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perfuader, quand on connoît bien le cœur humain. Ayez devant eux une action noble, polie, une voix douce, agréable, un gefte grave & tranquile, des mouvemens fages, difcrets, & un exterieur toujours refpectueux. C'eft plu tôt l'Orateur qu'ils cherchent en vous, le Miniftre. Cachez la féverité de l'un fous les agrémens de l'autre. L'exemple des grands hommes qui ont parlé, avant vous, vous en dira plus que tous les préceptes.

que

La Ville exige de vous une politeffe égale, de l'efprit & de l'élégance dans votre action; mais un air d'autorité, ménagé à propos, n'y déplaît pas toujours. Comme vous êtes alors redevable à des auditeurs d'un génie & d'une capa. cité différente, on vous permet d'avoir quelque chofe de populaire dans les mouvemens comme dans la diction. Pour inftruire, il faut plaire. Cette maxime est pour tous les hommes & pour tous les temps.

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A la campagne, comme parmi le commun du peuple, paroiffez véhement rerrible dans vos difcours & dans votre action : j'y confens, pourvû que vous ne tombiez point dans la fureur ou dans le comique. Ce font des machines dont il faut remuer les refforts. On les

frape, on les perfuade plus par les fens par une voix forte & puiffante, par des geftes impétueux, que par la force du raifonnement ou par la beauté de la diction. L'homme le plus éloquent, le plus poli, fera moins de fruit avec eux, que certains Miffionnaires ardents & fougueux qui crient de toute leur force, & paroiffent toujours en colère dans leur

action.

1. 11.

CHAPITRE IV.

De la prononciation & de la voix,

C'correctement, & bien médité votre

'Eft en vain que vous aurez écrit

Quintil. fujet; fi vous manquez du côté de la prononciation, vous faites perdre à votre Difcours tout fon fuccès. Les fentimens & les paffions languiffent, fi la voix, la langue, le vifage, tout votre exterieur enfin ne les exprime & ne parle leur langage. On n'a pas moins d'égard à la qualité des chofes que nous avons compofées, qu'à la maniére de les prononcer. Quelque forte que foit une preuve, elle perd fa force, fi elle n'eft pas foûtenue par l'affurance qui paroît dans l'action avec laquelle elle eft prononcée. Toutes les affections de l'ame ne font que languit, fielles

ne font point animées par le ton de la voix. Pour moi, continue Quintilien, je ne ferai pas difficulté d'avancer qu'un Difcours médiocre qui fera foûtenu de route la force & les agrémens de la prononciation, fera plus d'effet que le plus beau Difcours qui en fera dénué. Demof thène qui en connoiffoit les avantages, fe mit fous la conduité du fameux Comédien Andronicus, pour apprendre à bien prononcer. Si les mots ont une force confidérable par eux-mêmes, la prononciation a une vertu également particuliére qu'elle communique aux chofes & le gefte comme les autres mouvemens du corps unis avec elle par la même action, forment un tout admirable & parfait.

Combien de Prédicateurs qui ont toute l'érudition & l'éloquence néceffaires pour approfondir & traiter les matiéres, tou te la piété & la vertu de leur état, & qu'on n'écoute cependant qu'avec peine, parce qu'ils ennuient, qu'ils manquent Grenad. du talent de la prononciation! L'impref fion que fait un fujet fur l'auditeur, reçoit plus de force & de vivacité par le ton de la voix, du vifage & du gefte, qui augmente ou diminue la fignification de nos paroles, par l'image des mouve mens extérieurs qu'on apperçoit dans

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POrateur. C'est par là qu'un Discours prononcé fait plus d'effet fur nous que la fimple lecture, & que la main qui écrit n'exprime pas fi bien les affections de l'ame que le vifage & la langue. Dans les converfations familiéres n'eft-on pas fouvent moins attentif à ce qu'on dit, qu'à la maniére avec laquelle on nous parle? Un mot fera reçu pour badinerie ou pour injure, à proportion de l'air du vifage & du ton de voix avec lefquels il fera prononcé.

Pour connoître l'importance de la prononciation, informez-vous de ce qui donne le plus grand fuccès aux piéces de théatre. Les Comédiens par elle ajoûrent de nouvelles graces aux fujets les plus excellents. Comparez la lecture que vous en faites avec le plaifir que vous donne la représentation: ils fçavent foû tenir par leur jeu, les endroits les plus foibles, & intéreffer dans les plus petites chofes. Si dans les pièces de théatre où les fujets font fouvent feints & fimulés, la prononciation anime_toutes les paffions jufqu'à faire verfer des larmes, que ne devroit-elle pas opérer

** Solet acceptior effe fer- exprimit_fcribens_digitus
mo vivus quàm fcriptus, quàm vultus, D. Bernard
& efficacior lingua quam Epift 66.
Littera; nec tam affectus

ibid.

par le miniftere de l'Orateur facré qui ne propofe que des fujets fondés fur la fainteté de la Religion, & dictés par la vérité ? Le but que fe propofe le Prédicateur dans la prononciation, eft de fe concilier les auditeurs, de les perfuader, de les toucher; & pour y arriver, il doit chercher à plaire. Il fe les concilie & par le caractere de fes mœurs qui fe découvre jufques dans le fon de fa voix, Qgintil. & par les agrémens & la douceur du langage. Il les perfuade par un certain ton affirmatif, qui a quelquefois plus de force que les preuves mêmes. Il doit fçavoir marquer de la confiance à propos, & parler d'un ton ferme, particulièrement s'il a quelque autorité par fon rang ou par la place qu'il occupe dans le lieu où il parle. On ne fe donne pas le temps de P. Rapin s'exercer à la prononciation: on n'étudie point affez cette partie de l'action qui feule a le pouvoir d'animer le Difcours, & de lui donner de l'agrément. Cette négligence eft capable feule de rendre inutiles toutes les autres parties de l'action. S'il eft vrai de dire que le grand fecret pour plaire eft de mettre des graces à ce que l'on dit, il faut auffi convenir que ce fecret a beaucoup d'art, & que Part cependant ne peut pas feul le donner. Dans quelques-uns les vertus de l'élo

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