La voix. Apprenons du Pere Lucas quelle eft fa Marche de marche, comment il faut apprendre à la regler par la compofition, & par Ia ponctuation, qui féparent les parties qui forment le: Difcours. Verùm apta mora quis tempora norit ? Vocalis menfura animæ non omnibus una: Nec modus eft celerare unus, vel fiftere vocem. Quemque fuus doceat pulmo nimiumque pa rumque 11 Inter quid pofitum jufto moderamine cedat. dum Tantifper medio reditura oratio gyro Se torquens fiftit. Sunt hæc arcana fonorum bra Orbe nigro punctum, fubtili aut virgula ductu Confignata notis. Imprudens fcriba revellar In falfum ruit, & tenebris caligat obortis. tum Sufpenfus preffo metitur fpiritus ore, Dempferis: auditu mens ufa interprete deerrat. gens. Fallor? an ufus erit quæ fors oblita monere,. Ut longis brevibufque modis tibi fyllaba quan- Par l'obfer ta eft, vation de la Tanta fonet: nec fi horridior fit littera, lenis quantité. Judicio reus eft. Nec caufam dicere tempus, Pour bien prononcer, il faut fçavoir P. Gaichića. la valeur des confonnes, le vrai fon des voyelles, leur élifion, la quantité des fyllabes, placer l'accent où il faut, afpirer à propos, doubler ou radoucir certaines lettres. Pour ce qui eft d'accent en fait de prononciation, le bon eft celui où il n'en paroît aucun. Il ne fuffit pas. d'écrire correctement, de compofer avec goût & dans les régles de l'art, fi on prononce mal en appuyant fans raison fur certaines fyllabes. La Langue Françoife eft la plus unie, la plus liquide mais toutes fes fyllabes ne coulent point également; elle a fes longues, fes bréves, fes accens & fes alpirations. La prononciation doit s'accorder avec les mots, en exprimer la valeur. Cette conformité donne aux chofes un nouveau degré de force & de vertu. Un même mot, felon qu'il eft prononcé différemment, indique, affirine, reproche, &c. Quintil. Faut-il infpirer de l'indignation & de Faire en tendre les der bes. l'horreur, la prononciation a pour cet effet une voix particulière. Dans l'afJemblée du peuple Romain ! Un homme en place! Un Mestre de camp géneral de la Cavalerie Romaine ! En prononçant ces paroles on allonge toutes les fyllabes, on traîne les voyelles. Nous fentons que l'organe s'enfle & fait effort. Cependant les paroles fuivantes demandent une voix encore plus pleine : Sacrés tombeaux des Albains, &c. On prononce done diftin&tement & nitres fylla on donne à toutes les fyllabes le fon qu'elles exigent. Il y en a quelquefois qui nous échapent, parce que nous n'ap puyons point allez deffus; d'autres fur lefquelles nous appuyons trop. Plufieurs affectent de faire fonner l's dans tous les P. Gaichiés. mots où elle fe rencontre. Appuyez furtout fur les derniéres fyllabes Les voyelles foibles & fermées s'y perdent aisément, Extrema vocabula preffo Inferius demitte fono. Magis omnibus una Littera quæ vocem claudit, quæ fyllaba verfum. Un Orateur intelligent ménage fon haleine. Il en a toujours de refte pour la reprendre aux endroits où il le peut faire fuivant les régles de la ponctuation. Quand il prévoit un membre qui ne peut être prononcé tout d'une haleine, il reprend légèrement aux virgules & aux autres fractions du point. Il évite ainfi d'affoiblir fa voix vers la fin, & d'en dérober les derniéres fyllabes à l'auditeur. P. Luc. Eviter la Rien n'eft plus ennuyeux que la monotonie, quand un Prédicateur commence monotonie. & continue d'un ton élevé, & comme s'il parloit aux Anges, ou à des gens qui feroient fufpendus au haut de la voûte. C'eft être bien incivil, dit un Auteur. de faire assembler tant d'honnêtes gens, & de ne leur point dire un mot. La monótonie ôte une partie du fuccès que vous pouvez vous promettre. Ce défaut ôte la force au raifonnement, fait difparoître le brillant & l'énergie des figures ·& de la diction. Ce qui doit toucher, ne touche plus. La nature & la raison font les feuls maîtres qu'il faut confulter. La premiére parle un langage différent dans la trifteffe & dans la joie, quand elle corrige ou qu'elle confole. Plus notre voix s'éloigne de celle de la nature, plus elle eft vicieuse. La raifon nous dit que la parole qui eft l'interpréte de nos penfées & de nos paffions, doit leur donner cette modification de ton qui en fait le caractere diftin&tif (a). Párler toujours fur le même ton, c'eft toucher la même corde d'un inftrument: où il n'y a point d'accord, il n'y a point d'harmonie (b). On connoît d'éloquents Orateurs, habiles Théologiens, dont l'ennuyeufe monotonie endort le commun de l'auditoire, & n'attire l'attention que d'un petit nombre de Sçavans qui prennent fur eux de les écouter fans dégoût (c). Il y a dans la voix trois fortes de tons, l'aigu, le grave & le mitoyen. Ce dernier eft le principe de tous les autres. C'eft de là qu'il faut partir, pour produire cette variété de fons hauts & bas qui forment l'harmonie (d). (a) Varium & mutabile effervefcere ac efferri, ac quiddam vox habere de- fæpè accedere ad præceps. bet. Plutarch. Plin. 4. Epift. ad Lup. (b) Jucundum nihil eft nifi quod reficit varietas. ·Donat. in vit. Virg. (d) Hac varietas, & hic per omnes fonos vocis. curfus, & fe tuebitur, & (c) Debet Orator attol-actioui afferet fuavitatem. 1i, erigi, interdum etiam Cic. 3. de Orat. |