue par le jugement vous rappellera ce que vous aurez déja dit, & vous connoîtrez conféquemment ce qui doit fuivre.

Vous êtes accoûtumé à confulter la nature, à l'étudier, à la fuivre. Exercé à écrire & à parler fur différents sujets dans le particulier, vous entretenez votre mémoire par une lecture fréquente & répetée des mêmes chofes; c'eft un fond d'élocution que vous avez toujours en main. Vous poffedez de bons principes fur chaque matiére, vous connoiffez les mours; les Auteurs excellents vous font familiers; vous parlez l'Ecriture fainte & les Peres comme votre langue maternelle; vous vous énoncez aisément & avec grace; vous avez le jugement für & profond, beaucoup d'ordre & de précifion dans les idées pour ranger les preuves, lier à propos chaque partie par des tranfitions naturelles, dire tout, & ne dir

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