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fa gloire, ne feroit-il pas plus coupable, s'il négligeoit ces talens, & les laiffoit dépérir par une piété mal-entendue? Eh! pourquoi n'employerions-nous pas, pour faire aimer la vérité, A les agrémens, les charmes innocents de l'har monie du corps, que les Comédiens emploient fur le théatre pour annoncer à la faveur d'une action brillante, cette morale fi pratiquée chez les enfans du fiécle?

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Appliquons à l'action ce que S. Auguftin dit des régles de l'Eloquence. [Puifque l'art de chrift. 4 la Rhétorique eft tous les jours employé à . 2. perfuader des chofes fauffes aufli bien que les vraies, qui ofercit dire que les défenfeurs de la vérité dûffent la laiffer défarmée contre le menfonge, de manière que les maîtres de l'erreur euffent le talent de rendre l'auditeur docile & attentif, & que les Docteurs de la vérité ne l'euffent pas que ceux-là fçûllent exprimer leurs impoftures avec précision, & que ceux-ci dans ce qu'ils difent de vrai ne fe fiffent écouter qu'avec ennui que les uns en faveur du menfonge fçûffent émouvoir l'auditeur, l'animer, l'effrayer, l'affliger, le réjouir, l'exhorter avec ardeur, avec force, & que les autres ne défendiffent les interêts de la vérité que froidement & lâchement ? Qui peut être affez infenfé pour goûter ce fentiment ? Le talent de la parole pouvant être mis en usage également d'un côté ou d'un autre, pourquoi les gens de bien ne s'appliqueront-ils point à Tacquerir pour rendre fervice à la vérité, puis que les méchans ofent bien l'ufurper & le fairevaloir pour les interêts de l'erreur & de Pinjuftice?]

Quelques-uns regardent l'art de l'action comme fuperflu; parce que la nature, felon eux, inftruit allez de la maniére avec laquelle il faut

prononcer & compofer fon gefte. [C'eft, leur Conrart. répond un Sçavant, comme s'ils difoient que Dieu ayant donné à la terre la faculté de produire le pain & le vin, elle les produira affez d'elle-même, & que l'agriculture y eft inutile que l'homme ayant une ame raisonnable, il ne fert de rien de lui faire apprendre Fart de raifonner jufte. Ils auroient raifon, fi toutes les terres étoient également fertiles, & fi elles qui ne font point cultivées, portoient d'auffi bon grain & en auffi grande abondance que celles qui le font avec foin; fi la nature étoit parfaite dans tous les hommes, & exempte de tout défaut; s'ils raifonnoient tous également bien, même fans en fçavoir les régles. Mais l'expérience prouve le contraire. ] Chacun a fon action qui lui eft propre, felon que la nature ou l'imitation la procurent; mais les uns ont une prononciation & un gefte beaucoup plus propre à contenter l'oeil & l'oreille, & à émouvoir les paffions. Les Anciens ont remarqué ceux qui excelloient en cette partie; & reconnoiffant qu'ils étoient écoutés plus favo→ rablement, qu'ils perfuadoient plus fûrement que les autres, ils ont prefcrit des préceptes qu'ils ont fuivis les premiers, & qu'ils ont donnés pour régle à la poftérité. Il faut s'y conformer dès la premiére jeuneffe. Il eft facile alors de prendre un bon plis, quand la nature flexible n'eft point encore vitiée par une mauvaise imitation, & qu'elle fe prête avec docilité à la correction de fes défauts.

Les préceptes de l'Action étudiés avec réflexion germent dans l'ame d'un homme judicieux: il les produit peu à peu, il en éprouve la bonté par l'ufage. Quand il joint à cette étude particuliére l'exercice fait en préfence d'un Orateur habile qui le corrige & le dirige

avec difcernement, il eft fûr de réuffir. Ses talens naturels fe dévelopent, l'art les perfectionne, la réflexion les conduit, l'exercice les polit, tout lui réuffit. Nous pouvons dire avec Ciceron, que ces préceptes font plus magnifiques dans la pratique, que dans la fpéculation. A la fimple lecture, ils paroiffent peu importans; mais exactements, ils don nent cet éclat & cette force Difcours qui font la réputation des vrais Orateurs. Ún Difcours ordinaire foûtenu par les graces du débit, charme, persuade, & donne a un Orateur médiocre ce nom que l'éloquence la plus parfaite, dépourvue de l'action. n'a jamais pû procurer feule aux génies les plus éloquents. On n'exige pas à la vérité dans un Prédicateur une action auffi fcrupuleuse, que dans un Acteur; mais on la veut toujours vraie, exacte & réguliére. Quand on écoute un Acteur fur le théatre, on n'attache pas fon efprit aux chofes qu'il Antoing représente; on fçait qu'elles font ordinairement dans Cist fabuleufes; mais fa maniére de les repréfen- ron. ter: s'il ne contente pas en ce point, on n'est pas fatisfait. Mais dans un Orateur, on s'attache aux chofes férieufes qu'il annonce; & pourvû que fon action foit raisonnée, qu'elle ne bleffe point la délicateffe des oreilles & des yeux, qu'elle ne choque pas les bienséances, on eft fatisfait.

Quintilien inftruit par les Maîtres habiles qui l'ont précedé, nous fait connoître la difficulté qui fe trouve à former un Orateur parfait, par les foins qu'il prend d'élever dès l'enfance fon difciple dans l'étude de l'éloquence. Il le conduit par la main; il lui donne un précepteur pour bégayer avec lui, & lui apprendre les élémens de la Grammaire & de la prononciation. Tous ces préceptes doivent être fuivis & appliqués

avec jugement. Il fe trouve peut-être des hom mes qui parlent bien fans ces régles;, mais je doute qu'avec cette facilité naturelle, qu'on peut appeller une action d'inftinet, ils puillent toujours & dans toute forte de fujets fe promettre ce fuccès qui a coûté tant d'étude aux Maîtres de l'art. Il 'eft difficile d'acquerir le talent de l'action, fi la nature n'en fait en nous les premiers frais: fi elle ne nous donne la facilité da gefte, une voix fonore, fléxible, &c. Mais ces talens mêmes feront toujours brutes & informes, fi l'art des préceptes ne les fait éclore & ne les forme. Une étude des régles bien réfléchie, un exercice affidu ont fouvent procuré les graces & le mérite de l'action qu'elle paroiffoit refufer. L'art qui perfectionne la nature, la crée auffi quelquefois. Il fut pour Démofthene & Ciceron comme une feconde nature. Heureux qui fçait par lui fe dédommager des refus de cette mere commune, fouvent ingrate, & prefque toujours Quintil. bizarre dans fes dons. Nihil licet effe perfe&um, nifi ubi natura curâ juvetur.

Un Magiftrat illuftre par fon rang & par fes connoiffances ab ien voulu relire l'Ouvrage entier. Que ne dois-je point à fes lumiéres & à l'eftime dont il m'honore! & pouvois-je mieux lai marquer ma reconnoiffance, qu'en mettant fon nom à la tête de mon Ouvrage.

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Le R. P. Berth... Jéfuite, ce modefte Sçavant, fi refpectable par les talens & par les vertus m'a engagé à entreprendre cet Ouvrage après ma traduction de la Rhétorique du Prédicateur d'Augustin Valerio, imprimée chez Nyon fils en 1750. Il en a vû & approuvé le plan, & je me fais gloire d'avoir profité des confeils qu'il m'a donnés pour réaffir dans le fujet qus j'ai traité.

J

'Ai lù par l'ordre de Monfeigneur le Chancelier le Manufcrit qui a pour titre, l'Eloquence du Corps dans le Ministere de la Chaire. Je n'y ai rien remarqué qui en doivent empêcher l'ímpreffion, le quinze Janvier 1752.

A. LE SEIGNEUR.

PRIVILEGE DU ROY.

LOUIS, la grace és de féaux Confeillers, les OUIS, par la grace de Dieu, Roi de France & de

Gens tenant nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand-Confeil, Prévôt de Paris, Baillifs, Senéchaux, leurs Lieutenans Civils, & autres nos Jufticiers qu'il appartiendra, SALUT. Notre amé CLAUDE JEAN-BAPTISTE HERISSANT fils, Libraire à Paris, Nous a fait expofer qu'il délireroit faire imprimer & donner au Public un Ouvrage qui a pour titre, l'Eloquence du Corps dans le Miniftere de la Chaire, par M. l'Abbé DINOUART, s'il Nous plaifoit lui accorder nos Lettres de Privilége pour ce néceffaires. A CES CAUSES, voulant favorablement traiter l'Expofant, Nous lui avons permis & permettons par ces Préfentes, de faire imprimer ledit Ouvrage en un ou plufieurs volu mes, & autant de fois que bon lui femblera, & de le vendre, faire vendre & débiter par tout notre Royaume, pendant le temps de fix années confécutives, à compter du jour de la date des Préfentes. Faifons défenfes à tous Imprimeurs, Libraires, & autres perfonnes, de quelque qualité & condition qu'elles foient, d'en introduire d'impreffion étrangère dans aucun lieu de notre obéiffance; comme auffi d'imprimer ou faire imprimer, vendre, faire vendre, débiter ni contrefaire ledit Ouvrage, ni d'en faire aucun extrait, fous quelque prétexte que ce foit, d'augmentation, correction, changement ou autres, fans la permiffion expreffe & par écrit dudit Expofant ou de ceux qui auront droit de lui, à peine de confitcation des Exemplaires contrefaits, de trois mille livres d'amende contre chacun des contrevenans; dont un tiers Nous, un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris, & l'autre tiers

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