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des Sçavans que j'ai l'honneur de confulters: que mon peu d'expérience & une profonde méditation fur ce fujet, ont fait naître. Je ne les donne pas comme des décifions. Ce feroit. fe tromper que de juger de la bonté de mes confeils, par l'ufage que j'en fais. On peut donner d'excellentes régles, fans être toujours en état de s'y conformer. Tel Orateur pense avec efprit, qui débite fans éloquence & fans. action. Un Auteur, donnera d'excellentes maximes pour la compofition d'un Ouvrage, dont il oubliera le premier de faire l'application: dans fes Ecrits. En fait de fcience comme de moeurs, on penfe bien, & on écrit quelquefois peu correctement; on croit bien, & on. vit mal. Ce font là des défauts de l'humanité propres à inftruire l'homme qu'ils humilient.. Il n'eft pas donné à un feul de réunir tous les talens. Ceux mêmes qu'un homme fage poffede, ne fervent qu'à lui faire connoître fon ignorance, en lui découvrant ceux qui lui manquent. J'ai parlé comme beaucoup d'autres, avant que d'avoir étudié les régles de la parole. On commence par le plus facile, on oublie volontiers l'effentiel.

Ciceron, Quintilien parlent ici en Maîtres. Entre les modernes, Grenade, M. De Fenelon, les P. Gaichiés, Lucas, Sanlec, l'Abbé Villiers, Conrart, ont beaucoup contribué par les lumiéres qu'ils m'ont fournies, à perfectionnercet Ouvrage. M. Remond de S. Albine m'a également fervi dans mon projet. Il est une forte de mérite à parler d'après des Ecrivains. auffi délicats & auffi fenfés. Si le Public reçoit cet Ouvrage avec indulgence, je le devrai S. Bernard. à ces grands hommes dont on lira fouvent Serm. 13. les noms : Nec à me exit quod per me tranfit..

in Cans.

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Je l'ai entrepris pour la gloire de Dieu, le falut des ames, & pour l'utilité des jeunes Miniftres qui fe difpofent aux fonctions de la Chaire. Qui fuis-je pour donner des leçons à ces Orateurs célebres que tout Paris admire, qu'il reconnoîtra dans ces préceptes, eux que je relpecte comme mes Maîtres?TMTM

J'ai choif dans les bons Auteurs, qui ont écrit fur cette matiére, ce qu'ils nous offrent de plus utile. Je les cite avec fidélité ; & un homme de lettres connoîtra toujours, fans que je l'en avertiffe par des guillemets trop fréquents, où je commence à faire parler un Auteur, & où je m'arrête. Mon style est fi inférieur à celui de ces fçavans Ecrivains, qu'on ne peut s'y méprendre. En indiquant à la marget leurs noms & leurs ouvrages, je leur rends ce qu u'ils m'ont prêté, & j'évite la qualité odieufe de plagiaire. Je fuis décidé plutôt à passer pour un geai, fi je le fuis, qu'à me couvrir des plumes du paon. L'exterieur du petit-maître & le ton du pédant font des ridicules également à éviter dans le pays des fciences, comme dans la fociété.

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Les jeunes Prédicateurs trouveront ici dans un feul volume, les maximes & les régles des plus refpectables Orateurs de tous les fiécles. Qu'ils les étudient avec foin, qu'ils s'y éxercent dans le particulier, s'ils font jaloux de mériter la gloire que les premiers ont acquife. Erreur, que de s'imaginer en recevant la miflion de l'Evêque, recevoir par le même caractere l'éloquence de la Chaire. Qu'il y en a qui fe perdent pour trop fe hârer, qui étouffent des talens naturels par le défaut de la connoiffance des régles de l'Action; qui fe perdent par une action contrainte, ou par une imitation fervile: La plupart croient être Ora

tears, dès qu'ils font Prêtres. Sans lecture de l'Ecriture fainte & des Peres, fans exercice la lecture des ouvrages badins & legers, & peut-être même des Romans forme leur goût, leur donne le brillant de la diction, qu'ils foûtiennent par une action de théatre, qui dégenere fouvent dans un comique qui plaît a l'homme du monde, & qui fcandalife le Chrétien

Je connois des Lecteurs qui regardent l'art de conduire la voix & le gefte, comme indigne de la fainteté du miniftere que nous exerçons. Les uns ont un goût gothique, qu'ils ne peuvent affujettir aux véritables régles. Les autres ennemis de toute méthode qui demande de la réflexion, les croient inutiles; ces hommes ne font point nés pour penfer. S. Chryfoftome dans fes livres du Sacerdoce a répondu à ces dévots bizarres & ignorans, qui condamnent tout usage de l'éloquence comme de l'élocution. Quelques-uns fuperfti tieux dans leur piété regardent avec fcandale tout ce qui peut donner du plaifir aux fens, quoiqu'il foit joint avec l'utilité de l'ame. C'eft Conrart. un fcandale de pufillanimité. It eft des hommes graves, fçavans, refpectables à tous égards, qui difent qu'il ne convient point à des Mi niftres qui ne doivent être occupés que de la gloire de Dieu, du falut des peuples, de s'amufer à compofer leur voix & leurs geftes ; que de prétendre perfuader la vérité par les graces de la prononciation, c'eft faire dépendre. La Religion toute fpirituelle des chofes fenfibless que ces régles ne conviennent qu'au théatre; que les Apôtres, pour les avoir ignorées, n'en ont point eu un fuccès moins glorieux. On a fi fouvent répondu à ces objections, qu'il feroit inutile de m'y arrêter. L'homme cft un com

poté ce n'eft que par les fens que la vérité fe prefente à l'efprit, & pénetre jufqu'au cœur ; & comme les maximes de la Religion font contraires à fes inclinations qu'elles comba tent, il ne les écoute, il ne les goûte qu'autant que l'on fçait les lui préfenter d'une maniére qui plaife à fon efprit, & qui les lui fasse aimer, Les vérités de la Loi font pour l'ame comme les médecines à l'égard du corps: il faut accorder quelque chofe à la foibleffe du malade, en déguifer l'amertume fous une douceur exté rieure & apparente.

Dire que les Apôtres n'ont jamais parlé avec art, c'est avancer ce qu'on ignore, pour ne rien dire de plus. Que dis-je ? Eft-il poffible de l'ignorer, quand on eft un peu familier avec leurs Ecrits? Dire qu'ils n'ont point appris par principes cette action que nous recommandons ici, qu'ils n'ont point étudié de méthode, j'y confens; mais dans l'inftant même qu'ils reçurent le don des langues, ils recurent auffi la maniére de parler, c'eft-à-dire la force & les agrémens propres à chaque langue dans la quelle ils devoient inftruire les différents peuples. Quel feu quelle véhémence ! quelle douceur ! quel fublime dans leurs Ecrits ! Pouvoientils donc les prononcer fans ornement & fans action, qualités extérieures qui coulent néceffairement de leur diction. Jacques & Jean les enfans du tonnerre, parloient-ils avec une voix foible, fans la véhémence & la force que préfente cet augufte nom Un S. Paul qui répandoit tant de larmes dans fes exhortations, pleuroit-il d'un air froid & infenfible? Devenus Apôtres par un miracle, animés par la vertu de l'Efprit faint, ces premiers docteurs ont été inftruits par le Seigneur de toutes les fciences. Ils reçurent l'éloquence comme l'efprit de leus

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miniftere, par infufion. Dieu qui devoit ce prodige à l'Univers pour manifefter fa divinité par la foibleffe apparente de fes Ministres, ne le doit plus à leurs fucceffeurs. La Religion établie n'a plus befoin de miracles. Nous ne naillons ni éloquents, ni Apôtres. Nous acquerons le premier titre par l'étude, & la Religion nous communique l'autre par le caractere. Quand on dit prêcher en Apôtre, pour dire prêcher avec une groffiére fimplicité comme on l'entend communément, c'eft parler en ignorant, & manquer de refpe&t à la Religion dont ils font les hérauts. Les Apôtres ont été plus éloquents, plus doctes, & plus prédica-teurs que tous les Peres & tous les Prédicateurs: de tous les fiécles. Quand on cherchera avec yeux d'une éloquence profane ces avanta- · ges dans leurs Ecrits, on ne les y trouvera jamais. Nos Difcours, dit S. Paul, ne font point ceux de la prudence & de la fageffe du fiécle. Ils ne nous ont laiffé dans leurs Ouvrages que ce qui devoit fervir à l'instruction & à l'établiffement de la Foi. Mais que d'excellents, de pathétiques, de fublimes Difcours qu'ils ne nous ont point tranfmis, & qu'ils débitoient chez les peuples les plus barbares comme chez les plus polis! Dans Athènes, au milieu de l'Arcopage, eût-on écouté avec plaifir le Docteur des nations, fi par les agrémens & la force d'une action extérieure jointe au fublime de fes paroles, il n'eût point fçû captiver l'attention d'un peuple Orateur, en traitant ces myfteres qui devoient révolter une Républiquefi fçavante & fi fuperftitieuse?

Ajoûtez, qu'une belle prononciation, qu'une action éloquente, font des dons, qui quoique naturels, descendent de l'Auteur de tour don; & loin de condamner celui qui s'en ferr pour

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