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dinairement fes plus beaux ouvrages dans la verdeur de l'âge, & lorfque l'efprit eft dans fa vigueur. C'eft alors qu'on enfante facilement ces belles productions pleines de feu, dont on ne viendroit à bout qu'avec peine, dans un âge plus avancé.

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» Il n'eft pas poffible, dit M. de Piles, de fixer l'âge au» quel on doit commencer à deffiner, parce que cela dépend de la difpofition & de l'ouverture d'esprit, qui se » forme plutôt dans les uns & plus tard dans les autres; » & que dans tous les Arts, le génie & l'application font la moitié de l'ouvrage. Cependant les jeunes - gens que l'on destine à la Peinture, ne fçauroient se mettre trop-tôt à deffiner, parce que leur génie venant à fe développer en pratiquant, on les laiffe continuer s'ils en » ont pour cet Art: & fi l'on découvre qu'ils n'y ayent point de difpofition, on les employe à des chofes aufquelles on les croit plus propres. Au reste, à quelque âge que l'on commence la Peinture, chacun y avan» ce plus ou moins felon le dégré de fon génie. Il y en a qui fe fentent attirés par leur génie, & qui le fuivent: d'autres en font entraînés comme par violence. Il y en » a peu de ces derniers, & ces génies rares, quand il s'en » trouve, font capables de faire de grands progrès en peu de tems, & il n'y a point d'âge déterminé pour eux. C'est pourquoi le plus für eft de choifir, pour commencer à deffiner, le tems de la premiere jeunesse, comme cela »fe pratique ordinairement.

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De la maniere d'étudier le Deffein.

On demande deux chofes aux jeunes gens que l'on destine pour être un jour de grands Peintres; qu'ils ayent

LE DES SEIN.

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l'imagination vive & la mémoire heureufe, & qu'ils foient d'un bon tempérament & d'une fanté parfaite, car l'étude du Deffein & des différentes parties de la Peinture, est une des plus fortes, & demande beaucoup d'application.

Pour cet effet on les prendra à l'âge de dix ou douze ans, afin qu'ils commencent à être capables de raisonnement. On commencera d'abord par leur faire imiter de petites parties du corps humain, comme des yeux, yeux, des nés, des oreilles, des bouches, &c. (Planches 10, & fuivantes) qu'on deffinera de génie en leur présence, ou d'après quelque deffein original, ce qui eft abfolument néceffaire pour les premieres leçons. On trouvera dans ce Livre des exemples de ces différentes parties, gravées d'après les plus excellens Maîtres, qu'il eft bon d'avoir pour leur donner à copier au défaut de Deffeins originaux. On doit feulement les avertir alors de ne point imiter trop fervilement les hachûres dont les Graveurs font obligés de se servir pour former les ombres; ce qui leur feroit prendre une maniere de deffiner maigre & feche: mais on leur apprendra à exprimer d'un feul trait, avec un gros crayon, les touches que la gravure n'a pû rendre que par le moyen de plufieurs hachûres, mises l'une à côté de l'autre.

Comme le Deffein eft plutôt une émanation des connoiffances de l'ame qu'un travail de la main, & que l'efprit ne peut demeurer long-tems tendu vers le même objet, l'application qu'on eft obligé d'apporter à cette étude, ne doit être ni trop longue ni trop fatiguante; parce que l'imagination venant à se refroidir par un travail trop pénible, ce qu'on feroit alors ne feroit plus qu'un mécanifme fans vigueur & fans goût, & ne pourroit contribuer en aucune façon, aux progrès qu'on cherche à y faire. Ce n'eft pas qu'il faille s'écouter jusqu'au point de

ne rien faire toutes les fois qu'on ne se sent pas d'humeur de travailler, il arrive fouvent au contraire qu'on prend goût au travail après quelque tems d'étude, & qu'on y trouve alors plus d'agrément qu'au commencement: mais on doit fe fixer tous les jours un tems reglé pour étudier, pendant lequel tems on deffinera bien ou mal, sauf à pasfer la mesure quand on y trouvera plus de goût qu'à l'ordinaire. Car quoiqu'il foit vrai que ce n'est qu'à force de peine & de fatigue qu'on peut parvenir à devenir habile homme, il faut cependant pour retirer quelque fruit de fon travail, que cette peine fe trouve mêlée de plaifir, & que la fatisfaction intérieure que l'on goûte en deffinant, fasse préférer ce genre d'occupation à toute autre.

La premiere chose que l'on doit confidérer dans l'acquifition d'un Art que l'on veut exercer toute la vie, c'est de bien partager fon tems, & de donner à chaque étude celui qui lui eft propre. Dans les tems de la premiere jeuneffe, par exemple, où la raifon eft encore foible, & les réfléxions hors de faifon, il faut se prévaloir de la molleffe du cerveau & de la pureté de fes organes, pour y imprimer les connoiffances & les habitudes qu'on voudra faire prendre aux jeunes gens (a). Cela supposé, il faut prendre garde à deux chofes, de ne les pas rebuter en les tenant trop long-tems attachés à la même étude, ou en les fatiguant par des répétitions ennuyeufes fur la même chofe; & de relever l'étude du Deffein, en la diverfifiant par quelqu'autre occupation, comme de leur donner quelque teinture de la Géométrie, de l'Architecture, & de la Perfpective. Car, comme le remarque Quintilien, la jeunesse eft capable d'apprendre à la fois plufieurs disciplines, mais (a) Quo femel eft imbuta recens fervabit odorem Tefta diu. Horat. Epift. I. 2.

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à diverses heures, parce que les unes fervent alors de relache aux autres, & que le changement d'occupation est une forte de recréation pour l'efprit.

des

Après que vos éleves auront copié pendant quelque tems différentes parties du vifage, comme des yeux, oreilles, &c. (Voyez les Planches 10, 11, 12, & fuiv.) on leur donnera à copier des têtes entieres. Il faut leur faire deffiner enfuite les autres parties du corps, comme des mains, des pieds, des jambes & des bras, & enfin des figures entieres, ayant foin que les originaux que vous leur préfentés, foient de la meilleure main qu'il fera poffible de les avoir. Les têtes d'après Raphaël que nous donnons dans ce Recueil (Planches 18, & fuiv.) & les études, d'après les antiques, qu'on trouvera ensuite, sont très-propres à cet usage. Il faut les leur donner l'une après l'autre, & une à une, fans les accabler d'un trop grand nombre d'originaux à la fois, ayant attention de leur bien faire remarquer les proportions & les beautés de ce qu'ils imitent. Vous les aiderez dans les commencemens à efquiffer leur figure, à la bien affeoir & planter, & vous retoucherez enfuite quelques coups aux contours fans cependant trop affecter de les corriger, pour ne point les

rebuter.

Remarquez cependant que comme votre intention n'eft pas de faire feulement de bons copiftes, vous devez exercer vos éleves à produire de tems en tems quelque chofe de leur propre fonds, premierement des yeux & d'autres parties de la face, enfuite des têtes, & enfin des figures entieres. Car quand ils copient un original, c'eft pour apprendre à connoître les proportions; mais lorfqu'ils deffinent une figure de génie, ils s'exercent alors à travailler sur leur propre idée, & à mettre en prati

F

Maître

que les connoiffances qu'ils ont acquises. Un habile peut donner du cœur à fes écoliers, & les encourager à entreprendre de travailler d'invention, en deffinant lui-même quelque chofe en leur présence, & leur enseignant en même-tems de quelle maniere il s'y prend; c'est ainsi que la Fage montroit à deffiner à ses éleves (a). Il faut auffi encourager les jeunes gens, en les louant fur ce qu'ils peuvent avoir de bon, & en ne leur faisant pas remarquer tous leurs défauts à la fois, mais en les reprenant chaqu'un en différens tems, & les uns après les autres. C'est pourquoi il eft à propos, quand on blâme quelque partie de leurs productions, d'en louer en même-tems une autre, pour les dédommager, en quelque façon, du dépit intérieur & du chagrin qu'ils peuvent reffentir de n'avoir point réuffi. Voilà la méthode que l'on doit fuivre dans les commencemens pour conduire fes éleves, & il faut la continuer jusqu'à la fin de leurs études, de forte qu'ils marchent & s'avancent toûjours dans le Deffein par ces deux moyens, l'un de copier de bons originaux, & l'autre de produire quelque chofe de leur propre imagination.

De quelle conféquence il eft de finir fes Deffeins.

Lorsque vos jeunes gens auront fait quelques progrès, & qu'ils commenceront à bien mettre enfemble leur figure, il faut avoir de belles têtes bien deffinécs, & les leur faire

(a) Quelques Maîtres ont eu l'ufage de faire deffiner à leurs éleves, de fouvenir, les chofes qu'ils venoient de faire d'après un original, & cet usage peut être avantageux, pourvû qu'on en ufe fobrement, & fimplement dans le commencement des études; car lorfqu'on eft plus avancé, il ne ferviroit qu'à imprimer dans la mémoire la maniere particuliere de fon Maître, dont on doit fortir un jour pour voler de fes propres aîles.

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