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précisément que ce qui convient à votre fujet ne prenez qu'un jour, qu'une heure pour méditer votre fujet, ranger vos preuves, confulter votre mémoire ; choifir, préparer un certain nombre de figures; paroiffez en public, j'y confens: les expreffions communes qui doivent faire le corps du Difcours, fe préfenteront d'elles-mêmes; les chofes couleront de fource. Vos périodes feront peut-être moins harmonieuses, vos tranfitions moins fines, un terme mal placé pourra vous échaper, je vous le pardonnerai. La véhémence de votre action compenfera ces irrégularités, vous ferez le maître de vos mouvemens. Il y régnera peut-être un certain défordre, mais ces négligences ne vous empêcheront point de me plaire & de me toucher : votre action comme vos paroles me paroîtront plus naturelles.

Qui peut efperer ce fuccès, s'il manque d'une feule des qualités que je viens d'exiger Combien peu les poffedent! Sans elles cependant ne vous croyez jamais en état de prononcer un Difcours que vous n'aurez point écrit, ou médité long-temps avant. On trouve quelquefois des hommes qui parlent mieux qu'ils n'écrivent. Its paroiffent en public après une préparation générale, quelques heures de réflexions: alors fupérieurs à eux

mêmes, ils plaifent plus que dans les autres Difcours qu'ils ont travaillé avec foin. Ils s'animent, fe livrent à la fécon dité de leur imagination: leur auditoire les infpire: l'imagination échauffée anime à fon tour la voix & le gefte, & donne de l'expreffion à tous les mouvemens du corps. De tels hommes font Lares, & il feroit dangereux de les imi ter. Je dirai plus ; cette facilité de parler fur le champ & de fon fond, ce que Ciceron appelle loqui ex libidine, a gâté plus de grands hommes qu'elle n'en a faits. C'est un talent qu'il faut plutôt admirer qu'envier à ceux qui le poffedent. Heureux ceux qui ont l'efprit méthodique, le jugement prompt pour faifir le vrai, qui font affez maîtres de leur imagination pour placer un raisonnement en fon lieu, & écarter celui qui fe prefente quand il eft hors d'œuvre, analyfer leurs réflexions, conclure à propos, & qui poffedent bien leur langue: qualités néceffaires, peu communes, & que chacun croit poffeder.

Que de Prédicateurs, qui pour avoir paru plufieurs fois en public, ont la témerité de fe croire capables de parler fur le champ, de faire des Sermons en inpromptu! Ils vous débitent tout ce qui leur vient à l'efprit.. Ils. fuppofent les

preuves, ou ne les prefentent qu'à demi, Te perdent dans le détail. Leur exterieur eft gêné par la contention de l'efprit, qui cherche ce qui doit finir la phrase qu'il a commencée : ils fe répetent, s'égarent dans des digreffions, fans action, fans mouvement; ou s'ils ont l'efprit vif, leur action eft turbulente, leurs yeux & leurs mains courent çà & là fans rapport à leurs paroles. Je crois voir des hommes qui fe noyent, qui jouent des pieds & des mains pour s'accrocher où ils peuvent, & fe fauver.

A quel ridicule ne s'expofent pas ces hommes qui, fous prétexte d'une fimpli cité Apoftolique mal entendue, paroiffent en Chaire fans avoir travaillé leurs Difcours, s'imaginent prêcher naturellement, pourvû qu'ils crient de toute leur force, qu'ils fuent beaucoup, parlent fouvent du Diable & de l'Enfer, qu'ils étourdiffent l'auditeur par tous les traits qu'une imagination de Miffionnaire peut fournir, & prétendent convertir tout un peuple. J'admire également la patience de l'auditeur qui écoute dans le filence ces. Prédicateurs énergumenes, & l'infuffifance & la groffiéreté de ces prétendus Orateurs qui vous débitent avec hardieffe & d'un air Apoftolique tout ce que leur dicte un zéle fou

gueux, échauffé par un pieux délire. Si les Eccléfiaftiques fe formoient dans les Séminaires dans l'étude de l'Ecriture & des Peres, dans le goût d'une éloquence chrétienne, quelle reffource n'auroientils point pour le miniftere de la parole! Un Pasteur chargé du détail de la conduite & des befoins d'un peuple, ne trouve pas toujours un temps fuffifant pour composer fes Difcours. Obligé comme pere de rompre le pain de la parole à fes enfans, s'il n'a pas fait un riche fonds d'étude & d'éloquence, qu'arrivet'il? Ou il fe difpenfe de précher, & en donne la commiffion à des Miniftres fubalternes; ou s'il paroît en Chaire, it débitera fans grace, fans feu, fans action tout ce qui lui viendra dans l'efprit, ou ce qu'il aura coufu à la hâte quelques jours auparavant. Il s'excufera en vain fur les occupations d'une nombreuse Paroiffe. Le peuple peu fatisfait de ne point entendre fon Pafteur, ou de l'entendre parler fi négligemment, aura peu d'eftime & de refpect pour fa perfonne.

Il faut donc, avant que de vouloir être maître en Ifraël, faire provision de sciences & de vertus. Infunde ut effundas, dit faint Bernard; s'exercer par des inftructions familiéres, par des conférences, pour acquerir cette facilité & cette liberté

de parler ex abrupto. Dans ces cas un
Pafteur inftruit explique toujours l'Evan-
gile
gile avec fruit, il parle de l'abondance
du cœur. * On ne le prend jamais à dé-
pourvu. Quelques heures de préparation
lui fuffifent; l'eftime que fon peuple a
conçu de fes talens & de fes vertus, le
rend attentif à ce qu'il dit, & lui fait
oublier la manière avec laquelle il le dit.
Les négligences de ftyle, les répétitions
légeres ne lui paroiffent pas des défauts:
le Pasteur plein de fon miniftere répand
fur fon peuple la plénitude de la fcience
évangélique; & les fentimens de la cha-
rité de fon coeur qui fe produifent fur
fon vifage & dans tout fon exterieur,
donnent à fes paroles, à fon action, cet
air & cette voix que la vérité prend pour
perfuader.

CHAPITRE IX.

Peut-on prêcher avec fuccès les Sermons

d'autrui ?

Coutons à ce fujet faint Auguftin.

Equ'il eft de Prédicateurs qui me

fçauront gré de leur faire connoître qu'un

fi grand homme leur eft favorable! Il eft Doctrine des gens, dit ce Pere, qui ont à la vé- chrét, L. 4.

Promit de thefauro fuo nova & vetera,

6. 29.

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